Si dehors j'étais restée

Par Vertuchou

Si dehors j'étais restée,
où je fus commencée,
les nuits seraient péché,
et les journées danger.
Il y en aurait un qui m'eût prise
et puis de nouveau laissée,
et un second serait venu.
Ma bouche , il l’aurait cachée

avec tous ses baisers.
Et un troisième j'aurais
peut-être dû suivre nu-pieds,
et ne l'aurais atteint jamais ;
le quatrième je ne l'aurais laissé
entrer que par fatigue morose,
et pour embrasser quelque chose
et , quelque part ,être couchée.

Or , comme chez aucun je ne dormais ,
n'ai-je donc rien commis ?
Où fus-je quand nous chantâmes , dis ?
Qui appelais-je quand je T'appelais ?

Rainer Maria Rilke