Le jour où Veronica s’éteignit

Publié le 21 juillet 2013 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Veronica Franco  qui était née le 25 mars 1546 à Venise, est morte dans cette même ville, le 21 juillet 1591 à 45 ans dans la paroisse de San Moisè.

On peut lire dans les nécrologies des Magistrats à la Santé : "1591, 22 juillet, La Signora Veronica Franco âgée de 45 ans, touchée par la fièvre depuis déjà 20 jours. S Moise."

Certes, la vie de courtisane était comme un rêve dans un bain de fleurs, mais ces plaisirs étaient accompagnés d’épines ô combien blessantes. Veronica Franco, arrivée à la moitié de sa vie et touchée par quelques ennuis de santé devait déjà avoir subis de nombreuses attaques, tant par les amants éconduits que par la terrible Inquisition.

En 1580, on dénonça Veronica au Saint Office pour sortilèges, pratique de la magie, jeux interdits, négligence des sacrements, non respect des jours maigres, pacte avec le diable pour se faire aimer des riches marchands allemands résidant dans le Fontego, faux mariage pour pouvoir exhiber des bijoux que les prostituées ne pouvaient posséder. On l’accusait aussi de quelques autres choses qui, de nos jours prêteraient à rire, mais également de recours aux sortilèges et aux invocations diaboliques, qui, à cette époque, pouvaient vous mener droit au bûcher.

Quoiqu’il en fût, le procès se termina bien pour Veronica puisqu’il fut suspendu, les accusateurs semblant eux-même coupables des vols dénoncés. Veronica réussit à s’en tirer, démontrant au tribunal que tout n’était que machination pour la perdre.

Elle pensa alors à se réhabiliter, chose naturelle pour une femme qui était certes loin d’être vulgaire et dotée d’un esprit remarquable. Déjà, depuis quelques années, quelque chose en elle avait changé.

En 1575, la ville était envahie par la peste qui provoquait une mortalité importante dans la population. Ce fut un grave coup porté à l’économie de la cité, et donc au potentiel de ses amants. Veronica perdit un frère dans l’épidémie, un autre de ses frères fut emprisonné par les Turcs, elle dut entretenir cinq fils et a perdu beaucoup de son patrimoine.

Elle rédigea un premier testament en 1564, alors qu’elle était prête à accoucher pour la première fois. Sa principale pensée allait vers le fils qui allait naître. "Je laisse tout ce que j’ai au monde à mon fils". Et puis avec une simplicité qui peut étonner aujourd’hui, elle le confiait à l’homme dont elle pensait, sans avoir la moindre certitude, qu’il était le fils, Giacomo de Baballi. Mais la chose était courante à l’époque où les enfants conçus hors mariage rejoignaient souvent la fratrie.

Dans son second testament, qui date de 1570, Veronica a connu de nombreuses difficultés, et a su y faire face. Plus mûre, encore une fois sa première pensée est dirigée vers ses enfants : Achille, fils de Baballi, Enea, fils d’Andrea Tron, Andrea fils de sa femme de chambre Ancilla, qu’elle considérait comme son fils adoptif. De jeunes enfants dont la charité publique lui avait donné la charge sont également cités. Enfin un legs pour deux prostituées qui avaient voulu se marier ou entrer dans les ordres est notifié. Enfin, elle fait aussi un geste vers son frère prisonnier : "Je voudrais que retourne à la lumière mon frère Serafino, prisonnier des Turcs, et pour cela je veux laisser deux cents ducats sur mon capital."

Quando miro la terra ornata e bella
di mille vaghi ed odorati fiori,
e che, come nel ciel luce ogni stella,
così splendono in lei vari colori,
ed ogni fiera solitaria e snella,
mossa da naturale istinto, fuori
de’ boschi uscendo e de l’antiche grotte,
va cercando il compagno e giorno e notte…