Poètes oubliés du XIXe siècle : Laurent Tailhade (VI)

Publié le 21 juillet 2013 par Frontere

(Baiser lesbien, source inconnue)

"Blanches et découvrant sous leurs robes ouvertes
Des torses de déesse et des pâleurs de lis,
Les vierges au grand cœur, sur la pelouse verte,
Offrent au vent leurs reins froids et polis.

"Deux à deux s'enlaçant et de baisers couvertes,
Elles tordent leurs corps dans l'ombre ensevelis,
Et l'âme de Sapho de leurs couches désertes,
Comme un souffle divin, fait onduler les plis.

Car le chasseur Éros que la douleur affame
Se plaît à voir pâmer tous ces beaux seins de femme
Qu'un impossible amour soumet à son tourment.

Et c'est pourquoi, dans Gnide et dans Lesbos la sainte,
Tant de pleurs font bondir les péplos¹ d'hyacinthe²,
Et tant de voix, la nuit hurlent plaintivement."

Laurent Tailhade (1854-1919), Les amantes, extrait du recueil « Poèmes élégiaques », 1907

Notes
¹ vêtement féminin formé d'une grande pièce d'étoffe rectangulaire, maintenue sur les épaules par deux agrafes, avec un rabat retombant à l'extérieur (source : C.N.R.T.L.)
² variante de jacinthe