Femme, fragrance idéalisée

Publié le 21 juillet 2013 par Thierry Piguet

La berline noire conduite par la jeune femme blanche venait de franchir rapidement le portail de la résidence. Sur la banquette arrière on apercevait les oreilles tombantes du grand lévrier afghan. C’était rare lorsque le chien quittait également la maison. Cela voulait dire qu’il n’y avait plus ni habitants ni animaux.
Il glissa la pierre plate qu’il avait récupérée, dans l’allée qui menait à cette demeure. Elle représentait un obstacle pour le portail automatique qui vit son mouvement freiné par cet obstacle imprévu surgit parmi les petits graviers soigneusement ratissés.
D’un bond il se jeta entre les deux lourds panneaux métalliques avant qu’ils ne se rejoignent. Un roulé boulé plus loin, il était allongé dans l’herbe à l’intérieur. La pelouse tondue avait une odeur de poivre mentholée.
Remontant courbé le long de la haie de thuya, il s’était toujours dit que s’il avait l’occasion de "visiter" cette belle demeure, il le ferait. C’était la plus belle maison du village, occupée à l’année par un couple de parisiens dont lui architecte anglais, expliquait qu’il créait des tours en regardant la longue truffe de son chien.
Il se glissa derrière la grande habitation. Evitant les épines les plus agressives il se faufila entre deux immenses rosiers blancs à l’odeur enveloppante.
La nuit commencait à tomber. Dans la pénombre on ne le verrait pas. Il avait pris soin de se vêtir tout de noir. Même les baskets.
S’approchant d’une des fenêtres qui se révéla être celle de la cuisine au premier regard, il enfila ses gants, noirs également, appuya la vitre de la fenêtre guillotine et réussi à la faire monter légèrement. Suffisamment pour glisser un bras, attraper les fils qui devaient être celui d’un système d’alarme (était-il branché ?). Une fois arraché il fit se toucher les 2 pôles. Un clac sonore lui indiqua que le court-circuit qui venait de se produire avait désactivé le disjoncteur. Au loin les cloches du village sonnaient.
Il releva la fenêtre et se glissa à l’intérieur.
La pièce était une cuisine moderne avec un ensemble au milieu de la pièce qui servait à la fois de table et de plan de travail. Dans un coin, il y avait une sorte de vide-poche ou se trouvaient quelques pièces de monnaie et un vieux portable. Il glissa l’ensemble dans le sac qu’il avait pris soin d’apporter.
Le séjour dans lequel il était maintenant présentait un ensemble de pièces plus classiques avec des boiseries aux murs et de nombreux tableaux aux murs. Étaient ce des peintures qui représentait la maîtresse de maison ? Les portraits présentaient une femme blonde portant des robes habillées, serrées à la taille, libérant les épaules et la gorge. Elle avait un jolie regard bleu.
Il fit le tour rapide de la pièce, tomba sur une coupelle en métal travaillé, étain, cuivre, … ce n’était pas un spécialiste. Il la fourra dans son sac. Délaissant le salon aux fauteuils en cuir il monta l’escalier en posant soigneusement ses pieds sur le tapis.
Arrivé à l’étage il se figea prit d’effroi. Un homme le regardait fixement de ses yeux aux globes immenses et blancs. Quoi ? il y avait quelqu’un d’autre dans la maison ?
D’un geste de recul il redescendit 2 marches. L’homme qui le regardait ne fit pas un geste. Remontant jusque sur le palier, tout les muscles bandés prêt à en découdre face à un adversaire qui faisait visiblement sa taille, il compris que ce n’était qu’une statue de bois représentant un majordome africain, le bras en avant pour poser chapeau et accrocher les vêtements.
Ce moment de frayeur passé, il repris son souffle en entrant dans la chambre. Grand lit à baldaquin, dessus de lit en velour. Une odeur de thym et lavande embaumait la pièce venant sans doute d’un bougie parfumée.
Un cri strident le fit à nouveau tressaillir et se retourner brusquement. Une ombre surgit du bout du lit et fila se cacher sous une commande empire, d’ou 2 yeux lumineux le fixait. Un chat ! Ouf
Il ouvrit la penderie qui était en fait une vraie pièce. En regardant les vêtements de luxe suspendu sur des cintres, il décrocha un petit blouson rose en cuir craquelé et le glissa aussi dans son sac en pensant à sa copine. La collection de chaussures qui s’offraient à lui était tellement impressionnante qu’elle le laissa perdu et ne pu rien choisir. Il fit le tour des tableaux pour savoir derrière lequel se cachait le coffre. Tous se soulevaient avec bonne volonté mais ne révélaient que le même motif de papier peint qui n’avait pas été refait depuis un moment.
Il se glissa dans la salle de bain. Par opposition au reste de la maison et comme la cuisine, elle était moderne. La baignoire trônait au milieu. On pouvait en faire le tour sans rencontrer aucun obstacle.
Soudain il la vit. Là posée à coté d’une des vasques, entourée de blush et de gloss, tout juste entamée, elle délivrait sa douce lumière. Femme de Rochas. Ce parfum si tendre et si féminin, dont la position du flacon faisait que les lettres "M" se reflétaient en grand sur le miroir. Il se baissa, se mit à hauteur et se rapprocha du flacon. Elle portait donc Femme de Rochas. Il souleva de ses doigts gantés le bouchon et huma la fragrance. Ce parfum est un chypre-fruité identifié comme étant le premier parfum gourmand de l’histoire.

Soudain il abandonna toute motivation pour ce qu’il était entrain d’accomplir. Il sorti doucement de la salle de bain après un dernier regards à ce mot Femme qui illuminait toute la pièce. Il traversa la chambre, et passant devant le majordome africain y suspendit le sac contenant la mesquine rapine qu’il avait envisager de faire. Il sorti rapidement de la maison, emportant simplement la sublime image d’une femme.

Notes de tête : Palissandre, Pêche, Prune, Cumin
Notes de coeur : Jasmin, Rose, Clou de Girofle, Iris
Notes de fonds : Benjoin, Vanille, Patchouli, Mousse de Chêne