[Pilot Rétro] Friends : 1994, The One Where it All Began

Publié le 27 juillet 2013 par Laserietheque @laserietheque

There’s nothing to tell !

Bien étrange façon de débuter une série qui durera finalement dix ans et aura beaucoup de choses à dire. J’inaugure cette nouvelle rubrique sobrement intitulée "Critiques Rétro" avec Friends, une de mes séries favorites of all times. Je crois même que le pilot de Friends est l’épisode de série que j’ai le plus regardé de toute l’histoire de ma vie de sériephile.

C’est évidemment une sensation particulière que de se mettre à écrire une critique sur une série terminée et que l’on connaît désormais par cœur mais j’ai enfin compris pourquoi je ne m’étais jamais attelée à la tâche : je ne savais tout simplement pas dans quelles circonstances la rédiger. Parfois, le temps fait son oeuvre et c’est heureux.

La genèse de Friends débute d’abord par deux amis, David Crane et Marta Kauffman, qui ont l’idée en décembre 1993 de parler d’un groupe d’amis au milieu de leur vingtaine et vivant seuls à New-York. Vers qui se tourner lorsque le futur est incertain et que l’on vole seul de ses propres ailes ? Ses amis. Après ce pitch de départ, le titre "Insomnia Cafe" a été brièvement évoqué, parmi d’autres comme "Friends Like Us" lorsque le pilot écrit en trois jours seulement a été présenté à NBC qui était à la recherche d’une situation comedy (sitcom). Pilot, par ailleurs, qui a toujours trois titres alternatifs :  "The One Where Monica Gets a Roommate", "The One Where It All Began" et tout simplement "The First One". Environ 22 millions d’américains ont regardé ce premier épisode le 22 septembre 1994. Un succès.

"It’s about sex, love, relationships, careers, a time in your life when everything’s possible. And it’s about friendship because when you’re single and in the city, your friends are your family."

Friends débute donc au Coffee Shop, le Central Perk, avec Monica, gentiment taquinée par Joey et Chandler à propos de son rencard le soir même avec Paul Le Sommelier (Paul The Wine Guy), Phoebe qui les écoute et glisse des anecdotes loufoques tout en nettoyant Ross de son aura négative après son arrivée quelques instants plus tard alors que Chandler racontait un de ses rêves bizarroïdes. Complètement déprimé par le déménagement définitif de sa future ex-femme Carol, qui s’est rendue compte qu’elle était lesbienne, Ross se plaint de sa situation et demande à être de nouveau un homme marié. A cette annonce, Rachel fait son entrée, en robe de mariée, après avoir quitté Barry, son fiancé, sur l’autel. Partie à la recherche de Monica, sa seule connaissance à New-York, elle décide de rester quelques temps chez elle lorsque son père lui coupe les vivres.

La seconde partie de l’épisode se concentre sur la soirée des protagonistes dans le but de poursuivre la présentation des personnages. Du côté des garçons, Joey et Chandler montent les meubles du nouvel appartement de Ross tandis que ce dernier se lamente encore une fois sur son divorce prochain. Une conversation s’engage sur les relations hommes/femmes, le grand thème de ce premier épisode car du côté de Monica, son rendez-vous se passe plutôt bien avec Paul tandis que Rachel regarde un film à l’eau de rose pour se remettre de son mariage raté. La relation Ross/Rachel est à cette occasion déjà esquissée en écho à leurs retrouvailles la veille, au Coffee Shop. On devine déjà que le grand frère de Monica en pinçait pour elle.

Le dernier tiers, correspondant donc aux dix dernières minutes (le pilot dure en tout 29 minutes), se déroule le lendemain. Joey, Chandler, Phoebe et Rachel sont déjà chez Monica lorsque celle-ci se lève après avoir passé la nuit avec Paul, qui du reste lui avait menti pour la mettre dans son lit. C’est à son tour de se plaindre, mais cette fois de la gent masculine. Tout le monde en prend pour son grade dans cet épisode, les hommes comme les femmes. Pendant ce temps, Rachel est retournée dans ses travers ce qui la conduit à couper ses cartes de crédit et prendre ainsi son indépendance une fois pour toute, grâce notamment au poste de serveuse qu’elle trouvera… au Central Perk. La fin de l’épisode est marquée par la scène entre Ross et Rachel, comme un fil rouge depuis le début. Ils se redécouvrent après toutes ces années et se promettent même un rencard, qui on le sait maintenant, ne se fera d’ailleurs jamais. A travers cette scène, les deux personnages se réconcilient un peu avec le sexe opposé. Les débuts du couple mythique Ross/Rachel.

Welcome to the real world ! It sucks. You’re gonna love it ! – Monica to Rachel

Cet épisode inaugural remplit parfaitement son rôle en présentant les six personnages principaux Rachel Green, Monica Geller, Phoebe Buffay, Joey Tribbiani, Chandler Bing, et Ross Geller, le grand frère de Monica et dessine déjà les contours des six amis, de leurs relations et de leurs positions respectives au sein du groupe. Ainsi, on retrouve un Joey obnubilé par les femmes qui, on le devine, a un tableau de chasse aussi long que ses cheveux à l’époque et ne se rappelle plus des prénoms de ses conquêtes tant il en a. Bizarrement, ses côtés bêbête/débile/naïf et hyper gros mangeur n’apparaissent à aucun moment dans le pilot, il se place plutôt en parfait connaisseur de la gent féminine et n’hésite d’ailleurs pas une seule seconde à draguer Rachel alors qu’elle vient à peine d’annuler son mariage. Le côté très sexualisé de son personnage est appuyé lorsque Monica évoque le film porno dans lequel il a joué sous la forme d’une parodie de Pinocchio. Sa carrière d’acteur semble déjà minimisée via cette référence. Quant à Chandler, il tient le rôle du rigolo qui fait sans cesse des blagues pour se moquer de ses camarades et de lui-même traduisant un manque de confiance en lui évident. Le running gag de son homosexualité refoulée dont les premières répliques ont eu lieu dans le pilot ("Sometimes I wish I was a lesbian" / "I’m in Las Vegas, I’m Liza Minelli") s’amorce déjà. On pourra faire le parallèle entre son rêve sur Liza et son père qui se déguise réellement en femme dans son show "Viva Las Gaygas". Le dernier garçon, Ross, passe pour un geignard et se lamente tout au long de l’épisode. Je crois que le téléspectateur est censé s’apitoyer sur son sort mais on a beaucoup de mal car il est terriblement chiant. Étonnamment, les dinosaures qu’il affectionne tant ne sont pas du tout évoqués contrairement au reste de la série. Son amour d’adolescent pour Rachel est toutefois attendrissant même si son personnage est surtout un prétexte au rire, notamment lorsque l’homosexualité de Carol est évoquée ("She didn’t know. How should I know ?"). Nous sommes en 1994, aujourd’hui ça serait anecdotique mais à l’époque c’était particulièrement inattendu.

Du côté des filles, Monica est plutôt libérée et à l’aise avec sa sexualité, elle espère trouver un jour le grand amour et semble être la plus responsable parmi la bande, tout particulièrement lorsqu’elle prend en charge Rachel, même contre son gré. La difficile relation avec sa mère apparaît déjà mais on devine l’excellente relation qu’elle entretient avec son frère pour contrebalancer. Le côté maniaque du personnage n’est pas du tout mis en avant et lorsque l’on visionne le pilot, elle n’apparaît pas sympathique mais pas non plus antipathique. Phoebe, elle, la weirdo-naïve-hippie du groupe, est cantonnée à des apparitions et à des répliques qui mettent les autres mal à l’aise. J’ai trouvé le personnage totalement sous-exploité dans ce pilot, à la limite de l’ennui même s’il est présenté comme les autres. Je me rends compte en visionnant ce premier épisode à l’occasion de ce billet que Phoebe était vraiment anecdotique, coincée entre deux scènes des cinq autres. Elle peinait à trouver sa place et sa sœur jumelle n’est même pas dans le script. Pour finir, Rachel, belle, fille à papa pourrie gâtée, riche et perdue est poussée par les autres à prendre son indépendance en trouvant un travail. Elle ne souhaite pas prendre la voie de sa mère qui a épousé un homme qu’elle n’aimait pas et se souvient de ses rêves de lycéenne. Son personnage est attachant et a une bonne dynamique avec les autres, spécialement Ross éperdument amoureux d’elle. On a envie de savoir comment elle va s’en sortir dans la jungle new-yorkaise.

Les amis remplacent donc clairement la famille dans la série et il est intéressant de constater que la parentalité est mise à mal tout au long de l’épisode. Les seuls représentants de cette catégorie d’adulte sont seulement évoqués comme un imaginaire lointain et pas dans leur plus glorieuse image. La mère de Chandler par exemple passe pour une nympho qui l’appelle en pleine nuit à la place de son pénis (ce qui on le verra plus tard dans la série n’est pas totalement éloigné de la réalité) et ne l’appelle d’ailleurs jamais comme il le souligne. Le background familial de Phoebe est des plus étonnants et dramatiques :

I remember when I first came to this city. I was fourteen. My mom had just killed herself and my step-dad was back in prison, and I got here, and I didn’t know anybody. And I ended up living with this albino guy who was, like, clea ning windows outside port authority, and then he killed himself, and then I found aromatherapy. So believe me, I know exactly how you feel.

Le père de Rachel passe pour un homme égoïste et superficiel qui ne souhaite pas vraiment le bonheur de sa fille. L’amour pour lui n’a aucun rapport avec le mariage. Et quant à la mère de Ross et Monica, celle-ci semble désespérer à l’idée de voir un jour sa fille mariée et mère de famille. Son frère est clairement le chouchou alors que Monica, justement, se matérialise comme la maman du groupe.

En conclusion, le premier épisode de Friends est convaincant mais loin d’être excellent contrairement aux épisodes suivants de la saison. Il pose certes les bases de l’humour de la série et les personnages sont tout de suite identifiables par les rôles qu’ils tiennent dans la dynamique du groupe mais la réalisation reste encore brouillonne. Les malheurs des uns font rire les autres, et les rires des autres font du bien aux uns, c’est ce que l’on retient de pilot. L’introduction d’un potentiel couple ajoute évidemment un intérêt à la série et représente le classique will they / won’t they.  On s’attache vite à certains et on délaisserait presque les autres s’il n’y avait pas parfois la petite phrase qui nous fait les apprécier en un quart de seconde. La seule chose que l’on pourrait déplorer dans ce pilot est le jeu d’acteur de Matt LeBlanc. A part ça, les 22 millions de téléspectateurs ce jour de septembre 1994 avaient misé sur la bonne série ce soir-là.