[Critique] L’AIGLE DE LA NEUVIÈME LÉGION

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Eagle

Note:
Origine : Angleterre
Réalisateur : Kevin Macdonald
Distribution : Channing Tatum, Jamie Bell, Donald Sutherland, Tahar Rahim, Denis O’Hare, Paul Ritter, Istvan Göz, Bence Gerö…
Genre : Aventure
Date de sortie : 4 mai 2011

Le Pitch :
En 140 après J.-C, l’Empire Romain étend sa domination jusqu’à l’actuelle Angleterre.
Marcus, un jeune centurion vit dans le souvenir de son père disparu mystérieusement alors qu’il commandait la Neuvième Légion au nord du pays, 20 ans auparavant, perdant du même coup l’emblème de Rome, un Aigle d’or.
Un jour, des rumeurs persistantes affirment que l’Aigle de la Neuvième Légion serait en possession des tribus se trouvant de l’autre côté du mur d’Hadrien, gigantesque bâtisse séparant l’Empire Romain des territoires barbares. Marcus décide alors de partir retrouver l’Aigle, symbole du déshonneur qui plane sur sa famille depuis 20 ans. Accompagné d’Esca, son esclave, le centurion va devoir pénétrer un territoire hostile où ses certitudes vont vaciller…

La Critique :
Il y avait fort à craindre quand au choix de Channing Tatum pour incarner le héros de ce film. Un pari risqué au vue des précédents faits d’armes de l’acteur, qui à l’époque, était plus enclin à incarner une certaine idée du bourrin de service (G.I. Joe) ou un danseur (Sexy Dance) que le symbole de l’impérialisme romain.
Pourtant, ça fonctionne. Avec son physique de bon soldat, Tatum trouve ce qui restera son premier grand rôle et insuffle du même coup à son personnage toute la puissance nécessaire à rendre le propos du film crédible. Autre choix encore plus intéressant : Jamie Bell. Caution morale du film car seul véritable personnage central de l’intrigue (tout d’abord esclave, le personnage de Bell incarne à lui seul le point de vue objectif des opposants au régime Romain et demeure, par cela, le seul vecteur de remise en question pour le héros Tatum), Bell fait des merveilles. De plus, le jeune comédien, découvert dans Billy Elliot, en opposition totale avec son camarade jeu, que se soit sur le plan physique ou psychologique, est le vrai moteur d’un duo réellement intéressant, entre amitié et domination changeante.

Une distribution de choix donc, qui prend les clichés à rebrousse poil et qui offre au français Tahar Rahim (remarqué dans Le Prophète) une excellente occasion de prouver l’étendu de son jeu. Méconnaissable, l’acteur incarne le double du héros romain. Un double qui reflète finalement les mêmes obsessions et dont l’importance est bien évidemment bien plus grande que celle de jouer simplement le méchant de service.
Des personnages plein de relief, le film de Macdonald, n’en manque donc pas. De plus, L’Aigle se démarque également des récentes productions du genre, comme par exemple Centurion de Neil Marshall qui, tout en étant moins cérébral, partait clairement dans une direction plus légère, plus proche de l’esprit décomplexé des séries B. Sans être forcement moins bon.
Macdonald lui, prend son temps et alterne avec brio des scènes contemplatives, mises en valeur par une photo sublime (on pense alors à Valhalla Rising, de Refn, c’est dire) avec des séquences franchement sauvages, orchestrées avec une certaine virtuosité (la première bataille est un modèle de maîtrise et d’immersion) pour autant de ruptures de ton permettant au récit de se dérouler sans trop de longueurs ni de ralentissements gênants.
Cela dit, alors que le film semblait bien parti pour livrer un spectacle à la fois politisé, symbolique et rythmé (donc divertissant), les choses se gâtent lors d’un final en rupture totale car sombrant dans une facilité déconcertante. Sans être réellement mauvais, ce dénouement semble affirmer la volonté de l’auteur de rentrer au dernier moment dans les rangs, pour mieux coller aux canons du film américain policé. C’est d’autant plus dommage que l’impression persiste lors des 20 dernières minutes, pour s’achever sur une scène plus proche de l’univers des buddy movies que du peplum d’aventure âpre et violent que le film était jusque là. Un renoncement donc, qui sans gâcher la globalité du long-métrage, rend le message de son auteur beaucoup trop évident et vulgaire. La guerre c’est mal, on l’aura compris et les soldats ne sont finalement que les pions d’une autorité qui n’a que faire des hommes qu’elle envoie au front. À Rome comme à Washington. Merci pour la leçon d’histoire…

@ Gilles Rolland

Crédits photo : Metropolitan FilmExport