Convention fiscale franco-suisse sur les successions : quel est l'enjeu ?

Publié le 07 août 2013 par Copeau @Contrepoints

Pourquoi la ministre des Finances suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, s’obstine-t-elle à faire adopter une convention avec la France sur l’imposition des successions contre une droite romande en ébullition ?

Par Philippe Nantermod, depuis la Suisse.

Annonçant « le véritable enjeu fiscal », Yves Petignat tente d’exposer les intérêts réels que poursuivrait le Conseil fédéral avec la convention de double imposition sur les successions. Les députés qui ne verraient pas plus loin que leur clocher ne comprendraient pas que la Suisse a besoin de composer avec la France pour entamer un dialogue sur les questions financières. Selon le journaliste du Temps, la Suisse serait demanderesse sur la plupart des dossiers, à savoir l’adoption de définitions communes sur l’assistance administrative en matière fiscale, l’imposition forfaitaire des résidents en Suisse, l’aéroport de Bâle-Mulhouse et même l’échange automatique d’informations. En résumé, Yves Petignat serait capable – et il est bien le seul à ce jour – de déceler les réelles intentions du gouvernement dont l’agenda stratosphérique nous échapperait, élus locaux sans vision d’ensemble.

Seulement voilà : les prétendues attentes suisses sont en réalités les demandes de nos partenaires. Certes, le Conseil fédéral a la fâcheuse habitude de faire siennes les réclamations étrangères, ce n’est pas la Suisse qui réclame davantage d’assistance administrative, un échange automatique d’informations ou la réduction de la concurrence fiscale. Ce n’est pas parce que notre gouvernement accepte d’entrer en discussion qu’il faut inverser les rôles de chacun.

Le cas de l’aéroport de Bâle est le seul dossier à peu près réglé. Une fois n’est pas coutume, c’est en montrant les muscles que la Suisse a pu correctement défendre ses intérêts. La simple menace de ne plus financer le développement de l’aéroport a suffi pour faire reculer la France. C’est peut-être le signe que la situation économique et financière de nos partenaires leur permet certes de fanfaronner, mais leur interdit toute action précipitée dont les effets collatéraux s’avéreraient dévastateurs à l’heure où plane le spectre des faillites publiques.

Ne nous mentons pas. De dialogue sur les questions financières, il n’y en a pas. Tout au plus un monologue que tiennent nos partenaires et qui, de menaces de liste noire en propos grandiloquents sur les paradis fiscaux, cherchent à imposer aux petits États bien gérés les politiques dramatiques qui ont échoué ailleurs.

Contrairement à ce qu’affirme Yves Petignat, il n’est pas question de nous exciter dans la chaleur estivale des cantines, mais de regarder les choses en face, même si elles sont peu à l’avantage des rêves internationalistes de certains diplomates. La convention successorale ne sert quasiment à rien. Jusqu’à preuve du contraire, le texte de 1953 est en vigueur. La France pourra le dénoncer, action parfaitement légale mais peu amicale, qui serait le seul fait de notre voisin. Le « vide conventionnel » qui fait tant peur aux amoureux du droit, reste la norme pour l’immense majorité de nos relations successorales. Ne nous en inquiétons pas outre mesure.

Quant à savoir si un dialogue fiscal est nécessaire, c’est à nos partenaires demandeurs de le dire et de montrer des gages de bonne volonté. Une discussion saine ne saurait en tous cas commencer par la capitulation de l’une des parties et les échanges internationaux ne peuvent se produire sainement que d’égal à égal.

Les députés, forcément provinciaux, avons certainement trop le « nez dans le guidon » pour comprendre les enjeux qui nous dépassent. A contrario, nous avons peut-être les pieds bien sur terre et saisissons mieux les conséquences concrètes des multiples accords à sens unique. Avant tout, nous sommes élus pour défendre notre pays, pas pour le brader au nom de la nouvelle bienséance internationaliste.

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