Jeudi jeu livresque... du lundi

Par Mademoizela
"Le jeudi c’est Jeu Livresque" est un jeu mis en place par Secret Forbidden World !
C’est une idée très sympathique qui dure plusieurs semaines pour notre plus grand plaisir :)
Plus de détails ? C’est ici !

Semaine 11 : Plus grande influence
Si vous écrivez/écriviez, à votre avis, quelle est/serait le roman, l’auteur, l’oeuvre qui a la plus grand influence sur votre écriture ?


Au lycée, c’était sans conteste Frédéric Beigbeder. Il était mon maître à penser. J’ai été très marquée par 99francs, le cynisme, l’autoflagellation, la dérision et l’humour noir de son auteur. J’ai été très Beigbederiste jusqu’à ma licence.
Il y a eu aussi Philippe Delerm et le bonheur puisé dans le quotidien. J’aimais et j’aime toujours la force qu’il a de regarder le présent avec un air amusé, son observation accrue de la nature, de l’environnement, des êtres. Je situe mon attrait pour Philippe Delerm entre ma première année fac et demain.
Et, il y a eu… un auteur très controversé… Marc Lévy. Comme les critiques disaient du mal de lui, le classaient dans la catégorie mal famée des auteurs populaires, faisant de la « littérature » de masse. En tant que Littéraire, je refusais catégoriquement de lire Marc Lévy au nom de la Grande Littérature.. Bla bla bla. S’il avait vendu moins de livres, les critiques auraient vu en Marc Lévy un auteur pertinent, génialissime, réservé à l’élite Littéraire et l’auraient mis sur un piédestal. Hélas, il a eu du succès, et on l’a taclé. Et un jour, après un micro-ras-le-bol des classiques, un temps mort dans ma vie, un véritable coup de mou, j’ai eu envie de littérature ultra contemporaine et j’ai voulu tester cet auteur que je méprisais sans jamais avoir rien lu de lui, sans savoir qui il était. Il a été mon « coup de foudre ». Son style est tout simplement percutant. Ses phrases me touchent. Ses histoires sont, malgré l’aspect « fantastique », incontestablement humaines. Il sait dépouiller le genre humain, ses faiblesses. Il sait capter des moments forts de notre vie intérieure. J’ai lu Et si c’était vrai6fois, et après j’ai racheté tous les tomes manquants de la fresque de Mr Lévy. Je suis son actualité de très près, et je n’ai pas honte de le dire. En plus, c’est un homme tout à fait charmant. Le roman qui l’a le plus marqué est Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites. Il y a des moments de ce livre que j’aurais voulu écrire.
Enfin, le dernier et non des moindres serait Aragon. Pas dans le domaine de la poésie car je n’écris pas de poésie, je n’ai pas ce talent. Du point de vue de la prose, je suis passionnée par l’aspect technique du langage, de tout ce qui concerne l’envers du décor dans un roman, etc et c’est ce qu’a fait Aragon dans toute son œuvre. J’ai commencé à lire la poésie d’Aragon durant ma première année de fac. Ma passion s’est développée quand j’ai décidé de le choisir comme sujet de mon premier mémoire. Pendant un an, je me suis levée avec Aragon, j’allais à la bibliothèque avec Aragon, je mangeais avec Aragon, je m’endormais avec Aragon… Bref, j’ai vécu avec lui pendant une année sans interruption. Je suis tombée sur divers documents qu’il avait publiés, des conversations, des lettres. Dans une lettre qu’il avait écrite à un critique ou à un journaliste, je me suis reconnue. C’est narcissique et prétentieux de dire cela mais j’assume. Ce même caractère bien trempé et cette répartie cynique. Aragon était (et restera) celui qui sait (a su) mettre des mots sur des sentiments universels. Je dis « universels » puisqu’il a écrit pendant les trois quarts du XX° ce que j’ai ressenti dans le dernier quart de ce même siècle et bien après encore. Le véritable déclencheur de l’avalanche livresque aragonienne? J’ai trouvé dans un livre peu connu (et à vrai dire j’ai oublié lequel) une phrase d’Aragon que j’avais écrite à quelqu’un quelques années auparavant… J’ai compris que ce que je cherchais chez un auteur, ce que j’attendais d’un roman, d’un recueil de poésies, je le trouverais chez Aragon. J’ai rempilé une année supplémentaire avec lui: écrire un deuxième mémoire sur lui m’est apparu comme une évidence.
Aujourd’hui, mon écriture reste très empreinte du cynisme de Beigbeder, du plaisir fugitif de Delerm, de la mélancolie et de l’omniprésence de l’intériorité de Marc Lévy, de tous ces ingrédients que je retrouve, en somme,chez Aragon.

Quelques extraits de lettres


"Mon cher Martin,
Je vois dans les Nouvelles d’hier que vous ne vous gênez plus assez à mon égard. Je vous rappelle que je n’admets pas que vous prononciez mon nom. Et puisque vous avez eu l’imprudence de me faire souvenir d’une conversation au cours de laquelle en présence de M. Gaston Gallimard et Pierre Drieu La Rochelle, je vous ai précisément traité de CON, je saisis cette occasion de vous assurer que je n’ai pas changé d’opinion à votre sujet[...]"
"MON CHER RIVIÈRE,
Il vaut mieux que vous ne comptiez pas sur moi pour la chronique que je vous avais demandé de tenir. Ni les gens ni vous, n’en valez la peine.
Mais amicalement, LOUIS ARAGON. "

Lettre ouverte à Jacques Rivière  : « Raté vous-même, vous devez à une santé de petite fille de ne pouvoir aller dans ces cafés qui sont au moins des lieux ouverts [...]. [...] je n’ai rien à répondre, n’ayant pas de rayon cérébral où élaborer de petites gifles à votre taille, à un article qui, comme toute votre personne du reste, relève du coup de pied quelque part »