Lorsque je suis en vacances à l’étranger je me délecte d’aller voir à quoi ressemblent les cinémas hors de nos frontières à Séoul, Dublin ou Bruxelles. A San Francisco en 2005, j’étais allé six fois au cinéma en l’espace de douze jours, ne perdant finalement rien de mon rythme cinéphile parisien, pour des films pour la plupart restés inédits en France (je me souviens d’un film avec Nick Nolte et Tim Roth produit par Terrence Malick). Mais il ne faudrait pas croire que seules les salles étrangères éveillent ma curiosité à l’heure de l’oisiveté vacancière, qui plus est estivale.
Le charme du cinéma en station balnéaire, c’est finalement un peu cela. Un retour vers l’enfance, et ces sorties le soir après avoir passé une partie de la journée à la plage, quand les parents nous emmenaient manger une crêpe et aller voir un film. Une bouffée de nostalgie qui remonte à la surface et où sont convoqués les lieux de vacances de l’enfance et ces cinémas de province qui furent le temple de souvenirs cinématographiques forcément mémorables par leur simple contexte de divertissements de temps festifs.
Ils se bousculent en masse, ces souvenirs. Je me souviens de l’entracte mal placé de « Robin des Bois, Prince des voleurs » au cinéma de Canet-Plage en 1991. Je me souviens de la file d’attente sous la pluie pour « Quatre mariages et un enterrement » à Barneville-Carteret en 1994. Je me souviens de l’excitation de découvrir « The Rock » en avant-première en juillet 1996, dans la grande salle du Sélect de Granville. Je me souviens de la patte de « Godzilla » écrasant le fossile de T-Rex dans le teaser projeté avant "Men in Black" en août 1997 au Castillet de Perpignan. Je me souviens des frissons qui m’ont parcouru à la découverte de la bande-annonce d’ « Il faut sauver le soldat Ryan », et de l’excitation de découvrir des bandes annonces de films de l’automne dès juillet, lorsque nous allions au cinéma à Granville. Je me souviens d’avoir vu « Matrix » pour la troisième fois dans un cinéma de Saint-Denis de La Réunion avec mon oncle, ma tante, et le fils d’un de leurs couples d’amis, et d’avoir passé deux heures à refaire le film avec eux après.
Finalement je n’ai même pas eu à aller voir « Les Schtroumpfs 2 » pour satisfaire mon envie de cinéma local, car comme beaucoup de ces petits cinémas de province, entre quelques blockbusters il fut possible de trouver un film art & essai que je n’avais pas vu sur Paris, « Le Quatuor », comme j’avais pu découvrir à La Réunion en août 1999 « Les amants du cercle polaire » de Julio Medem. Arrivé une bonne demi-heure en avance au cinéma, je dus prendre mon mal en patience et attendre dans le hall que les portes de la salle 2 veuillent bien s'ouvrir. Lorsqu’enfin le caissier nous fit signe que nous pouvions monter, je profitais que le générique de fin du film précédent n’était pas terminé pour aller zyeuter la grande salle 1 où était projeté « Lone Ranger », histoire de voir à quoi celle-ci ressemblait.
Je retournai ensuite salle 2, où les spectateurs des « Schtroumpfs 2 » avaient déjà déserté la salle, mais le générique de fin n’était lui toujours pas terminé. Je pris place au sixième rang après avoir nettement hésité avec le cinquième (évidemment), et je pus même profiter d’une scène post-générique avec Gargamel et son chat Azrael qui me fit presque regretter de ne pas avoir opté plutôt pour les Schtroumpfs (je plaisante, même si...). Au moment où les bandes annonces commencèrent, nous n’étions que deux dans la salle de 111 places (oui j’ai compté), mais le nombre tripla lorsque le film commença.
En sortant, les spectateurs pour « Les Schtroumpfs 2 » commençaient à arriver. En voyant toutes ces affiches de films à venir, « Fonzy », « Gravity », « Copains pour toujours 2 », les vacances me rattrapèrent. J’ai probablement triché en n’allant pas voir un vrai film d’été en vacances. Mais l’espace de quelques heures, je me suis revu dans ces souvenirs des années 90, je me suis souvenu du jeune spectateur que j’étais et de ses émois cinématographiques estivaux. J’ai bien fait de vadrouiller au Vox de Fréjus.