Vagabond Vortex

Publié le 24 août 2013 par Hunterjones
C'est le retour au travail, à l'école pour les enfants, et le retour d'un poids anormal sur mon corps. Je me dois de recommencer le jogging.
Ce jour-là était un mauvais jour. Vous savez de ceux qui vous apportent une facture de 40$ trop cher sur votre téléphone cellulaire parce que la plus jeune a découvert comment aller sur youtube et a fait exploser de 3 gigs notre limite; le type de jour où vous tenter de booker un rendez-vous pour un problème de santé MAINTENANT et qu'on vous dit "pas de problèmes, on le booke pour le 19 août 2014"; le type de journée où la vie vous fait chier.

Je roule, je roule sur la principale en écoutant, donc, de la musique choisie, parce que la radio ne m'offrira d'elle-même rien de bon, c'est certain.  Puis soudain, une note discordante parmi les accords: un coup de klaxon venant de ma droite. À qui? à moi? Vraiment? Une sale tête, une vraie sale tête, une tête de fripouille de Laval qui me fait signe au volant que je roulerais (peut-être) trop près de lui.
Je le regarde d'un air baveux, désolé, sa tête est franchement mauvaise et je le méprise souverainement, et je lui souris gentiment, je baisse ma vitre au feu de circulation pour lui parler. Je choisis la langue anglaise afin de traffiquer mon identité si il avait à me rechercher pour mieux me tuer (Il en a la tête). Je lui demande:
"New car?"
"...No... why?"
"Because you don't know your distances, baby girl"
Puis je remonte ma vitre et chante les Dandy Warhols. Je suis peut-être coupable de ce dont il m'accuse mais je suis aussi convaincu que non. Cette sale tête est franchement trop agitée pour avoir une quelconque crédibilité. Cette bouille chauve à l'oeil torve m'horripile. Elle devrait se retrouver à la Commission Charbonneau ou dans le casting de la famille Addams pas dans ma lucarne par un beau lundi après-midi ensoleillé. Il me dit des choses en anglais au travers de ma vitre avec une voix d'ogre. Il est fâché. Il jappe. C'est le "baby girl" non nécessaire qui a allumé la mêche. Mes talents de fouille-merde quand je jouais au hockey qui ont refait  surface. Justement dans la journée, j'avais écris sur un autre blogue à moi, sur les échecs de la LNH. Je ne sais pas pourquoi j'avais choisi cet angle. Pourquoi ne pas avoir choisi les 50 plus belles surprises, l'angle positif?  J'errais donc depuis un moment dans un vortex déprimant.
Quand la lumière à changé, il a attaqué violemment d'un coup de pédale du haut de son Jeep. J'avais prévu le coup et j'ai fais le contraire partant volontairement trois secondes après lui, chantant toujours. pout pout pout.
À peine 10 pieds plus loin, il a dû freiner brusquement faisant crier ses pneus car un conducteur tournait et avait dangereusement ralenti là où l'autre accélérait tout aussi dangereuseusement. J'ai tout vu, je trottais dans l'allée suivante. Je suis d'ailleurs passé en riant à gorge déployée à ses côtés et comme il y avait une bonne dizaine de voitures derrière moi, il n'a pas pu changer d'allée tout de suite ni me rattraper. Je le voyais fulminer. Je l'ai perdu de vue.
Une fois chez moi, cette testostérone m'avait fait grand bien. J'ai donc choisi de me remettre en l'oreille les Dandy et de faire mon jogging. Mon parcours habituel. De la rue au parc et l'inverse. Ça allait être une belle journée.
Vers la fin du parcours, suintant et exténué je croise ce joggeur, lui aussi suintant et crevé. Oui, vous avez deviné, il s'agit de ce même burlesque individu aperçu au volant plus tôt. On se reconnait tellement qu'en se croisant en trajet inverse face-à-face, on joggera un petit bout tous les deux la tête par en arrière toisant l'autre en se demandant "est-ce vraiment bien lui? oui, c'est bien lui...". On continue toutefois nos routes respectives qui font un cercle et devraient nous faire nous croiser à nouveau dans 1 km ou deux 2. Ça coincidera avec la fin de ma course. Il est énorme. Vraiment. Une bedaine à faire peur. Deux bébés dedans, peut-être trois, c'est certain. Il n'y aura pas d'arbitres dans ce parc pour envoyer un idiot au cachot comme au hockey.

Je le vois au loin, il s'est arrêté. Il est replié sur lui même les mains sur les genoux comme si il tentait de reprendre son souffle. Mais cette position pourrait aussi être celle d'un joueur de football, dont il a la physionomie, qui s'apprête à foncer sur son adversaire. Je suis moi-même à bout de souffle. Se parlera-t-on? En aurons nous le souffle? Et pour nous dire quoi au juste?
Je cesse de courir moi-aussi et m'approche de lui. Il vomit abondamment sur le sol à ma vue.

Il lève la tête vers moi, choisit de foncer haletant et grognant, quelques grumaux sur le bord de la bouche, et essaie de me slugger d'un violent coup de poing. Je suis crevé mais ai encore d'excellents réflexes, je vois venir le coup et l'évite à 100%, le faisant fendre l'air. J'ai le temps de le traiter de "wanker", il me croira anglais d'Angleterre. Il choisit de refoncer vers moi, fend encore l'air, mais cette fois tombe au sol après son élan bredouille et chute durement la tête (chauve) contre le sol. En plein coeur de son dégueuli.
(...)

Silence radio. Même les oiseaux ne chantent plus. Il a l'oeil (torve) qui tourne. Il a perdu connaissance. Tout seul comme un grand. Avoir eu une cacahuète ou une banane, je les aurais placés près de sa tête pour son réveil.
Je repars calmement en joggant jusque chez moi. Je rigole de l'intérieur.
Expulsé de mon vortex malsain, vagabondant dans le lointain.
Mes bebittes ont vaincu les siennes.
Baby, It's all me.
Je change de parcours à partir de demain.