La nouvelle définition des preneurs de risque au sein des établissements financiers

Publié le 27 août 2013 par Sia Conseil

« 500 000 euros de rémunération annuelle », tel est le nouveau critère qui définira un salarié « preneur de risque » et sur lequel est basée l’évolution de l’encadrement des rémunérations du secteur bancaire.

Si jusque-là étaient concernés exclusivement les salariés dont l’activité impacte potentiellement le profil de risque d’une institution financière, l’Autorité Bancaire Européenne (EBA) a soumis à consultation publique jusqu’au 21 aoĂťt 2013 afin de préciser ces nouveaux critères de « preneur de risque » (risk taker).

Une définition plus exhaustive des « preneurs de risque » pour plus d’homogénéité

L’EBA met en exergue le manque d’homogénéité dans la définition des « preneurs de risque » et souligne que les pourcentages de salariés concernés « varient encore significativement d’un pays à l’autre ». Un des exemples significatifs est celui de la Deutsche Bank qui, en 2012, comptait 1215 preneurs de risque contre 393 au sein de la Barclays pour des tailles de banques d’investissements comparables.

Les nouvelles mesures soumises par l’EBA viendraient s’ajouter à un mouvement général visant à encadrer les rémunérations des dirigeants à travers l’Europe, en particulier dans le secteur des services financiers. A titre d’exemple, la Suisse a récemment voté  une loi donnant aux actionnaires le pouvoir de rejeter les rémunérations des hauts dirigeants.

L’identification d’un salarié en tant que preneur de risque effectif résulte de la conjonction de deux types de critères qui sont à combiner avec les critères internes de l’établissement financier, ces derniers étant basés sur la capacité des salariés à influer sur le profil de risques de l’établissement.

Selon les règles édictées par l’EBA, un salarié est défini comme un « preneur de risque» selon les critères suivants :

  • Aspects qualitatifs, liés à la position du salarié au sein de l’organigramme et son implication dans l’exposition au risque de crédit :
    • Les membres les plus hauts placés dans la chaine de management
    • Les responsables de la fonction du contrôle interne, de la conformité ou de l’audit interne
    • Les managers en charge d’une entité organisationnelle ou juridique distincte, d’une activité ou d’une entité géographique
    • Les responsables des départements juridiques, fiscaux, RH, IT, planification budgétaire, analyse économique ou continuité d’activité
    • Les managers des salariés concernés par les critères internes
    • Les salariés qui de par leur décision ont un pouvoir de modification d’au moins 0,25% du capital tiers 1 de l’entreprise (notamment les traders)
  • L’EBA souligne le fait que les banques ont tendance à désigner un nombre limité d’employés « preneurs de risques « à partir des simples critères qualitatifs, d’où le besoin de les combiner à des critères plus quantitatifs:
    • Une rémunération totale dépassant 500 000 euros
    • Les salariés faisant partie des 0,3% des employés les mieux rémunérés
    • Une rémunération totale supérieure ou égale à la plus basse rémunération des cadres dirigeants ou de tout preneur de risque défini précédemment
    • Une part variable dépassant 75 000 euros et 75%  de la partie fixe du salaire

Des effets pervers ?

En 2011, le salaire total moyen des « preneurs de risques » était de 508 000 euros, ceci expliquant notamment le chiffre retenu pour la nouvelle réglementation. Cette dernière entrainerait des effets non négligeables car, selon une estimation EBA effectuée sur la base de l’analyse de 23 banques européennes, 4 796 banquiers seraient touchés si ce critère de 500 000 euros était adopté (contre 1792 à présent).

Si le périmètre des « preneurs de risques » est élargi de manière aussi conséquente, la compétitivité du marché bancaire européen face à ses concurrents américains et asiatiques pourrait se retrouver menacée. La question se pose d’autant plus pour la City où un nombre plus élevé d’employés pourrait être touché, compte tenu des niveaux de salaires dans le domaine financier. Le journal The Guardian souligne que la nouvelle définition pourrait multiplier par 10 le nombre de banquiers londoniens impactés.

De surcroît, le régulateur ne doit omettre de prendre en compte les risques de dérive  que cette nouvelle définition pourrait comporter. Celle-ci vient en effet s’ajouter à la loi publiée en mars 2013 qui établit le plafond des bonus à 100% de leur salaires (ou 200% avec l’accord des actionnaires). Cette dernière a notamment entrainé une augmentation des salaires fixes, un effet pervers que la nouvelle définition de l’EBA veut contrer.

Ce phénomène d’augmentation des salaires fixes due au plafonnement des bonus pourrait entrainer une décorrélation de la rémunération des acteurs financiers à la qualité de leurs travaux.

Le projet des normes techniques réglementaires doit être soumis à la Commission Européenne fin mars 2014, cela laisse le temps de le voir pondérer en fonction des retours de la consultation.

Sia Partners


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