La route du rock #23 : indie way of life (avec des gifs)

Publié le 28 août 2013 par Acrossthedays @AcrossTheDays

L’indie way of life, voilà ce qu’essaie de promouvoir La Route du Rock malouine depuis 23 éditions estivales. On vous présente notre gif way of La Route du Rock, soit notre live-report, agrémenté de GIFs. La punchline du festival, « pop is not dead » ayant été démentie l’an dernier par un gros vent côté affluence (13 000 spectateurs, soit 5000 en deçà des espérances), la programmation a pris cet été un tournant plus « sexy » (c’est François Floret, patron du festival, qui prononce le mot) : moins d’obscurs (?) groupes nineties, plus de pop « mainstream ». Il faut des jeunes pour remplir le Fort et dormir trois jours dans la boue (ah non, pas de boue cette année, mea culpa), et il faut le faire sans non plus trahir les plus fidèles (on dit deux choses de La Route du Rock : qu’il est « le plus petit des grands festivals » et qu’il a « un public fidèle »).

Pari réussi pour cette année, qui vient dépasser la barre des 22 000 entrées payantes et 5000 invités. Beaucoup de monde dans ce Fort Saint-Père qui pourtant, réussit à respirer et laisser de l’espace au festivalier…sauf pour ce qui est de la nouvelle scène, « des Remparts », malheureusement bien trop vite remplie, et aux quelques problèmes de son. Notre route commence à La Plage, celle de Bon-Secours. Bien connue des Malouins, elle accueille pendant le festival des labels français indépendants qui présentent un de leur artiste en live, précédé d’un DJ set.

Ce jeudi, c’est Clapping Music avec Orval Carlos Sibelius. Si on rate le DJ set en préférant tremper nos pieds dans l’eau (à peine) fraîche, on ne perd pas une miette du live, peut-être un peu trop ensoleillé pour profiter pleinement de la douce psyché distillée avec force et conviction; toujours est-il que les pieds dans le sable, quand la tête dodeline en suivant les rythmes fascinants, on est conquis.

Ce qu’on ne sera pas par l’artiste qui ouvre le bal au Fort Saint-Père, Jacco Gardner, qu’on rate suite à une sombre histoire de navettes (trop peu nombreuses, il a fallu qu’on attende la notre un peu trop longtemps). Ce qui ne nous servira même pas de leçon puisqu’on ratera aussi Jackson Scott et Widowspeak les jours suivants. On se précipite alors devant Iceage. À tort. Sous le soleil qui tape encore, le groupe se démène fort pour maltraiter nos oreilles : pluie de guitares et…pas grand chose d’autre.

Tant pis, c’est l’occasion faire la queue pour acheter des jetons, nos précieux sésames qui nous permettront de nous abreuver en bière tout le week-end. C’est donc avec une bière dans la main qu’on observe Moon Duo (après The Soft Moon l’an passé et Mondkopf l’année d’avant – un groupe lunaire tous les ans, manifestement), qui se transforme en trio sur scène. Beaucoup de cheveux longs devant le visage, beaucoup de guitares fuzz dans les amplis, et un certain plaisir ressenti devant ces rythmes hypnotiques – même si parfois un peu lassants. On est même encore plus lassés devant les pourtant adorables Local Natives. Quand les mélodies arrivent à séduire, le chanteur est atteint du syndrome « chaton qui pleure » : si un chaton est mignon à regarder pendant deux minutes, avez-vous essayé d’en écouter un pleurer pendant une heure ? Je n’ai pas tenu.

On t’économise une place pour le prochain concert de Local Natives : écoute leur album en regardant ce GIF. De rien.

On commence presque à craindre la déception de cette première journée… Quand soudain, la claque. Celle qui est belle, pure, assénée de manière directe. Celle qui caresse aussi, parfois. Celle qui fait du bien. Celle qu’on attendait tous. Celle de Nick Cave et de ses Bad Seeds. Le héros du jour est celui qui prouve à chacune de ses apparitions que contrairement à bien ce que voudraient affirmer des journalistes en manque d’inspiration, le rock n’a pas besoin d’être sauvé. Probablement la plus vieille rock star digne d’intérêt (bisous Mr. Jagger), Nick se démène sur scène pendant plus d’une heure d’un concert flamboyant, commence fort et finit fort, gâte les premiers rangs de nombreuses mains tenues longtemps, n’hésite même pas à insérer dans sa setlist des chansons plus douces. Voilà, c’est ça une claque : un concert qui te scotche du début à la fin.

Voilà un public unanime !

Après ça, dur pour !!! de faire bonne figure : quand on les avait vus en salle à Stereolux il n’y a pas si longtemps, où ils avaient assuré un show extasiant, on les imaginait déjà sur ce grand terrain de jeu que serait le Fort, on se représentait la fête que ce serait, on avait hâte. Et quelle déception, quand on constate, une fois le moment venu, que la sauce ne prend pas : rien ne colle, les riffs funky-groovy-cool s’enchaînent, se ressemblent, et fatiguent. Nic Offer a beau s’agiter sur scène en caleçon, les bars se remplissent aussi vite que la fosse se vide.

Le inventifs strasbourgeois d’Electric Electric composent et jouent un son qu’on qualifierait facilement de « sans frontières » : voilà comment résumer cet exquis mélange de math rock et de noise. Mais aussi exquis soit le mélange, le son un peu foutraque me laisse en dehors de l’ensemble. Probablement un groupe à voir dans l’intimité d’une salle plutôt qu’ici. Soit tout le contraire de Fuck Buttons, pour qui grand le air permet aux sons de prendre toute leur puissance. Le visuel hypnotique se mêle aux boucles fascinantes pour un live mémorable : placés face à face, les deux compères ne jettent que rarement un regard de côté pour observer les réactions du public; on sent pourtant les regards complices qui se jouent entre eux, on lève les bras au ciel, on sourit, on est heureux. Finalement, elle est belle, cette première journée. On va se coucher dans nos tentes mais on y reste là, les yeux grand ouverts : est-ce l’adrénaline de la joie ou simplement les voisins qui font leur soirée karaoké ? Après avoir enfoncé des boules quiès, on a pense avoir trouvé la réponse.

Mes voisins de tente ont « chanté » du One D, oui.

Vendredi, c’est Cankun qui joue sur La Plage. Envolé le soleil, place à la pluie. Tout seul sous son chapiteau, il peine à séduire les (plutôt nombreux) courageux qui se dressent face à lui et ignorent la pluie. Le charme a du mal à opérer quand on cache nos têtes déjà trempées sous des capuches. On se reverra.

Woods aussi, on les reverra, enfin on espère : on était trop occupés à interviewer les gentils Trésors pour en voir ne serait-ce qu’une seconde. Quant à Efterklang, on aurait pas imaginé ça aussi ennuyeux : le live est plat, donné sans aucune conviction. Grosse déception. Comme celle qui nous conduit à ne voir Allah-Las (énergique) et Zombie Zombie (bordélique mais excitant) que de très loin, la nouvelle scène n’étant manifestement pas adaptée à la foule qui habite le Fort. Très loin, ça veut aussi dire excentré : on ne voit donc pas la scène. Quant au son, il nous arrive un peu brouillon.
« Brouillon », c’est ainsi que  certains qualifieront le live des mythiques Godspeed You! Black Emperor. On préférera le qualifier de planant, tant on a été séduits aussi bien par le visuel énigmatique que par les interprétations habitées. Un régal, mais qui divise le public entre les pro et les anti. On a choisi notre camp, et on a pas fini de le défendre.

Bass Drum Of Death laisse les pincettes de côté, empoigne les guitares, monte les amplis jusqu’à 11 et s’énerve. C’est parfois drôle, tantôt excitant; mais on a du mal à vraiment se laisser séduire par cet excès de premier degré.

Un peu comme TNGHT finalement, qui nous avaient laissé de bien meilleurs souvenirs aux Transmusicales. Mais je ne boude pas mon plaisir pour si peu : quand Lunice s’exprime en français avec son si délicieux accent montréalais, je fonds comme une groupie, quand le duo lâche les premières notes du Strange Fruit de Nina Simone (une reprise de Billie Holiday) samplé dans Blood On The Leaves de Kanye West (et produit par TNGHT – faut suivre), je crie ma joie, et quand ils font leur final tant attendu sur Acrylics, je tombe le haut et fais la fête comme si j’étais seul à sauter sur mon lit. La voilà, ma grande fête.

Le samedi, on se décide à voir au moins un des DJ sets des labels français présentés à La Plage : ce sera donc Desire avec ce mix de Chris, le manager de Trésors, qui s’écoute en ligne pour les absents. Une fois tombé amoureux de chacun des morceaux passés, c’est le live du duo parisien Trésors qui me prend par surprise : captivant et délivré avec amour, seuls quelques rares morceaux semblent délaissés par une grâce qui surplombe l’ensemble de l’heure qu’on passe avec eux, heureux.

C’est au Fort que persiste le charme, avec les délicates et parfois un peu noires pop songs de Junip. C’est riche en idées et merveilleux à regarder. Place aux locaux (ou presque, puisque Caennais) Concrete Knives, déjà vus plusieurs fois (peut-être trop ?) ici, ils se sentent à l’aise, invitent le jeune Zachary à chanter sur scène avec eux. Une légère ambiance de kermesse flotte ici, les sourires se répandent, et pendant ce temps je peste contre le confrère qui a osé dérober ma batterie externe pendant que je la laissais charger sans surveillance à l’espace presse. (Cher confrère, si tu veux me la rendre, n’hésite pas à me contacter)

Rends la moi, rends la moi, rends la moi…

Après avoir raté Parquet Courts pour manger des galettes-saucisses (on essaie de se fondre dans le décor comme on peut), direction Tame Impala. Et là : déception. Alors qu’on ne s’était encore lassé d’aucun de leurs deux albums, le live est plat, le son trop faible (en plus des larsens) et les visuels tournent en rond (c’est le cas de le dire : des formes circulaires concentriques dont le mouvement varie selon les sons, wahou).

Suuns et ses boucles hypnotiques peinent à pleinement nous réveiller, mais ont le mérite d’éveiller au moins notre intérêt. Place alors à l’excellent live de Hot Chip : ils prennent leur pied autant que nous, et c’est exactement ce qu’on voulait voir. Les tueries pop s’enchaînent, le public exulte. Effectivement, pop is not dead, Joe Goddard et sa bande sont là pour nous le prouver. La soirée, la fête et le week-end s’achèvent avec Disclosure, dont le live n’a pas énormément évolué (mais ils ont déclaré vouloir bientôt s’entourer d’un vrai groupe live). A défaut d’être réellement surprenants, ils sont efficaces : attaquer d’entrée par Infected et When The Fire Starts Burn est probablement une de leur meilleures idées. La suite n’est qu’enchaînement de tubes, dont les parties réellement lives sont moins rares qu’on aurait pu le croire. Le Fort danse joyeusement, et c’est bien là le principal.

On rentrera des étoiles dans les yeux, parfois déçus par certains lives, souvent ravis par d’autres. Ce qu’il faut dire de La Route, c’est non pas qu’il est le plus petit des grands festivals, mais qu’il est le plus beau des jolis festivals.

Bisous et mercis à Maxime et Sandra de La Route du Rock, ainsi qu’à tous ceux, croisés de loin ou vus de près <3