Nouveau paradigme dans les marchés émergents

Publié le 29 août 2013 par Sylsol

Nous assistons dans les pays émergents à une transition générale d’un modèle de croissance basé sur les exportations vers un modèle durablement stable orienté vers la consommation domestique
Depuis le début de l’année, on observe la forte montée des indices boursiers des pays développés (+17% pour le S&P 500, et +7,6% pour l’Euro Stoxx 50), au détriment de ceux des pays émergents (–8,3% pour l’index MSCI EM, –6,5% au Brésil, –2,5% en Russie, –8,3% en Chine).
S’agit-il d’une tendance lourde par rapport à des attentes trop fortes envers ces pays, ou d’un mouvement de balancier qui se corrigera de lui-même?
A y regarder de plus près, l’enthousiasme moutonnier qui règne sur les bourses développées est largement entretenu par un «quantitative easing» (QE ou assouplissement quantitatif), nécessairement conjoncturel, tant aux Etats-Unis qu’au Japon (troisième économie mondiale, ne l’oublions pas), conduisant aujourd’hui à valoriser le S&P 500 à 13,5 fois les bénéfices attendus en 2013, alors que la bourse de Shanghai est valorisée à 8 fois et celle de Moscou à 5,5 fois.
Certes, les BRICS, prématurément considérés comme des miracles économiques (900 millions d’emplois y ont été créés en dix ans, contre 160 millions dans les pays développés), sont maintenant remisés au rang de systèmes capitalistes autoritaires ou de démocraties gérées, dans lesquelles la recherche de la maximisation des profits pour l’actionnaire peut passer après une politique gouvernementale de plein-emploi (en Chine) ou de subvention des prix de biens de consommation (Brésil, Russie et Inde).
Cela étant, les fondamentaux économiques sont là avec une croissance significativement plus importante que celle des pays développés, une main-d’œuvre abondante, qualifiée et toujours compétitive malgré les ajustements salariaux des dernières années.
En fait, nous assistons dans les pays émergents à une transition générale d’un modèle de croissance basé sur les exportations, donc cyclique puisque soumis aux aléas économiques et financiers des pays développés, destinataires ultimes desdites exportations, vers un modèle durablement stable orienté vers la consommation domestique, du fait de l’émergence grandissante d’une classe moyenne.
Sur le plan financier, les pays émergents possèdent des leviers d’action autrement plus importants puisque leur dette souveraine représente 32% de leur PIB, leurs entreprises y sont en moyenne peu endettées, et leurs banques moins exposées à un risque systémique.
En definitive, à 7,5%, la croissance chinoise reste tout à fait enviable, de même que la Russie, avec 2,5% de croissance et seulement 9% de dette souveraine par rapport au PIB, à comparer respectivement à 2% aux Etats-Unis et 110% de dette souveraine.
Sur ces bases, nous entrons clairement dans un nouveau paradigme, celui de valorisation des bourses émergentes basée sur une croissance avant tout domestique, plus qualitative que quantitative.
(Agnes Arlandis / Responsable des marchés émergents, HSBC - LeTemps.ch - 19/08/13)