On nie la réalité de la mort, on nie la réalité de la guerre, on nie la réalité de la violence et du conflit. On nie donc tout simplement la réalité, en Syrie comme ailleurs.
Un article de Jean-Baptiste Noé.
Après l’expression « frappes ciblées », une autre expression est tout aussi intrigante, celle de « dernière guerre ». Quand on évoque la dernière guerre, on pense à la Deuxième Guerre mondiale, comme si la France n’avait plus jamais été en guerre depuis 1945. Quand on évoque les anciens combattants, on pense aux jeunes, désormais vieux, qui ont fait la campagne de France ou le débarquement de Normandie. La dernière guerre, c’est le Mali, c’est-à-dire la guerre actuelle. De la même façon que l’on cherche à effacer la mort en parlant de frappes ciblées, on essaye d’effacer la guerre, en détournant le sens de la dernière guerre. Ce faisant, nous oublions l’Indochine, l’Algérie, les Balkans, l’Afghanistan. La France a pris part à davantage d’opérations militaires depuis 1991 que pendant toute la Guerre froide. Et pourtant nous serions en paix, et pourtant le budget de l’armée ne cesse de diminuer.
Cela nous amène à la troisième litote, celle de ministère de la Défense. On ne dit plus ministère de la Guerre, voire ministère en charge de l’armée, mais Défense. Cela permet de rester sur une tonalité pacifique, de chercher à dire que l’on se défend. Mais quand on bombarde la Syrie ou la Libye, contre qui se défend-on ? L’ennemi est-il si loin ou à l’intérieur de nos territoires, là où la police ne peut plus aller ; ni même l’armée. Il est fort probable qu’il y aura moins de soldats blessés ou tués en Syrie, qu’il y en a eu sur le territoire français par des islamistes ou des voyous.
On ne parle pas non plus de déclaration de guerre. La France ne va pas déclarer la guerre à la Syrie, elle va mener des frappes ciblées. Mais quand on bombarde un pays, n’est-ce pas une déclaration de guerre ? La France, actuellement en guerre au Mali, va donc bientôt entrer en guerre contre la Syrie.
Résumons-nous. On nie la réalité de la mort, on nie la réalité de la guerre, on nie la réalité de la violence et du conflit. On nie donc tout simplement la réalité. C’est ce qui s’appelle un aveuglement, ou un mensonge. Or la guerre est ce qu’il y a de plus brutal, de plus violent en ce qui concerne le choc de la réalité. Quand Clausewitz disait que la guerre c’est la continuation de la politique par d’autres moyens, nous constatons que cela s’applique complètement à ce que nous sommes en train de vivre. La politique actuelle est dans le déni constant de la réalité, et dans le mensonge érigé en doctrine. On nie le chômage, le choc des hausses d’impôts, la difficulté des entreprises. La négation de la réalité se retrouve désormais dans la guerre et dans la mission que l’on incombe à nos soldats.
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