Article : Modernisation des forces nippones

Publié le 30 avril 2008 par Julien Peltier

Modernisation des forces nippones
Franchir le cap de l’autodéfense ?

L’effort militaire américain massif et le redéploiement des forces US dans le cadre de la grande opération de « lutte globale contre le terrorisme », consécutifs aux attentats du 11 septembre 2001, ont bouleversé profondément les équilibres stratégiques planétaires et locaux. Parallèlement, la montée en puissance spectaculaire de la Chine fournit un nouveau prétexte à Tokyo pour repenser son outil militaire, que ce soit au plan doctrinal ou opérationnel. Zoom sur l’évolution des JGSDF*, l’armée de Terre japonaise.


En 1945, à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, l’Empire du Japon est contraint à la capitulation. Parmi les clauses du traité figure la dissolution de l’armée ainsi que la marine impériales, tandis que l’article IX de la nouvelle constitution stipule que le pays « renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation ». Cependant, la page douloureuse de la campagne du Pacifique se tourne à peine que déjà une nouvelle menace se fait jour, incarnée par l’Union Soviétique, victorieuse et dotée d’une formidable puissance militaire. Avec l’avènement du communisme d’inspiration Maoïste en Chine dans le même temps, les États-Unis regardent, en Europe comme en Asie, l’ennemi d’hier comme le partenaire de demain dans leur stratégie de « containment », d’endiguement de la progression communiste. Dès l’après-guerre, les Américains considèrent le Japon comme une tête de pont asiatique, un véritable porte-avions géant croisant au large de l’empire continental soviétique. Le pays se couvre alors de bases militaires US, et en 1954, le gouvernement japonais se dote d’une « force d’autodéfense » navale, aérienne et terrestre : la Jietai. C’est sur cette dernière composante que portera notre attention.


Le char de combat Type-90, produit par Mitsubishi
Au cours des années 1960 à 1980, l’essentiel de l’équipement est constitué de matériels américains importés, ou fabriqués sous licence. Malgré les besoins limités de son outil de défense, le parc blindé nippon était conséquent. Depuis les années 1990, le complexe militaro-industriel japonais a su prendre le relais, et mettre au point des programmes ambitieux pour secouer la tutelle technique américaine. Le processus s’accroît encore depuis l’année 2001, du fait du déclin de la présence militaire des États-Unis sur le sol japonais, et des demandes à peine voilées du « grand frère » américain, faites au Japon afin qu’il assume ses responsabilités de grande puissance régionale sur le théâtre de l’Asie Pacifique. L’accroissement du potentiel naval et des capacités de projection nippones ont permis aux Jieitai de déployer, pour la première fois depuis 1945, un contingent de casques bleus au Cambodge en 1992, une seconde mission sous mandat onusien dans le Golan en 1996, et surtout des unités en Irak en 2004, dans une zone de combat. Ces opérations, de même que la dispersion de l’effort de guerre US engagé dans la « lutte globale contre le terrorisme », l’augmentation considérable du budget militaire chinois et la persistance – quoique tempérée depuis peu - du bellicisme Nord-coréen, conduisent aujourd’hui le Japon à s’interroger sur les limites imposées par la Constitution, voire à remettre en cause le postulat initial des Jieitai. La question de reformer une armée à part entière, libérée des entraves fixées par le cadre constitutionnel, se pose donc désormais avec acuité.


Hélicoptère de reconnaissance et d'appui OH-1, élaboré par Kawasaki
La force blindée des JGSDF s’appuie sur du matériel souvent de très haute qualité, telle le flambant neuf Type-90, d’ores et déjà qualifié de « char le plus cher au monde », et rappelant sensiblement, dans sa conception comme ses performances, le « Leclerc » français. Le nouvel OH-1 Ninja, intégralement conçu au Japon, viendra assurer des missions de reconnaissance et de couverture aérienne des hélicoptères de combat AH-64DJP Apache (au nombre de 55), qui remplacent actuellement les AH-1 Cobra. Autre exemple de réussite nationale, l’obusier automoteur blindé Type-99 Rongunozu, pourvu d’une pièce de 155 mm aux standards OTAN, se révèle capable de délivrer 18 munitions à la minute ! Citons enfin le véhicule léger de servitude Komatsu, évoquant notre VBL, et qui symbolise la transition d’une tradition presque exclusivement chenillée vers des unités à roues 8x8. Avec un effectif de 147 737 hommes répartis à travers 11 divisions (dont 9 d’infanterie), et 19 brigades spécialisées, les forces terrestres japonaises constituent aujourd’hui un outil militaire des plus modernes et efficients. De même que leurs consoeurs navales ou aériennes, elles vont devoir affronter bien des défis, dont le moindre ne sera pas de repenser leur rôle au service de leur propre défense nationale comme des campagnes de maintien de la paix à l’étranger.
Ujisato


Véhicule blindé léger conçu par Komatsu
* Abréviation pour « Japanese Ground Self-Defense Force »
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