Le point sur la filière ovine en 2013

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages
Par Marc Laffont, septembre 2013

Préambule
Chaque année, le Service de la Statistique et de la Prospective (SSP) effectue une enquête cheptel destinée à déterminer les évolutions d’effectif concernant les différentes filières d’élevage. Cette étude représente l’ossature de la publication annuelle de l’Institut de l’Elevage intitulée : "Chiffres clés 2013, productions ovines lait et viande", dont la dernière mouture, portant sur l’année 2012, a été mise en ligne en août. Cette publication existe également pour d’autres filières d’élevage.
Les habitués de la Buvette remarqueront une forte ressemblance avec une note mise en ligne il y a un an. Il s’agit en effet surtout d’une mise à jour en fonction des données les plus récentes.

Structures de production

Fin 2012, le nombre de brebis mères allaitantes était de 4 134 000 animaux, soit une baisse de 2,5% par rapport à fin 2011. Le cheptel retombe donc très légèrement en dessous des chiffres de fin 2009., La hausse de 2010 n’aura été que ponctuelle. La baisse est de presque 28 % depuis 2000.
Le nombre de brebis mères laitières était fin 2011 de 1 580 000 animaux, ce qui traduit une relative stabilité depuis 2000. Toutefois, on observe une légère tendance à la diminution (-4%) après un maximum atteint fin 2010 (1 647 000). Depuis 1990, la hausse atteint cependant 16,5 %. Il semblerait, à vérifier à l’avenir, que le potentiel de croissance du secteur laitier soit saturé.
Animaux


Exploitations

Ces données n’ont pas fait l’objet d’une actualisation en 2012. Ce sont donc les chiffres de 2011. La régression du nombre d’exploitations détenant des ovins ne s’explique pas seulement par le déclin du cheptel, mais aussi par la régression du nombre d’exploitations détenant des petites quantités d’ovins.
Le nombre de troupeaux supérieurs à 50 brebis a cependant baissé de moitié en une décennie. Selon l’Institut de l’Elevage, 82 % de l’activité ovins-viande est assurée par 16 000 exploitations en 2009.
Evolution de la taille des troupeaux / Age des éleveurs
Même remarque que pour le nombre d’exploitations, sauf qu’il s’agit là des données de 2010.

63 % des brebis allaitantes sont détenues dans des troupeaux de plus de 200 têtes. Cette proportion atteint 85 % pour les brebis laitières.
A l’instar de la population française, la tendance au vieillissement des éleveurs est sensible : 58 % d’entre eux ont plus de 50 ans, dont 27 % plus de 60. Les plus de 50 ans détiennent 43 % du cheptel.
Les moins de 40 ans ne représentent plus que 16 % des éleveurs, et détiennent 25 % du cheptel.
Néanmoins, on semble avoir passé un cap avec les départs à la retraite massifs des années précédentes. S’il est encore trop tôt pour parler de rajeunissement, il n’en demeure pas moins que la part des éleveurs de plus de 50 ans est redevenue ce qu’elle était en 2007. Avec toutefois un nombre d’éleveurs qui s’est lui fortement réduit, ceci expliquant aussi cela.

Répartition Géographique

L’essentiel du cheptel ovin se situe au sud d’une ligne « La Rochelle-Lyon ».


Entre 1990 et 2012, les baisses les plus modérées (car il n’y a pas de hausse) sont observées dans les régions suivantes :

  • PACA -9 %,
  • Lorraine - 22 %,
  • Languedoc-Roussillon –24 %,
  • Midi-Pyrénées - 24 %,
  • Aquitaine et Rhône-Alpes - 28 % ;

Dans le même temps, la baisse au plan national a été de 33 %.
Plusieurs fiefs « historiques » de la production ovine ont vu leurs effectifs s’effondrer au cours des deux dernières décennies.

  • C’est le cas des régions Poitou-Charente (- 58 %, sans doute la conséquence du lâcher clandestin de loups italiens dans le marais poitevin…)
  • et Limousin (- 59 %, probable résultat de la prolifération des sanguinaires vautours fauves dans les faubourgs de Limoges…).
  • Quant aux terribles ours slovènes, ils ont fait des ravages en Bourgogne (- 57 %) et dans la région Centre (- 62 %).

On frémit à l’idée de penser que la région Midi-Pyrénées aurait pu être impactée par le plantigrade, si des lâchers d’ours avaient été effectués dans cette zone dans les années 1990/2000…
Au delà de la boutade, les régions qui connaissent le plus fort déclin ne sont pas concernées, à ce jour, par la problématique « grands prédateurs ». C’est au contraire parmi les régions où vivent ceux-ci que les effectifs ovins résistent le mieux. Signe que déclin ou reprise de l’élevage ovin dépendent de bien d’autres paramètres que l’absence ou la présence de quelques loups, lynx ou vautours fauves.
Il serait sans doute excessif d’affirmer que c’est essentiellement grâce à ces excellents indicateurs de productivité d’écosystème que les effectifs ovins y résistent mieux qu’ailleurs. Mais force est de constater, par exemple, qu’il n’y a probablement jamais eu autant de moutons sur les pentes pyrénéennes qu’au cours de la première décennie du XXIème siècle. Constat comparable, plus marqué même, pour les bovins et caprins. Néanmoins, forte dépendance aux subventions aidant, cela pourrait ne pas durer…
A l’échelle du massif, cette activité pastorale est certes importante en terme d’effectif ovin, surtout à l’ouest de la chaîne. Mais elle connaît une déshumanisation galopante (sauf dans les zones où bergers et patous reviennent dans les pas de l’ours), qui n’a globalement pas empêché la fermeture des milieux et le retour de la lande, puis de la forêt (« l’ensauvagement », comme disent certains « naturophobes »). A l’exclusion notable des quelques zones surpâturées qui, elles, ne risquent pas de se refermer de sitôt…

Consommation de viande ovine

NB : les quantités sont exprimées en « tonnes équivalent carcasse ». Peut être est-il utile de donner la définition de cette unité de mesure: Il s’agit d’une unité employée pour pouvoir agréger des données en poids concernant des animaux vivants et des viandes sous toutes leurs présentations : carcasses, morceaux désossés ou non, viandes séchées, etc. On applique au poids brut un coefficient propre à chaque forme du produit : 1 pour une carcasse entière par définition, 0,5 pour un gros bovin vivant, 1,3 pour les morceaux désossés, 1,8 pour les saucissons, par exemple. (source : Ministère de l’Agriculture)
Un changement de méthodologie est intervenu en 2012 . Depuis les années 80, un coefficient de 1,22 était utilisé pour « redresser » les tonnages officiellement mesurés en abattoirs, afin de tenir compte des volumes échappant à cette voie. Ce redressement, jugé désormais inadapté au secteur ovin français, est désormais abandonné. Deux conséquences : les tonnages officiels diminuent fortement et la part relative des importations s’accroît, alors même que leur tonnage continue de baisser.
L’approvisionnement en viande ovine en 2012 a majoritairement été assuré (55%) par de la viande importée. On remarque toutefois que les importations sont à nouveau en baisse (2%) par rapport à 2011.
A des fins de comparaison avec les années antérieures, j’ai choisi de rajouter, entre parenthèses, ce que serait la production française « avec redressement ».

En 2012, c'est le Royaume-Uni, avec 40 % des importations, qui arrive encore en tête. Changement pour le deuxième place : l’Irlande (18,5 %), devance désormais la Nouvelle Zélande, avec 16 %, et l’Espagne (près de 12 %). La part relative néo-zélandaise est en forte régression, suite à une baisse de la production d’une part, et la réorientation des exportations vers le Moyen-Orient d’autre part.
Contrairement à une idée reçue, la Nouvelle Zélande n’est pas le principal fournisseur de la France.
Et désormais d’assez loin, d’ailleurs. Il est toujours risqué de prolonger des courbes, mais si la tendance se poursuit, il ne serait pas surprenant d’ici 3-4 ans de voir les importations espagnoles dépasser les importations néo-zélandaises.

Pour l’Espagne, dont on connaît les difficultés économiques, l’agneau est devenu un produit d’exportation : alors qu’en 2007, la consommation dépassait les 5 kg/habitant, elle est aujourd’hui tombée à environ 2 kg! L’Espagne exporte aujourd’hui 20 % de sa production, alors que le pays était juste à l’autosuffisance en 2006. Cette stratégie tournée vers l’export permet de soutenir les prix à la production, tout en la concentrant dans les zones difficiles.

Une stratégie comparable semble impossible de l’autre côté des Pyrénées : la France possédant le prix au kilo le plus élevé des pays producteurs, les points de chute en matière d’exportation sont peu nombreux.
Suite au changement de calcul, la viande ovine consommée en France en 2012 n’était d’origine hexagonale qu’à hauteur de 41 % [77 000 tonnes équivalent carcasse (tec) sur 187 000]. La production hexagonale de viande ovine est cependant de 85 000 tec, une petite partie étant exportée, notamment sous forme de jeunes agneaux.
Une petite incohérence apparaît dans le document de l’Institut de l’Elevage pour la présentation de la consommation par habitant : les calculs sont fait sur la base des tonnages redressés. Les mêmes qui ont été supprimés pour le calcul de la production indigène…

Sur cette base, la consommation annuelle par français continue sa régression tendancielle (3,1 kg/an/personne, encore en baisse de 3 % par rapport à 2011). Cette consommation était de 5,4 kg en 1990. C’est à dire une chute de plus de 40 % en 20 ans. Le début des années « 90 » demeure la période pendant laquelle la consommation de viande ovine par habitant a été la plus élevée, toutes origines confondues. Cependant, si on se base sur la nouvelle manière de chiffre la production indigène, alors le seuil symbolique des 3 kg/an/personne est cassé : la consommation de viande ovine par habitant tombe à 2,9 kg. (NDLB : à peine plus qu'un agneau de 8 mois pour 10 français).  

La baisse de consommation de viande ovine s’inscrit dans un contexte global de réduction de la part de la viande dans l’alimentation. Cette diminution est cependant plus marquée pour l’agneau, depuis l’épidémie de fièvre aphteuse de 2001, que pour n’importe qu’elle autre viande, hormis le cheval.
Pour la viande spécifiquement d’origine française, le bilan est encore plus sombre. En effet, en 1990, viande indigène et étrangère se partageaient le marché à parité. Cela représentait donc 2,7 kgec de viande d’origine française/personne/an. Cette consommation est tombée en 2012 entre 1,2 et 1,4 kgec, suivant que l’on redresse ou non les tonnages indigènes. Soit donc une baisse de la consommation de moitié en 20 ans.

L’année 2012 semble indiquer que les conséquences du « bilan de santé » de la PAC initié en 2010 sont désormais diluées, les tonnages contrôlés étant revenus au niveau de 2010. Bilan de santé qui s’est traduit par la réorientation de 125 millions d’€/an au profit de l’élevage ovin, et qui s’ajoutent aux quelques centaines de millions d’€ prévus annuellement par les dispositifs pré-existants.
En complément, notons que l’examen détaillé des classes de consommateurs ne permet toujours pas d’être très optimiste pour l’avenir de la filière: seuls 31 % des moins de 35 ans ont acheté de la viande ovine en 2011, représentant 6 % des volumes. Ils étaient 35 % en 2009, et 37 % en 2006. A l’inverse, le taux de pénétration atteint 74 % chez les plus de 65 ans, soit 40 % des volumes.

Les efforts de « reconquête ovine » principalement auprès du jeune public, telle la discrète campagne « Agneau presto » depuis 2008, n’ont pas vraiment d’impact sur le volume de consommation.

Etude 2010 sur la Consommation de viande par catégorie d’âge

rappel

Tous les quatre ans, le CREDOC réalise une étude de la consommation alimentaire en mesurant les quantités dans l’assiette, à domicile et en restauration. Ces données sont considérées comme très fiables par le site la-viande.fr .
NB : ces volumes de consommation sont exprimés en g/jour/personne. FranceAgrimer se base sur les tonnages en abattoir, exprimés eux en tonnes équivalent carcasse.
L’enquête CREDOC confirme ce que l’on savait déjà : la viande d’agneau est particulièrement peu consommée par la jeune génération. La différence de consommation entre adultes et enfants atteint une ampleur sans équivalent avec les autres viandes. Cela laisse augurer d’une poursuite de la baisse de la consommation. Reste à savoir ce que deviendra la part relative de la production française dans la consommation future.
Taux de pénétration relatifs des différentes viandes de boucherie
Le taux de pénétration est la part de la population étudiée qui a acheté la viande considérée, sans préjuger des quantités achetées.

Confirmation du déficit de séduction de la viande d’agneau
chez les plus jeunes. Confirmation du déficit de séduction de la viande d’agneau chez les plus jeunes : même pas 1/3 de taux de pénétration. A titre de comparaison « tout le monde » achète du bœuf. Le veau, viande également chère, séduit davantage et de manière plus homogène, même si les jeunes en consomment moins souvent que les autres.

L’abattage de loups dans la zone cœur des parcs nationaux ou la création de zones d’exclusion sont-elles de nature à inciter le citoyen, notamment jeune, à consommer davantage d’agneau? A en croire certains députés et sénateurs avant-gardistes, il faut croire que...oui.

Conclusion

La viande ovine ne représente à peu près 3,5 % de la consommation totale de viande en France. La part spécifiquement française s’élevant à moins de la moitié du tonnage consommé, cela signifie que la proportion de viande ovine d’origine française, c’est environ 1,5 % du total de viande consommée.

Et ce n’est pas près de s’arranger, compte tenu du faible attrait dont témoignent les « jeunes » pour cette viande.  Ce n’est donc clairement pas son importance dans l’alimentation des français qui décidera du maintien de cette production dans la panoplie agricole hexagonale.

L’élevage ovin viande recule à peu près partout où d’autres productions agricoles sont possibles. L’élevage laitier s‘en sort globalement mieux, mais semble avoir atteint son maximum de développement.
La pérennisation de cette activité condamnée à être économiquement déficitaire aurait pu s’intégrer dans un vaste programme de sauvegarde/restauration des écosystèmes les plus fragiles, notamment ceux de montagne.

Le compromis comme seule alternative, soit. Mais cela aurait comme postulat l’acceptation du principe de la cohabitation avec les plus beaux fleurons de notre faune sauvage.

Cette hypothèse est dans les faits massivement rejetée par les dignitaires syndicaux qui conduisent leurs adhérents vers une stratégie bien peu glorieuse : le détournement, à leur unique profit, de zones au moins partiellement dédiées à la protection de la Nature : parcs nationaux, hypocrites parcs « naturels » régionaux…etc.

La « biodiversité à usage humain », la prétendue « supériorité des milieux ouverts » sont autant de circonlocutions destinées à un seul but : permettre à des activités en mal de rentabilité et de perspectives de supplanter la Nature dans le peu d’endroits où elle a encore une (petite) place...avec l’argent d’un contribuable qui aspire, pourtant, à davantage de naturalité et dont le point de vue est jugé nul et non avenu.

"Entre la cohabitation et le déshonneur, ils ont choisi le déshonneur…, et ils auront quand même la cohabitation".

...malgré la complicité de politiques clientélistes, y compris, la plus navrante, au sein de partis dit « écologistes ».

Marc LAFFONT