Le Monde de Kant

Publié le 30 avril 2008 par Jcgbb

La morale de Kant a-t-elle inspiré Eichmann ? Le bourreau nazi qui se fait un devoir d’obéir à un ordre d’extermination peut-il se réclamer de sa philosophie ? Ainsi Eichmann dit avoir lu la Critique de la raison pratique et s’en être souvenu. La suite de sa vie montre clairement qu’il n’a rien compris.

Le devoir moral, remarque Kant, commande catégoriquement ; s’adressant à moi en tant qu’homme, et m’intimant d’honorer l’humanité en moi-même comme en autrui, il m’interdit de céder à la peur, à la convoitise ou à la haine. Est moral tout ce qui me rappelle que je suis homme parmi les hommes, et l’égal d’un chacun : ce que je veux pour moi, je dois le vouloir pour les autres.

La moralité bien comprise est donc inséparable de l’unité du genre humain. Aussi lorsque Kant distingue différentes races humaines, en fonction de caractères biologiques héréditaires, il entend des variétés à l’intérieur d’un genre naturel. Mais il exclut formellement qu’il y ait plusieurs espèces d’hommes, telles que l’une puisse en détruire une autre pour s’en protéger. Nous ne trouverons pas chez cet auteur de caution pour l’antisémitisme.

Quant au devoir d’obéissance, à nouveau il faut bien lire ! Kant réfute comme contradictoire un droit de résistance, au sens où une loi ne peut être à la fois obligatoire et facultative. Qu’un sujet puisse se dispenser d’obéir serait lui accorder une autorité égale à celle des lois. Il faut donc obéir, et prendre la parole publiquement pour réformer ce qui peut l’être, mais renoncer à faire usage de la violence.

Mais la condition, c’est que les commandements de l’autorité politique ne contredisent pas l’exigence morale ; l’ordre de tuer ou de torturer ne l’emporte en rien sur la conscience morale du citoyen. Nul n’est tenu d’obéir à un ordre qui porte manifestement atteinte à l’humanité.

Pas moins que Nietzsche, Kant est un auteur qui doit se lire lentement, et longuement.

Le Monde de la philosophie : Kant