La peinture africaine du XXe siècle à nos jours

Publié le 07 septembre 2013 par Jigece

Il y a un moment que je voulais aller voir en Afrique ce qu’il se passait en matière de peinture mais, les quelques fois où j’avais commencé à chercher, je n’avais pour ainsi dire rien trouvé… Cette fois j’ai persévéré et bien m’en a pris car, finalement, j’ai trouvé plein de choses. A tel point, même, que je vais devoir faire un article à part pour l’Afrique du Sud qui grouille littéralement d’artistes, tous plus talentueux les uns que les autres.
Mais, comme vous allez le voir tout de suite, beaucoup d’autres pays d’Afrique ne sont pas en reste, comme par exemple le Maroc, le Nigéria, le Bénin, le Ghana ou la République Démocratique du Congo (RDC), pour n’en citer que quelques uns.
Toutefois ce voyage en Africanie ne saurait commencer, comme toujours chez moi, par un peu d’histoire.

L’art africain ?

Quand il arrive (rarement) qu’on parle d’Art africain, on pense d’abord et tout naturellement à la sculpture, à ces masques ou ces statuettes collectés et ramenés en Europe par les colons désireux de ramener des « souvenirs ». Puis, dans la seconde moitié du XIXè siècle, on va assister à la création de musées ethnographiques. Là, ces objets jouent le rôle de témoignage de cultures dites « primitives » (on parle aujourd’hui d’Art « premier ») que l’Europe  »civilisée » leur assigne. Puis, il y a un peu plus de cent ans, ils vont se retrouver propulsés dans la catégorie des « objets d’art » par les premiers artistes cubistes. C’est en effet en 1905 que s’opère un véritable changement avec la découverte de la sculpture africaine par les artistes avant-gardistes de l’école de Paris tels Vlaminck, Derain, Matisse, Picasso ou Braque, et par les expressionnistes allemands de « die Brücke » dont Nolde, Kirchner, Heckel, Schmidt-Rottluff et bien d’autres… qui vont intégrer ces masques ou ces statues dans leurs peintures.
Pour les premiers, la sculpture africaine devient un support de révolte contre l’académisme, une réponse à leur recherche d’ordre formel et, pour les seconds, les expressionnistes allemands, une source exotique d’inspiration, de soutien psychologique et émotionnel à leur tentative de redécouvrir les sources primordiales de l’art et de se les approprier. C’est dans cette situation que Carl Einstein, en 1915 avec sa  Negerplastik,  puis en 1922 avec Afrikanische Plastik,  va inaugurer la série des études consacrées à la sculpture africaine comprise exclusivement comme œuvre d’art et non plus comme document ethnographique.

Et la peinture ?

En ce qui concerne la peinture, elle a longtemps souffert d’un manque d’attention, conséquence directe de la polarisation de la plupart des scientifiques sur la sculpture. Pourtant, depuis 30 ans, après la période coloniale, la peinture, jusqu’alors peu connue et pratiquée (par rapport à la sculpture qui a une longue tradition), devient chaque jour plus importante. Cette situation va amener beaucoup de personnes peu formées à s’y mettre avec un succès relativement rapide dont l’origine se trouve dans l’apparition d’écoles de styles, comme par exemple l’école d’Oshogbo, l’une des écoles qui a le mieux géré la transition entre la tradition et la modernité.
Les Nigérians sont l’un des peuples de l’Afrique qui ont le mieux défendu leur identité contre l’influence étrangère, bien longtemps avant l’arrivée du christianisme et de l’islam. Ils ont une des plus riches histoires culturelles du continent avec l’héritage de plus de 2000 ans composés des anciennes figures en terre cuite de Nok, des bronzes et sculptures en ivoire du Bénin et d’Ifè considérées comme des chefs-d’œuvre classiques du monde. Il existe au Nigeria des peintres formés dans les académies d’art depuis 1930 et qui connaissent les méthodes de la peinture réaliste. C’est dans ces conditions que les jeunes artistes d’Oshogbo vont faire éclore leur style et que l’école d’Oshogbo va prendre de l’essor. On peut citer Twins Seven-Seven, Muraina Oyelami, Rufus Ogundele, etc. En 1965, ils font leur première exposition de groupe à la Goethe-Institut de Lagos qui maintient la tradition de monter tous les ans des expositions individuelles des membres de cette école d’art.
En même temps à l’Est du Nigeria se constituait une autre école, celle de Onitsha et Enugu. Pendant que les artistes de l’école d’Oshogbo développaient leur art à partir de la tradition, ceux d’Onitsha et d’Enugu s’intéressaient aux scènes quotidiennes de la vie, à la publicité pour les petits ateliers de coiffure ou autre. L’artiste représentatif de cet art est Middle Art de son vrai nom Augustin Okoye.
En République Démocratique du Congo (ex Zaïre), plusieurs artistes produisent ce même genre d’œuvres faussement naïves (peinture de la gaieté de la vie qui n’en n’est pas une) dépeignant la lutte quotidienne de ses compatriotes contre la pauvreté, le sida ou la constipation (la plupart des Africains souffrent de la faim, ou mangent mal). Le plus connu est Chéri Samba, mais on peut également citer Peintre Moke, Chéri Chérin ou Cheik Ledy.
Sans qu’on puisse parler d’école, certains artistes ont su créer un « style » qui sera repris ensuite par leurs « successeurs ». Par exemple Saidi Tingatinga en Tanzanie. Son art est caractérisé par « une vraie naïveté », une sorte d’innocence paradisiaque. Chaque éléphant, chaque zèbre, chaque oiseau est toujours différemment travaillé, coloré, pour ne jamais se ressembler. Tingatinga s’est distingué en installant une table au bord de la route près du marché et a commencé à peindre. Il est abattu en 1972 par la police qui le confond avec un malfaiteur, mais le style Tingatinga perdure toujours (avec plus ou moins de bonheur).

Contrairement aux autres parties du continent, la peinture éthiopienne semble avoir une vraie et ancienne tradition et découle des influences successives des Arabes, des Byzantins chrétiens et de la Renaissance italienne. Pourtant, peu d’artistes de cette riche et ancienne peinture sont connus : cet art populaire authentique n’a produit aucun personnalités artistiques, pas de noms, les peintres étant plutôt considérés comme des artisans. La peinture éthiopienne est caractérisée par l’anonymat des artistes et fortement teintée du passé religieux du pays fait de l’association des relations avec Byzance, la Perse et l’Inde, et c’est à l’écart de cette peinture historique que la peinture dite naïve a trouvé sa propre dynamique.

La galerie

Voici donc cette peinture africaine, de 1901 à 2013, en 154 tableaux et 154 peintres, dont hélas encore très peu de femmes (à peine 14), que voici : Fatima Hassan El Farouj (Maroc), Bertina Lopes (Mozambique), Chaïbia Tallal (Maroc), Fatna Gbouri (Maroc), Najia Mehadji (Franco-marocaine), Nike Okundaye (Nigéria), Manuela Sambo (Angola), Michelle Nzé (Gabon), Huda Lutfi (Égypte), Ghada Amer (Égypte), Thileli Rahmoun (Algérie), Shayma Kamel (Égypte), Florence Béal Nénakwé (Cameroun), Sheila Nakitende (Ouganda).
Bon voyage.