Le journal des bonnes nouvelles

Publié le 08 septembre 2013 par Tittye

Le journal des bonnes nouvelles, un journal où l'on parle de tous les sujets d'actualité mais sous un angle positif. C'est possible ?

Régulièrement, je reçois mon oncle et ma tante à dîner. On en profite souvent pour refaire le monde autour d'un verre de vin rouge, blanc ou pétillant voire les trois. Le sujet du soir tombe. C'est mon oncle qui le lance : "On va faire un journal avec que des bonnes nouvelles... le Journal des Bonnes Nouvelles".

Je reste un peu sceptique... La première idée qui me traverse l'esprit c'est le journal de Jean-Pierre Pernaud...

Du journal télévisé ou radio à la presse écrite, les informations sont majoritairement des mauvaises nouvelles : guerres, meurtres, vols, tempêtes, corruption, politiques inefficaces, droits bafoués...
Mais d'abord, est-ce la réalité ou retenons-nous plus facilement les mauvaises nouvelles que les bonnes ?
On se plaint tout le temps du journal télévisé qui démoralise et du pessimisme français... Réalité ou légende urbaine ?

Les équipes d'Enquête Exclusive cherchaient systématiquement les points noirs du tableau

Paulina Joncquères d'Oriola, étudiante à l'IEP de Toulouse, a fait une petite enquête pour son mémoire de fin d'étude. Selon ses recherches, il existe bel et bien une tendance des journalistes à chercher la mauvaise nouvelle.

Dans mon entretien avec Bernard de la Villardière, ce dernier a reconnu ouvertement que pendant la phase d'enquête ou de tournage, les équipes d'Enquête Exclusive cherchaient systématiquement les points noirs du tableau, au risque de déformer le réel : " Il y a ce qu'on appelle des ficelles dans ce métier qui permettent justement de raconter, de faire partager la complexité d'une situation en tenant le spectateur en haleine.

[..] Et c'est vrai qu'Enquête Exclusive, quand je vais à St Domingue ou quand je vais à Cuba, je ne vais pas m'intéresser à ce qui va bien, je vais plutôt m'intéresser à ce qui va mal. J'ai souvent cette expression: " on va vous raconter ce qui se passe en coulisse, ou l'envers du décors ". Quand on va à Tahiti on va dire: " vous voyez, les plages sont paradisiaques, mais on va vous montrer ce qui se passe derrière, c'est pas joli joli ". Il faut toujours être très vigilant pour ne pas tomber dans l'excès, qui privilégie essentiellement la catastrophe, la tragédie, l'émotion, l'exceptionnel en contrevenant à la vérité et à la réalité".

[...] Renaut Fessaguet va même plus loin dans ses déclarations, en soulignant que les médias jouent sur les instincts primaires des téléspectateurs afin de faire grimper l'audience, laissant ainsi de côté bon nombre de sujets d'investigation qui mériteraient pourtant qu'on leur prête attention : " Il faut que ce soit choc, à défaut d'être chic ! C'est toujours par le petit bout de la lorgnette, et toujours sous le côté le plus dégueulasse. [...]Donc ce que reprochent certains journalistes plus exigeants, c'est que pour faire de l'audience on fait appel aux bas fonds, aux instincts primaires ".


C'est ce que j'explique à mon oncle, si le journalisme est porteur de mauvaises nouvelles, il y a bien une raison : NOUS, lecteurs, spectateurs, auditeurs.

La loi de proximité

Est-ce que les bonnes nouvelles ça intéressent vraiment les gens ? Attention, je ne parle pas de journaux people ou autres lectures de divertissement. Est-ce que les informations positives font monter l'audimat ?

Je leur parle de la loi de proximité. Certainement la première règle qu'on apprend en tant qu'apprenti journaliste surtout si on fréquente une école. Voilà ce qui nous intéresse :

Plus l'information est proche de l'individu plus il la lit : proche dans le temps (aujourd'hui, demain), proche géographiquement (dans ma ville, dans mon pays), proche culturellement (ma vie de tous les jours). Mais toutes ces caractéristiques valent bien peu au regard de la dernière : ce qui vous prends aux tripes. Tout ce qui se rapporte aux sentiments humains (la peur, l'excitation, la honte, l'amour, la perte...) et particulièrement lorsqu'un sentiment de voyeurisme se met en place. Tout ce qui touche à l'intime des individus et qui nous est révélé sous couvert d'informations.

Ainsi, vous voulez parler de l'Inde à des milliers de kilomètres ? Ok, racontez donc cette histoire du viol et du meurtre de trois filles dans un bus à Delhi sous l'oeil des passagers...

Vous voulez parler de Napoléon Bonaparte, parlez de ces aventures coquines...

Vous voulez parler politique, n'oubliez pas les scandales ! Vous voulez parler des pratiques musulmanes, parlons plutôt de moutons égorgés ou de prêches religieux extrémistes.

La sensation n'est pas la même lorsqu'on vous annonce que le couple royal vient de mettre au monde leur bébé que lorsqu'on vous annonce en Une qu'ils viennent de le perdre ? Le malheur, la mauvaise nouvelle, déclenche peut-être plus facilement l'empathie et donc l'intérêt pour un sujet. Ou alors se repaître du malheur des autres fait se sentir mieux... (faîtes un tour sur Facebook pour vérifier ça, tiens)

Heureusement, ces règles s'appliquent aux masses statistiques. Je connais nombre d'individus qui lisent Géo et écoute RFI. De nombreux journalistes vont à l'encontre de ces préceptes et réussissent. Mais revenons à nos moutons, n'est-il donc pas possible de parler de bonnes nouvelles tout en suivant ces préceptes ?

Les journaux des bonnes nouvelles

Des journaux des bonnes nouvelles, il en existe déjà plein. C'est mon oncle qui a été déçu. "T'inquiète pas tonton. lui ai-je dit, des bonnes nouvelles plus il y en a mieux c'est !"

Le journal des bonnes nouvelles de Canal + remplacé par le contre journal était apparemment entré dans l'histoire, je n'ai jamais eu l'occasion de le regarder. Mais en tout cas sur internet, ça pullule :

Après un rapide coup d'œil, un petit malaise s'installe, le même que celui avec mon oncle et ma tante. Mais alors, le conflit syrien, la corruption des politiciens, les épidémies, les femmes battues, on n'en parle plus ? Le métier des journalistes, c'est quand même souvent au-delà d'informer, avertir la population sur des sujets qui leurs semblent vecteur d'injustice, d'abus, de danger...

Sur ces sites de bonnes nouvelles, exit ces sujets qui risqueraient d'endeuiller la page d'accueil et surtout d'embarrasser les lecteurs ( ils se font tous tuer là-bas et nous on ne fait rien...). Facile de se donner bonne conscience quand les news sont bonnes, facile de ne plus remettre en question la société. Elles ont l'air de quoi les news au Kazakhstan au fait ? "Kanye West en concert spécial au Kazakhstan pour le mariage du petit-fils du président dictateur" Oh quelle bonne nouvelle ont d û se dire les Kazakhs.

Bref, les mauvaises nouvelles peuvent d'un côté nous pousser à réagir (réformes des retraites), à nous responsabiliser (pollution) et de l'autre, nous démoraliser. D'où la nécessité des journalistes et de leur patrons de maintenir un équilibre qui refléte la réalité. Rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir. Chaque sujet à des points positifs et des points négatifs.

Une question d'angle

Et si tout ça n'était qu'une question d'angle ? Pour remonter le moral des français, ne faudrait-il pas apprendre à penser autrement ? Un tremblement de terre en Chine ? Au lieu de titrer " Déjà 40 000 morts", les journalistes ne pourraient-ils pas développer les c ôtés positifs ? Un angle sur le nombre de personnes déjà retrouvées, sur une maison qui est miraculeusement restée debout, sur le fait que ça ne peut pas arriver en France (j'en sais rien hein, c'est juste un exemple), sur les plans de reconstruction, sur les dons envoyés... Au lieu de s'attarder sans fin sur l'HORREUR de l'événement. Il ne faut pas occulter les informations mais au lieu d'accuser l'Etat d'avoir mal fait son boulot on peut faire un reportage sur tout ce qui pourrait éviter à l'avenir que ça recommence. Penser positif, penser constructif.

Au lieu de titrer "trois femmes violées et tuées à Delhi" ne peut-on pas tourner le sujet sur le fait que les auteurs des faits ont été arrêtés par la police, que la population a réagi en descendant dans la rue pour défendre leur sécurité ?

Il y a certainement des sujets qu'on ne peut pas traiter de façon positive, ou en tout cas pas sans manquer de respect aux protagonistes qui ont vécu l'histoire. Mais il faut peut-être essayer de se poser la question avant de développer un angle : Est-ce que je suis vraiment obligé de traiter cette info façon mauvaise nouvelle ? N'y-a-t-il rien de positif à retirer de cette histoire ?