Dernier été du vieux monde

Publié le 10 septembre 2013 par Lifeproof @CcilLifeproof


© Jean-Luc Navette

Jean-Luc Navette, ancien élève de l’école Emile-Cohl et figure de la scène alternative lyonnaise, est un illustrateur qui pratique le tatouage graphique. Il officie sur les deux fronts dans son atelier Viva Dolor au 4 rue Bellièvre à Lyon, lieu qui lui sert également de galerie. Il a réalisé des travaux pour des groupes de musique tels que Heavy Trash, Overmars/Starkweather, et the Dad Horse Experience. En 2006, il publie son premier ouvrage d’illustrations : Crève, aux Éditions Black Cat Bones, un livret où sont consignés des icônes zombifiées, des stars amochées, des célébrités cadavériques, ainsi que des mythes anonymes. Tout est presque toujours dessiné en noir et blanc. La couleur ou encore le gris ne font que des apparitions très ponctuelles au sein du travail charbonné de monsieur Navette. Les Éditions Noire Méduse publient : Dernier été du vieux monde, en décembre 2012. Dans ce second livre, le dessinateur nous livre des images se situant à l'intersection du souvenir, de l'entre deux guerres mondiales, des gueules cassées, des freaks des fêtes foraines d’en temps, du blues (Charley Patton & Robert Johnson), ainsi que des ballades folks chargées d'anecdotes graves de cette Amérique du début du 20éme siècle. Elles sont traversées de compositions sépulcrales, de clins d’œil à l'époque victorienne et chaque illustration dense et épaisse, porte un "contexte narratif" riche. Les thèmes évoqués sont la promesse amoureuse, les destins brisés, l’avènement du malheur, l’errance, ainsi que les murder ballades.


© Jean-Luc Navette

En faisant des recherches pour cet article, je suis régulièrement tombé sur d'autres chroniques à propos du premier livre de Navette, qui débutaient par cette citation du poète, cinéaste F.J. Ossang décrivant la Mort comme étant "ce continent de notre corps où la vie ne se remémore plus quelle force la hante". En jetant à nouveau un œil aux illustrations de Navette, je remarquais qu'au-delà de la notion de mort aux aguets, rodant dans le fond de chaque image ou presque, beaucoup de ses personnages baignaient dans une sorte de résignation face à leur destin, à leur état de pauvreté. Même lors qu’apparaît une phrase telle que : « et je pleure comme seules savent le faire les femmes courageuses », l'idée de personnages empêtrés dans leurs vies, dans des situations malheureuses, dans destinées maudites ne vous décolle pas du crâne, malgré le regard frondeur de la jeune femme qui porte ces lignes sur son décolleté. Une sorte de mauvais sort semble s'abattre sur les personnages mis en scène par l'illustrateur, dont la plupart s’accommodent bon an mal an. Même les sursauts de bravoure et de révolte sont tous vouer à une issue dramatique ou tragique. Dans certains dessins sa venue inéluctable est même célébrée en musique, convoquée, attendue, comme si les personnages, encore vivant pourtant, avaient déjà oublié quelle force, quelle volonté les animait.

© Jean-Luc Navette

Cyril