Evren est turc, mais il a grandi en Belgique et il achève ses études de comptabilité à Cologne chez son ongle. Il a un caractère sage, et même un peu coincé, un visage ingrat et tombe amoureux de sa jolie cousine Derya alors qu’il n’a encore jamais approché une fille. C’est décidé, il veut l’épouser et il en fait part à sa famille à son retour chez lui. Mais la congrégation turque respecte les traditions, et c’est donc toute une délégation familiale qui se déplace pour demander la main de la belle, qui ne s’attend pas à l’affront. Derya refuse Evren ! Celui-ci épouse donc Yasemin, une jeune paysanne de 16 ans que ses parents lui ont dégotés, tout droit sortie du pays et qu’il ne connait pas. Tout se passe à peu près bien jusqu’au jour où, surprise ! Derya débarque chez Evren. Et c’est là que tout se complique… Se trouve mêlé à cette histoire René, un voisin de la famille, croque-mort de son état ainsi que Marcel qui vit avec lui, un attardé mental qui passe ses journées à regarder Colombo. Chaque chapitre de ce roman totalement original et délicieux est raconté par un protagoniste différent de l’histoire et chacun d’eux livre sa version des faits, vue sous le poids de la tradition, de la religion, des principes reçus. C’est un récit très drôle et profond à la fois, avec des passages totalement savoureux et poétiques et en même temps une passionnante étude des mœurs turques et notamment de la place de la femme dans la hiérarchie de leur société. Il y a un peu de la tragédie grecque dans cette histoire où le poids de la famille et du devoir pèse lourd, et tout l’éventail des caractères apparait au détour des personnages : sens du devoir et force de caractère pour les uns, abnégation, soumission ou rébellion, lâcheté, peur, mensonges… Bref, on se régale de bout en bout de ce récit sans temps mort, intelligent et bourré d’humour, qui détend autant qu’il intéresse et qui mène l’action tambour battant avec un suspense digne d’un polar.
Editions Robert Laffont. Publié en 2012. 273 pages