Attendu à Cannes où il n’a finalement pas été sélectionné, « Snowpiercer, le Transperceneige » est finalement arrivé en France via le Festival du Cinéma Américain de Deauville (un choix étonnant) et l’Étrange Festival, où il était projeté le 8 septembre au Forum des Images. L’UGC Ciné Cité Les Halles a flairé le bon coup et a profité de la présence du cinéaste coréen dans le quartier ce soir-là pour organiser lui aussi une avant-première (le film ne sortira en salles en France que le 30 octobre prochain). Snowpiercer arrive auréolé de son carton au box-office coréen, où il a récemment franchi les 9 millions d’entrées (un excellent score). Il nous arrive également alors que les cinéphiles américains grincent des dents depuis qu’ils ont appris il y a quelques jours que le distributeur local, The Weinstein Company, avait demandé à Bong Joon-Ho de faire des coupes pour proposer un montage différent (probablement plus court et moins sombre) pour la sortie nord-américaine du film.
Heureusement la France n’est pas concernée, et c’est bien la director’s cut de « Snowpiercer, le Transperceneige » qui sortira dans nos salles, et que j’ai pu découvrir dimanche soir aux Halles après une introduction de Bong Joon-Ho lui-même, accompagné des auteurs français de la BD et de l’un des seconds couteaux du film, l’acteur Tomas Lemarquis. Et puis finalement, après quatre ans d’attente pour découvrir le nouveau film de mon cinéaste coréen favori, la lumière s’est éteinte et « Snowpiercer » a démarré.
Il n’y a rien de plus terrible que de désirer si ardemment un film pendant des mois pour en ressortir en se disant que c’était « bien ». Nourrir l’espoir que ce pourrait être le film de l’année, et comprendre que ce ne sera qu’un bon film. Elle est terrible cette attente, et cruel ce désir. Oui, j’ai aimé Snowpiercer. J’ai aimé cette Terre frappée par un nouvel âge glaciaire où les derniers survivants se sont réfugiés dans un train faisant le tour de la planète sans jamais s’arrêter. Un train divisé en castes où il ne fait pas bon se trouver dans le ghetto des derniers wagons. Mieux vaut l’opulence des wagons de tête, et cela fait 17 ans que cela dure. Curtis en a assez d’être au fond du train à manger cette gelée à la composition douteuse. Il veut que l’équité sociale soit établie et mène une rébellion qui va voir les pauvres des derniers wagons remonter le train jusqu’à celui qui règne en maître dans leur abri de fortune, Wilford.
Il n’est pas difficile de voir ce qui a pu intéresser Bong Joon-Ho dans la BD française, et dans sa transposition sur grand écran. Faire un film de genre futuriste pour parler des maux actuels de la société, il avait fait la même chose avec « The Host » en faisant d’un film de monstre une parabole sur la politique guerrière américaine. Alors oui, Snowpiercer dénonce beaucoup de travers, l’exploitation du pauvre par le riche, la transparence de la pauvreté lorsque l’on est riche, la répression de ceux qui osent se révolter pour s’extraire de leur condition… Les thèmes forts ne manquent pas dans Snowpiercer. Et Bong Joon-Ho s’amuse à exploiter l’espace clos du train, faisant de chaque passage de wagon à wagon une aventure, faisant de l’avancée des protagonistes un voyage à travers des univers qui sont comme des mini-tableaux de la société.
Si j’ai pris un certain plaisir devant « Snowpiercer », mon monde n’a pas été chamboulé par la découverte du film comme il avait pu l'être par « The Host ». Le film ne m’a pas pris aux tripes, enthousiasmé et bouleversé comme « Memories of Murder ». Il n’a pas non plus soufflé un vent de poésie délicate comme l’avait fait « Shaking Tokyo », le sketch que le cinéaste coréen avait réalisé pour « Tokyo ! ». En découvrant Snowpiercer, j’ai vu un bon film de science-fiction, mais après avoir goûté si souvent à la grandeur, il est difficile de se satisfaire de moins.