Désirs et volupté à l'époque victorienne, exposition au musée Jacquemart-André

Publié le 18 septembre 2013 par Mpbernet

18 septembre 2013

Il est certain que si l’exposition s’était intitulée « Les peintres anglais de la seconde moitié du XIXème siècle », elle aurait attiré moins de visiteurs ! En revanche, avec cette sorte d’oxymore « Désirs, volupté » d’une part, « époque victorienne » de l’autre, on se demande vraiment s’il convient d’y emmener des enfants … 

Au-delà de ce titre un brin racoleur, on nous donne à découvrir une tranche (soit une cinquantaine d’oeuvres) de l’extraordinaire collection du financier mexicain d’origine espagnole, Juan Antonio Perez Simon, l’un des plus grands collectionneurs privés de notre temps. Une vision étonnante d’une époque (de 1860 à 1914) qui, en Europe, vit naître le mouvement impressionniste, en Italie les Macciaioli

En Grande-Bretagne, ces peintres qui deviennent à la mode, sont anoblis par la Reine, trouvent leur public parmi les grandes fortunes nées de la Révolution industrielle. A Paris, les peintres académiques tiennent le haut du pavé. A Londres, on s’enthousiasme pour les représentations idéalisées de la femme élancée, à la carnation laiteuse et à la chevelure rousse et légèrement frisottée, typiquement britannique …

Personnellement, je connaissais déjà et appréciais les fondateurs du mouvement préraphaëlite comme Dante Gabriel Rosetti et Edward Burne-Jones, et cette exposition m’a fait découvrir Lawrence Alma-Tadema, Frédéric Leighton, Albert Joseph Moore ou John William Waterhouse. Entre nous, je ne crois pas devoir les garder longtemps en mémoire …

Ce qui caractérise les tenants de cet Aesthetic Movement est la beauté formelle et l’excellence de la technique, qui en fait rapidement la coqueluche des nouveaux magnats de l’industrie. On redécouvre l’Antiquité, et en particulier Pompeï qui occupe une place prépondérante dans les représentations de drapés transparents, de belles femmes ramassant des galets au bord de la mer ou tolérant une cour discrète sur une terrasse fleurie.

Ce qui m’a le plus étonnée : la grande toile intitulée « Les Roses d’Héliogabale » de L. Alma-Tadema. Une scène surréaliste où l’on voit en arrière-plan quelques convives qui prennent plaisir à regarder mourir étouffés sous des tonnes de pétales de fleurs d’autres invités. Le Moyen-Âge et les légendes arthuriennes inspirent aussi nombre de peintres, truffant leurs tableaux de symboles et d’allégories compréhensibles par les lettrés comme cette Elaine devant le bouclier de son amour volage...

L’accrochage suit plusieurs thèmes : Désirs d‘antique, muses et modèles, femmes fatales, volupté du nu, culte de la beauté. Mais tout cela est extrêmement retenu, l’érotisme très mesuré. Evidemment, nous avons beaucoup de mal à nous représenter ce que ces images évoquant le retour de l’Âge d’Or pouvaient à l’époque provoquer comme réactions dans la pudibonde Angleterre. Chez nous, on découvre le Déjeuner sur l’herbe ou Olympia, des œuvres bien plus poivrées … et qui font scandale avant de devenir des chefs d’œuvres incontestés. On adopte l'Art Nouveau comme outre Manche le mouvement Arts and Crafts et le style Liberty. La modernité est là, toute proche ...

La palme du « kitsch » et de l'anachronisme revient sans doute à Albert J. Moore et son Quatuor, hommage du peintre à l’art et à la musique, où l’on voit trois jeunes filles de dos, drapées dans des toges opportunément transparentes, regardant quatre costauds éphèbes, eux aussi à demi-couverts, jouant d’instruments à cordes ….

J’oubliais : ces peintres adorent les peaux de bêtes, mises à contribution comme vêtement (une panthère) ou plus loin comme tapis (un ours blanc) …

 

 

 

 

Exposition au Musée Jacquemart-André, 156 boulevard Haussmann, jusqu’au 20 janvier, tous les jours à partir de 10 heures, 11€.