Heaven can't wait

Publié le 23 septembre 2013 par Euphonies @euphoniesleblog

David Lemaitre - Latitude

On est toujours décontenancés par un chef-d’œuvre qui vous tombe sur le coin de la gueule sans prévenir. Et un chef-d’œuvre c’est un peu comme le grand amour : vous pouvez employer toute votre énergie à le trouver, le débusquer, à provoquer la rencontre, vous rentrerez souvent bredouille de cette quête. Et puis un jour, alors que vous achetez des patates à la supérette du coin le cheveu sale et la mine déconfite, alors que vous avez recouvert à la va-vite votre pudique nudité d’un vieux t-shirt waikiki et d’un bermuda mauve pour descendre faire cette course rapide, vous tombez nez-à-nez avec l’indécente incarnation de votre libido intérieure, avec des jambes et un cerveau. En musique comme en amour, ça ne prévient pas, et plusieurs réactions sont possibles :

1 -  L’évitement. Non pas là, pas maintenant, je suis pas prêt. Plus tard, après shampooing et after-shave.

2 - L’étude discrète à distance. Feindre l’indifférence. Assumer son bermuda et faire semblant de regarder ailleurs, de loin prendre des notes, compiler des informations importantes, en se promettant d’y revenir.

3 – L’aveu d’évidence, la résolution au coup de foudre : puisque vous êtes séduits, jetez-vous à l’eau.

Peut-être que la musique a cet avantage (d’une courte tête) sur l’amour de vous permettre les multiples tentatives. Mais elle partage aussi avec la rencontre amoureuse ce goût de l’immédiateté : c’était pas le lieu, le moment mais vous êtes conquis. Après tout reste à faire : dans les deux cas on peut passer de l’éblouissement radical à un épuisement rapide du sentiment. Ou on peut aimer à vie de rares fois, un disque, un être, malgré ses défauts, ses imperfections. Dans tous les cas, ni la remasterisation, ni le maquillage de quelques suppléments bonus ne changeront la donne.

Aujourd’hui j’ai succombé au charme de David Lemaitre. Artiste bolivien installé à Berlin, ce prétendant m’a livré un billet doux, sensible, inspiré (Magnolia (Girl with camera), The Incredible Airplane Party). Nous n’en sommes qu’au début, mais j’ai bien envie de prendre mon temps, pour apprécier tout ce qu’il a à m’offrir. Car je sens que je tiens là un chef-d’œuvre sur la longueur. Un trésor de ressources inépuisables qui déjà me rend la solitude moins vertigineuse. Demain je le relance.

Megalomania :


Magnolia (Girl with camera) :