L’Assurance-Crédit, un marché en pleine mutation

Publié le 24 septembre 2013 par Sia Conseil

Face à un contexte économique difficile et à un risque de sinistralité accru[1], les principaux assureurs crédit ont dĂť s’adapter en révisant leurs expositions, offres et tarifications.

Décriés en 2008, notamment pour leur gestion des couvertures clients, parfois qualifiées d’opaques, ces derniers restent cependant aujourd’hui des acteurs incontournables pour beaucoup d’entreprises. Le marché des assureurs crédit a d’ailleurs su profiter de ces périodes pour attirer de nouveaux clients (+4% entre 2010 et 2011) et répondre à des demandes de couverture toujours plus importantes.

Outil d’assurance, l’assurance-crédit est aussi un instrument d’aide à la gestion du risque pour les entreprises

L’assurance-crédit est une forme particulière d’assurance destinée à garantir les entreprises contre les défauts de paiement de leurs clients pour cause d’insolvabilité ou en cas d’évènements extérieurs (risque politique, terrorisme, catastrophes naturelles‌)[2]. Elle aide à la gestion du risque client en remboursant les pertes liées au dépôt de bilan, au refus de payer ou à une incapacité de paiement.

Aujourd’hui, le marché de l’assurance-crédit s’organise autour de trois principaux acteurs européens détenant 90% du marché mondial : EULER HERMES (34 %), ATRADIUS (28 %) et la COFACE (20%) ; le reste du marché étant fractionné entre différents acteurs de petite taille.

En complément de l’activité d’assurance, des services annexes sont souvent proposés : accès aux bases de données acheteurs, prise en charge du recouvrement des créances impayées[3], etc‌ L’assurance-crédit, en plus d’être un outil de couverture poste client, est donc aussi pour les entreprises un instrument d’aide à la gestion et au pilotage du risque.

En 2011, avec plus de 20% des faillites d’entreprises en Europe ayant pour origine des impayés, et une progression de 7% des créances irrécouvrables[4], la couverture du poste client et la gestion trésorerie est redevenue un enjeux stratégique pour les entreprises.

La crise a conduit les assureurs crédit à se réinventer et à trouver de nouveaux relais de croissance

Les conséquences de la crise sur le marché des assureurs crédit fait ressortir aujourd’hui quatre grands constats.

Tout d’abord, la diminution du volume d’activité de la profession a été compensée par l’afflux de nouveaux clients. Si le ralentissement des échanges commerciaux (tant national qu’à l’export) s’est traduit par des volumes d’affaires plus limités, le souci de protéger leurs trésoreries a conduit les grandes entreprises à se prémunir davantage contre les défauts de paiement. En attestent les taux de rétention  observés chez les principaux assureurs (de 85 à 95%) ainsi que l’évolution du montant des encours assurés depuis 2009. De fait, si la période de 2008-2009 a vu une baisse des encours de crédit assurés, ces derniers sont repartis à la hausse sur 2011-2012, et ce malgré la persistance des difficultés économiques.

Ensuite, la crise de 2008-2009 est venue écorner l’image des assureurs crédit auprès des entreprises. Confrontées aux réductions brutales de garanties, à la hausse des primes et à l’opacité entourant les ratings et décisions des assureurs, les entreprises ont été amenées à chercher des alternatives. Si la situation oligopolistique, couplée à la quasi-impossibilité qu’ont beaucoup d’entreprises à se passer des assureurs crédit, protège le marché, le développement d’instruments de substitution (OSEO, internalisation de l’analyse du risque client par les entreprises‌) risque à terme d’impacter les principaux opérateurs. Pour lutter contre cette image dégradée, les assureurs misent aujourd’hui sur plus de « transparence » en offrant une gamme de services plus large et compréhensive tout en communiquant de manière plus étendue sur leurs décisions. Cet effort est en cohérence avec la réforme du marché de l’assurance-crédit lancée par le gouvernement français. Celle-ci vise à renforcer les échanges entre acheteurs, assureurs et assurés et devrait permettre une atténuation des effets d’une dégradation brutale de l’appréciation du risque sur une entreprise par un assureur.

Face à un marché en mutation, les assureurs ont été contraints de se tourner vers de nouveaux relais de croissance. Ceux-ci sont à trouver dans une plus grande diversification de leur portefeuille via notamment une plus grande pénétration du marché des PME-TPE en Europe et une internationalisation accrue de leurs activités. Il n’en reste pas moins que la gestion et le pilotage du portefeuille de risque des assureurs sont devenus un exercice « d’équilibriste ». Les assureurs se retrouvent ainsi face à un dilemme : augmenter leur part de marché par l’acquisition de nouveaux clients tout en maitrisant leur exposition au risque par une plus grande sélectivité de ces derniers.

Enfin, la crise a généré des besoins nouveaux en termes de solution de financement. Le recours à l’affacturage dans un premier temps, qui s’est traduit par un rapprochement entre les assureurs crédit et les compagnies de Factoring. Le recours à de nouveaux produits financiers dans un second. La financiarisation progressive du marché, via notamment le développement d’activité de titrisation des créances commerciales ou le recours aux obligations sécurisées a eu pour corollaire un rapprochement des opérateurs avec des établissements financiers spécialisés (GE Capital & CGPME‌). Dans un contexte de raréfaction des financements et de difficulté d’accès au crédit bancaire, le recours aux financements structurés est devenu un axe important de développement pour les assureurs.

Perspectives à moyen terme

La crise économique est venue modifier de manière profonde les modes de fonctionnement et de développement des assureurs crédit. Ils ont dĂť s’adapter pour faire face à de nouveaux défis (évaluation du risque, diversification des portefeuilles, internationalisation‌) tout en développant de nouveaux produits pour répondre aux besoins de financement toujours plus importants de leurs clients. Si le rapprochement avec les compagnies d’affacturage semble largement amorcé, la financiarisation progressive des produits proposés semble marquer aujourd’hui une orientation nouvelle pour ces acteurs.

Celle-ci reste cependant suivie de près par le régulateur ; en atteste la récente parution d’une ébauche technique de l’EIOPA[5]  sur un prochain renforcement de l’encadrement réglementaire lié à la titrisation des créances commerciales par les assureurs. Ouverte jusqu’à fin Juin 2013, cette consultation a pour objet de quantifier les exigences en fonds propres appliquées à la titrisation dans le cadre de Solvabilité 2 et pourrait bien, à terme, orienter les assureurs vers de nouveaux types de produits financiers[6].

Sia Partners


[1] : Le nombre de défaillances d’entreprises de plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires a progressé de 20 % entre 2008 et 2009 et les défaillances les plus importantes représentaient en chiffre d’affaires cumulés près 2,2 milliards en 2011 et 7 milliards en 2012

[2] : Définition Banque de France

[3] :A la différence de l’Affacturage (factoring) qui est une technique de financement et de recouvrement de créances consistant à obtenir un financement anticipé tout en sous-traitant cette gestion à un établissement de crédit spécialisé, l’assurance-crédit, elle, répond plus à un principe de protection et de précaution

[4] : Le montant total des créances impayées toutes entreprises confondues en France est estimé en 2012 à un montant total avoisinant 350 milliards d’euros

[5] : La consultation lancée en Novembre 2012 par l’EIOPA est ouverte jusqu’au 25 Juin 2013 et consiste essentiellement à estimer l’impact des exigences en fonds propres appliquées à la titrisation dans le cadre de Solvabilité 2.

[6] Sources : ACP, IGF, AGEFI, Données Banque de France, Fédération des Banques Française, Euler Hermes & Coface


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