Il est temps d'éteindre le feu

Publié le 04 octobre 2013 par Jclauded

« Selon les médias, les agressions verbales et même physiques contre les femmes voilées augmentent depuis l'annonce de la charte sur la laïcité. Désolant, on est en train de créer un monstre ». Voilà le contenu d’un email que je recevais ce matin d’un ami du Saguenay en rapport avec les effets du projet de loi de la charte sur « les valeurs québécoises ». Cet ami qui, lors du dépôt du projet, me disait être incertain face au projet, a compris petit à petit l’importance que la société québécoise soit unie et vive en paix.
Il est clair maintenant, pour la grande majorité des observateurs, que la proposition de la charte par le Parti Québécois à été motivée par des fins politiques.
Il est aussi clair que depuis qu’elle a été déposée, les agressions sous forme d’intolérance, de racisme et de violence contre les femmes voilées, et on ne parle pas de voile intégral mais de voile-foulard-culturel à visage découvert, ont augmenté dramatiquement. Hier, La Presse rapportait les affirmations de la porte-parole des centres de femmes du Québec, Valérie Létourneau, « On a des échos de plusieurs régions du Québec. Des propos haineux, racistes. Des commentaires xénophobes, envers les femmes musulmanes ». En fait, on s’oppose à ces femmes parce qu’elles s’habillent comme elles veulent.
La charte, telle que présentée, est une bourde majeure et doit être corrigée. Et ce n’est pas moi qui le dit, mais les anciens PM du Parti Québécois, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, sans oublier des centaines de péquistes convaincus tels, Yves Beauchemin, les ex-députés bloquistes Jean Dorion et Maria Mourani et une myriade d’artistes qui ont toujours par le passé souligné avec ardeur leur appui à l’indépendance du Québec et au PQ. Ceux qui l’appuient sont les « purs et durs » séparatistes pressés qui croient que c’est « à la tronçonneuse » qu’il faut agir si on veut atteindre, le plus vite possible, l’indépendance du Québec. Ils seront déçus, tout comme la PM Marois, car la dispute publique prend une ampleur qui ne peut qu’être électoralement négative pour PQ.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier les opinions des élus des villes de Montréal et de Québec, les dirigeants des grands hôpitaux du Québec, ceux des principales universités et encore… qui ont publiquement affirmé qu’ils profiteraient du droit de soustraire leur milieu de l’application de la loi, si elle était votée. Au total, ceux qui se sont prononcés à ce jour font en sorte qu’une majorité de Québécoises et Québécois ne seraient pas obligés de respecter la loi. Belle affaire ! Devant cette sortie massive possible, voilà maintenant que le gouvernement veut l’empêcher en obligeant l’application de la loi par tous, sans retrait. Cela me semble normal. La loi c’est la loi et si elle ne doit être respectée par tous, elle n’est pas démocratique.
Mais pourquoi le gouvernement a-t-il fait miroiter la possibilité de retrait et change d’idée, aujourd’hui ? Est-ce à cause des sondages récents, qui montrent qu’une majorité d’électeurs approuvent le projet de loi, qu’il décide de jouer la ligne dure ? Je le mets en garde car l’appui indiqué dans les sondages est en grande partie suscité par une crainte infondée chez plusieurs Québécois envers les musulmans. Trop de francophones y voient la possibilité d’un règlement de compte et l’opportunité de les persuader de retourner dans leur pays d’origine. A mon avis, cela n’est pas sain et ne garantit rien de bon pour l’avenir. La loi ne doit ni diviser, ni limiter le droit d’accès à l’emploi, ni affecter la participation politique des individus. On ne bâtit pas ainsi une société multiethnique francophone, solide et progressive.
Le gouvernement utilise à fond l’argument de l’égalité des femmes, comme de la poudre aux yeux, pour justifier sa charte. Les victimes de violence conjugale, les femmes tuées par leur conjoint, les jeunes filles violées, les femmes autochtones, les femmes professionnelles qui veulent faire carrière et avoir des enfants, les femmes seules avec enfants sans revenus raisonnables, les jeunes femmes exploitées sexuellement à Montréal « capitale du sexe », les femmes qui se voient obligées de jeûner pour être belles et plaire aux hommes ; celles qui se font bousculer, cracher au visage parce qu’elles portent le voile ; et encore… sont-elles égales ? Et celles qui ne trouveront pas d’emploi parce qu’elles portent le voile, le seront-elles ? Le gouvernement ne devrait-il pas plutôt, en tout temps, « porter plus d’attention au sort, aux conditions de vie et aux voix de l’ensemble des femmes » au lieu de leur dicter comment elles doivent s’habiller ?
Un compromis doit être trouvé et celui proposé par Jacques Parizeau appuyé par Lucien Bouchard me semble raisonnable. Ils veulent revenir aux recommandations de la Commission d’enquête Bouchard-Taylor sur les « accommodements raisonnables ». Jean Charest, qui devint PM par la suite, a fait l’erreur, pour des raisons électorales, de ne pas appliquer les solutions proposées par la Commission malgré qu’elles découlaient d’un travail sérieux et en profondeur suite à des séances publiques sur tout le territoire québécois.
Aujourd’hui, le temps presse. Ce qui se passe sur le terrain est mauvais, risque de s’envenimer et n’augure rien de bon pour l’avenir du Québec. Il est temps d’éteindre le feu !
Claude Dupras