Pologne : le libéralisme en action

Publié le 06 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Europe

Pologne : le libéralisme en action

Publié le 6/10/2013

La Pologne offre un bon exemple de pays relativement libéral en Europe.

Par Alain Paillet.

La loi du plus fort est le contraire du libéralisme, surtout si le plus fort c’est l’État. Quand l’État impose son joug à tous et à chacun, dans tous les instants de sa vie professionnelle et privée, ce n’est évidemment pas du libéralisme.

Et le Bien commun, rétorquent les privilégiés qui profitent de la toute puissance de l’État ? Les philosophes et les moralistes connaissent la réponse, mais pas les politiques et encore moins les médias, du moins pas en France, anesthésiés qu’ils sont par les privilèges confortables dont ils jouissent (subventions ou fiscalité réduite).

Donc les Français s’interrogent : et le Bien commun ? Allons donc voir comment, dans un pays authentiquement libéral, où donc on se passe de la Toute Puissance de l’État, comment on répond à cette question. Il y a en Europe beaucoup de pays qui bénéficient de politiques à tendance libérale, mais il y en a un où les citoyens n’aiment particulièrement pas que l’État se mêle de leurs affaires. Ce pays, c’est la Pologne et ses 38 millions de citoyens, nombre d’ailleurs tendanciellement décroissant car la fécondité des femmes y est faible.

Serait-ce à cause de l'absence de «  politique familiale » ?  En tout cas, s’il est de bon ton de déplorer cette situation, bien peu nombreux sont les Polonais qui en demande, de la « politique familiale ». On pense généralement que d’une part la Pologne sera aussi belle et désirable avec 37 millions d'habitants qu’avec 39, et que d’autre part, la fécondité des femmes peut augmenter à nouveau.

Mais comment la Pologne pourrait-elle être belle et désirable, alors qu’il n’y a pas de grande « politique culturelle », condition jugée indispensable par les fonctionnaires français pour l’assouvissement des besoins de leurs concitoyens ? Sans « politique culturelle » tranchent-ils, pas d'opéras, pas de créations théâtrales, pas d’exposition d’Art contemporain, pas de châteaux à visiter, pas de films de propagande, et peu de livres ou de revues haut de gamme. Et pourtant  il y a vingt scènes présentant plusieurs dizaines d'opéras chaque année, une multitude de théâtres innovants, classiques, populaires ou même élitistes, dont deux dans la station  de sports d'hiver de Zakopane. Le cinéma marche, il est vrai un peu moins bien, et les châteaux sont moins nombreux qu’ailleurs.

Inutile de rappeler que l’un des plus grands compositeurs vivant est polonais, que Polanski qui n’a pas que des vertus, sait faire rire et réfléchir ses compatriotes, que le Cabaret est omniprésent, et que les simples Polonais (mais y a-t-il un seul « simple polonais » ?) envoient leurs vœux lors des fêtes en vers rimés et rythmés et enjoués.

Lorsque en été 2009 Michael Jackson mourut, le monde entier pleurait ce chanteur ambigu. Ce même été, le philosophe Leszek Kolakowski mourut lui aussi. Il suffisait d’évoquer son nom dans un taxi à  Grojec ou à Radom, pour que le chauffeur, essuyant une larme, vous raconte sa biographie.

Mais rentrons dans le dur : comment sont traités les SDF, alors qu’il n’y a pas de 115, de SAMU social et que les assistantes sociales, peu nombreuses, s’occupent plutôt des familles en difficulté ? Il y a en effet des SDF qui meurent de froid chaque hiver : mais il y  en a moins, beaucoup moins qu’en France. L’une des raisons c’est que les gares restent ouvertes à ces malheureux chaque nuit (sans doute savez-vous qu’en France les gares SNCF sont  fermées aux SDF, et parfois pas seulement  la nuit), mais surtout les solidarités spontanées paroissiales ou associatives permettent d’éviter les plus grands drames.

La santé : les propagandes étatistes attribuent à l’État l’excellence et ce qu’elles appellent la gratuité des soins délivrés à tous dans les pays développés. On peut constater en Pologne que ce sont plutôt les médecins qui soignent, pas l’État. Il faut néanmoins financer le système de soins. On distingue simplement Solidarité et Assurance.

Au titre de la Solidarité, un système de soins gratuits est disponible. Un réseau de services de santé financés par les assurances privées le complète. Un spécialiste pointu facture sa consultation dans les 30 € en plein centre de Varsovie et chacun peut s’assurer, s’il le souhaite et dans la mesure de ses moyens, pour couvrir cette dépense, les primes dépendant du risque assuré et non des revenus.

La politique industrielle : aucune subvention aux entreprises, sauf à quelques mines, et quelques aides pour l’exportation. Aucune ! C’est simple, efficace  et libéral. Résultat : en 2009, la Pologne fut le seul pays en Europe à connaitre la croissance.

Politique environnementale : poussée par l’UE, un fonds a été créé pour encourager les initiatives durables. Mais là aussi le libéralisme triomphe : sans aucune aide, dès 1990, les Polonais ont massivement remplacé leurs chaudières à charbon, polluantes et peu flexibles par des chaudières à gaz. Cela fut fait aussi bien dans les grands immeubles hérités de l’ère communiste que dans les maisons individuelles. Seules quelques entreprises d’État ont traîné les pieds.

Mais que fait donc l’État ? Il assure les activités régaliennes classiques : armée, justice, police, protection de la vie et de la propriété, infrastructures et accès pour tous à un socle commun de connaissance. C’est tout. Il ne se mêle pas de définir le Bien et le Mal : la conscience des Polonais reste parfaitement autonome par rapport à l’État. C’est la souveraineté de l’individu. Résultat : il n’est pas nécessaire de moraliser le capitalisme : seuls 8 dirigeants salariés gagnent plus d’un million d’Euros par an et 80 plus de 250.000 € par an. Il y a évidemment des entrepreneurs privés qui gagnent beaucoup d’argent. Ils sont bien considéré, sauf s’ils trichent : dans ce cas ils vont en prison.

Pour financer et gérer ces activités régaliennes et les dispositions de solidarité évoquées plus haut, l’État prélève sur les salaires et sur les entreprises. Pour un coût salarial de 120, le salaire brut est de 100 et le salarié garde 60. Les prélèvements fiscaux et sociaux réunis représentent donc 60, soit la moitié du coût du salarié pour l’entreprise.  C’est pratiquement le même pourcentage quelque soit le niveau de salaire. C’est la « Flat Tax » si chère aux libéraux.

Sur les entreprises, l’État prélève soit 19% du profit fiscal, soit une contribution sur le chiffre d’affaires pour les « Sociétés civiles ». Dans ce dernier cas, aucun contrôle fiscal mais l’entrepreneur est responsable sur ses biens propres. Les salariés de l’État ont exactement le même statut que les salariés du privé, à l’exception des magistrats, policiers, et soldats. Enfin,  il n’y a pas d’impôts locaux à l’exception d’une modeste taxe foncière modulable par les municipalités mais limitée par l’État. Les collectivités sont financées par une part des IR payés par leurs habitants et reversée par l’État.

Ce qui fait fonctionner ce système c’est que l’Histoire a appris à ces fils de paysans et de mineurs à se méfier des Pouvoirs, celui de l’État surtout. Espérons que les Français éviteront l’apprentissage pénible et douloureux de cette méfiance.

Pour un autre éclairage sur la Pologne, libérale ou non :

Lien raccourci: http://www.contrepoints.org/?p=141557