Où et comment photographier les aurores boréales ?

Par Rgs_ @regismatthey

Dans le billet précédent, je vous ai raconté ma palpitante chasse aux aurores boréales en Norvège. Et comme j’y retourne cet hiver, cette fois au Canada, j’en profite pour partager avec vous ce que j’ai appris.

Quand y aller ?

Tout d’abord, quelle est la meilleure période pour voir des aurores ? En terme de cycle solaire, l’année 2013 est l’année culminante d’un cycle de 11 ans, donc il reste joliment cet hiver et le prochain pour maximiser vos chances de succès avant de devoir attendre une dizaine d’année. J’ai parlé d’hiver, pourquoi ? Il parait que l’activité y est plus intense entre octobre et mars mais la meilleure raison encore est qu’il fait nuit plus longtemps. Effectivement, sous le soleil de minuit (cette période où le soleil ne se couche jamais), vous n’aurez aucune chance de voir le phénomène. De la sorte, prévoyez de partir entre l’équinoxe d’automne et du printemps pour bénéficier des nuits polaires à rallonge.
A l’inverse, si vous partez dans l’hémisphère sud pour chercher les aurores australes, la période d’avril à septembre sera plus favorable.

Attention tout de même, car entre panne solaire et tempête de neige, rien n’est jamais garanti, alors plus longtemps vous resterez, plus les chances de succès s’accroitront.

Où aller pour trouver les aurores polaires ?

Les aurores se produisent principalement dans les régions proches des pôles magnétiques dans une zone annulaire curieusement appelée « zone aurorale », entre 65 et 75° de latitude (wikipédia). En cas d’activité solaire intense, l’arc auroral s’étend et commence à envahir des zones plus proches de l’équateur. Quelques témoignages parlent d’aurores visibles jusqu’à Singapour ou le sud de la France, mais les régions les plus concernées sont la Laponie, l’Islande, le Groenland, le nord du Canada, l’Alaska et l’Antarctique.
Notez encore que si vous allez trop au nord, comme pile au Pôle ou, moins loin, à Svalbard ou au Spitzberg par exemple, vous aurez peut-être déjà dépassé la zone propice d’activité.

En Europe

Depuis notre Europe occidentale, il faudra bien évidemment monter au Nord pour avoir une chance de voir des aurores. Les destinations les plus courues car les plus accessibles sont le nord de la Norvège et l’Islande. Tromsø en Norvège se décrit comme le meilleur endroit pour témoigner du phénomène et est régulièrement desservi via Oslo. Situé au-delà du cercle polaire, ses hivers modérés, sa neige abondante et ses cieux dégagés en font une destination de premier choix. Le reste du pays n’est pas en reste bien évidemment, par exemple les touristiques îles Lofoten (lire le récit de Madame Oreille).

La deuxième destination européenne est l’Islande. Bien que cette île soit plus au sud que la Laponie, elle reste en plein dans la zone d’activité magnétique et en plus vous aurez la chance de profiter des geyser, des volcans, des cascades et toutes les autres merveilles de l’île. Alors checkez les vols pour Reykyavic.

D’autres lieux peuvent se prêter à l’observation des aurores, comme le nord de la Finlande ou Murmansk en Russie mais vous vous démerdez pour y aller, ok ?

Ailleurs dans le monde

Bien que le Groenland est gouvernée sous la couronne du Danemark, géographiquement il faudra faire une trotte supplémentaire pour rallier Kangerlussuaq ou Narsarsuaq (à prononcer 10 fois très vite) via Copenhague. Si vous prévoyez d’aller au Canada, sachez que les villes comme Québec, Montréal ou Vancouver sont bien trop au sud pour s’assurer de voir des aurores. Il faudra donc se diriger sur Whitehorse au Yukon (YK), Yellowknife dans les Northwest Territories (NWT) (c’est là que je vais cet hiver) ou encore Nunavik au Québec qui a l’air franchement perdu. Finalement, si vous avez l’appel de la forêt, dirigez-vous sur Anchorage ou Fairbanks en Alaska.

Si ce sont les aurores australes qui vous attirent, cela devient plus aléatoire. Hobart en Tasmanie tire son épingle du jeu mais ni la Nouvelle-Zélande, ni la Patagonie n’offrent pareils spectacle.

Comment photographier les aurores polaires

Maintenant que vous avez une destination en vue (allez, je parie que c’est l’Islande), il vous reste à vous équiper. Si votre but est réellement de ramener de belles photos d’aurores et pas juste des trainées vertes dans une bouillie de pixel, vous aurez besoin de deux accessoires essentiels :
Un appareil photo avec un mode Manuel – un reflex étant fortement conseillé, et un trépied. Sans trépied, vous pouvez rentrer chez vous.
Attendez, revenez ! Dans toutes les destinations que j’ai citées précédemment, des tours organisés vous emmèneront sur des spots sympa et mettront à votre disposition des trépieds et des habits chauds. Vive la mondialisation.

Si techniquement le but est d’enregistrer une faible projection de photon sur le modeste capteur photosensible de votre caméra, alors il faut garantir la stabilité dudit fotoapparat sur des poses de plusieurs secondes. Voici l’équipement idéal qu’il vous faudrait pour obtenir un résultat optimal :

  • un reflex récent (qui tient bien en haute sensibilité)
  • un objectif grand angle lumineux
  • un trépied stable
  • une télécommande filaire
  • un jeu de batterie

Les précautions

Vous allez sortir dans le froid nocturne du Grand Nord, cela implique bien évidemment quelques précautions, d’abord pour vous, et ensuite pour votre matériel. Prévoyez des habits chauds pour vous couvrir entièrement : système 3 couches pour le corps (un sous-vêtement technique, une polaire et une doudoune coupe-vent), une cagoule ou une chapka pour la tête et des chaussures qui tiennent à -25°C. Le plus délicat sont les pieds, l’année passée je n’avais que des chaussures de randonnées où le froid transperçait après quelques heures d’attente dans la neige, puis les mains car vous allez avoir besoin de vos petits doigts pour manipuler l’appareil photo. Prévoyez des sous-gants qui ne laisseront jamais votre peau nue. Ensuite j’avais une paire de gants en cuir souple qui me permettait de basiquement appuyer sur les boutons, et une paire de gants de ski. Privilégiez plutôt les mouffles qui gardent plus de chaleur corporelle.

Dans le froid, l’électronique ne risque pas grand chose hormis les batteries qui perdront en capacité avec les températures négatives. J’avais une deuxième batterie que je gardais au chaud dans ma veste mais généralement un accu pourra tenir le temps d’une aurore. La neige sera votre alliée : une fine poudreuse recouvrira le paysage. Comme le terrain est glacé, il est plus propre de poser son sac par terre que dans une herbe mouillée chez nous. Attention au sens du vent et c’est tout. La neige est tellement légère qu’il suffit ensuite d’épousseter ses affaires et de taper les pieds en rentrant pour qu’aucun flocon quasiment ne rentre à l’intérieur et créer des vilaines gouilles en fondant.
Ce qui est délicat et potentiellement dommageable pour le matériel est le choc thermique : passer brutalement du froid sec au chaud et humide d’un habitat. Ce faisant, l’humidité va se condenser sur les parties froides (comme quand vous soufflez sur une vitre froide qui s’embue) et c’est mauvais pour l’électronique. Perso j’ai toujours laissé reposer mon matériel dans son sac en ne prélevant que la carte mémoire et la batterie (pour charger l’un et décharger l’autre) et évité de prendre des photos pendant quelques heures. Je sais que certains enferment leur matériel dans un sac de congélation avec des billes de sillicagel pour un max de précaution. Pendant qu’on y est : dehors, ne soufflez pas sur la lentille de l’objectif pour la nettoyer !! Ce mauvais reflex m’a recouvert le verre d’une couche de givre que j’ai été bien en peine à enlever proprement…

Les réglages

Ca y est, vous êtes sorti, avez trouvé un bon spot et une aurore pointe son nez !
Bien entendu, vous avez déjà déployé le trépied, branché la télécommande et pointé l’appareil vers le ciel. Est-ce que vous avez pensé au cadrage et à la composition ? Format horizontal ou vertical, peu importe mais pensez à inclure un premier plan ou au moins un bout de paysage pour donner un sens et une échelle à votre image. C’est pas parce que le spectacle se passe dans le ciel qu’il faut négliger le reste.
Autre astuce utile : les boitiers récents comportent tous un niveau dans le mode liveview pour assurer l’horizontalité des images. Alors pensez-y.

Premier point, la mise au point !

C’est essentiel, vous voulez une photo nette et pas juste le fantôme de Hulk dans la toundra. Alors deux solutions, soit vous vous mettez en hyperfocale, soit vous passez en mode liveview.
La distance de mise au point faite sur l’hyperfocale permet d’obtenir une image nette de la moitié de cette distance à l’infini. C’est le réglage en somme qui vous permettra d’avoir la plus grande profondeur de champs possible. Comme on s’en fout de comment la calculer, je vous propose de télécharger une application sur votre téléphone fûté comme iDof Calc.
L’autre option est d’utiliser le mode liveview de votre appareil photo. Là j’avoue que le mode liveview de Canon est plus performant que son concurrent Nikon. Le premier va automatiquement éclaircir l’image pour les besoins de la mise au point alors que Nikon va un peu patiner dans la semoule (de mon expérience personnelle entre mon Canon 550D et le Nikon D600).
Pour vous aider et contrôler la netteté, il vous faudra une source de contraste : en Norvège je m’aidais de la lointaine présence de l’éclairage urbain sur une colline. Je zoomais à fond sur un spot lumineux et je réglais manuellement la bague de mise au point jusqu’à netteté du sujet. Si votre avant-plan est complètement sombre, éclairez quelque chose (un arbre, un ami ou posez votre lampe de poche par terre) à une distance supérieure à l’hyperfocale et vous vous en sortirez.
PS : N’oubliez pas de débrayer la mise au point en manuel…

L’ouverture

Un seul mot : pleine ouverture (f/2.8 à f/4.0)

Le temps d’exposition

Suivant l’intensité du phénomène, le temps de pose variera généralement entre 15-20s pour les petites aurores faiblardes à 4-8s pour les grosses mouvantes ! A vous de voir si vous voulez utiliser le mode bulb ou paramétrer un temps de pose.

La sensibilité

Corrélée au temps d’exposition et à la puissance du phénomène céleste, débutez à 1600iso, un temps de pose de 20 secondes et avisez. C’est le réglage que j’ai le plus utilisé (pour une ouverture à f/4.0, sachant que vous gagnez 1 stop à f/2.8).

Après votre première photo, contrôlez l’exposition, la netteté et votre composition.

Savoir si c’est la bonne nuit

Bon ça y est, vous êtes entre la 65° et la 75° latitude, vous avez tout votre équipement depuis la paire de bas qui gratte jusqu’au Nikkor 14mm f/2.8 payé un rein, mais vous n’allez quand même pas sortir vous les cailler dans la nuit sibérienne, seul contre les loups, si vous n’êtes pas assuré de voir un éclat dans le ciel, n’est-ce pas ? Vous dépendez encore de trois choses..

La météo

Ben oui, si le ciel est rempli de a) de nuages b) de flocons de neige c) de soleil ben vous n’allez pas pouvoir voir grand chose de palpitant. Alors connectez-vous sur la station météo pour obtenir le dernier bulletin et le cas échéant bouger dans un lieu dégagé si vous en avez les moyens (comme une moto-neige ou un renne) ou sinon il reste l’option de ronger son frein et à jouer aux cartes avec l’équipe de pochtrons dans le sauna finlandais.

La lune

La lune, c’est un sujet à controverse : l’éclat de la pleine lune peut rendre l’observation des aurores fade quand une nuit sans lune donnera le maximum de contraste. Mais à l’inverse, l’éclat lunaire peut éclairer le paysage et faire ressortir ainsi plus d’éléments. J’ai pas vraiment de conseil à donner sachant que je n’en tiens pas compte pour planifier mon voyage.

L’activité solaire

C’est bien simple, sans tempête solaire, pas d’aurore polaire.

Pour cela, je vous conseille de visiter le site Aurora Forecast édité par le Geophysical Institute de l’université de Fairbanks au Canada et de télécharger l’app du même nom sur votre téléphone futé. Vous serez ainsi en mesure de prendre tous les paramètres en compte, depuis la météo de l’espace, jusqu’à la zone terrestre affectée par les particules solaires, en passant par la vitesse des vents solaires et leur pression dynamique.

En gros, vous aurez juste besoin de savoir si votre zone géographique est dans l’arc auroral et le taux d’activité en cours ou à prévoir.

Autre bienfait du micro-blogging, vous pouvez suivre le fil dédié Aurora Alerts sur twitter (merci Sophie) qui prévient de l’activité en continu :

Tweets by @Aurora_Alerts

Ca y est, j’ai fini ! Si cet article vous aura aidé dans votre quête au voile de lumière céleste, je ne vous demande qu’une chose : s’il vous plait, revenez me montrer vos photos !

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