337ème semaine politique: l'affaire Léonarda, Le Pen en embuscade.

Publié le 19 octobre 2013 par Juan
Curieuse semaine où la gauche, ou presque, se retrouve dans l'indignation sur le cas d'une expulsion, mais aggrave encore davantage ses divisions.  
Le fiasco Leonarda
Elle avait déjà quitté le territoire, Léonarda, mais l'information a suivi son chemin, trop lentement. C'est le billet d'un blog du Réseau Education Sans Frontières qui déclenche tout. Une jeune collégienne, dont les parents d'origine kosovare avaient été déboutés de plusieurs demandes d'asile successives, avait été arrêtée dans le cadre d'une sortie scolaire dans le Doubs, puis expulsée vers le Kosovo avec sa famille. L'émotion est forte, heureusement écrivions-nous.
Pas moins de 6 ministres s'exercent sur cette affaire, soutenant la jeune Kosovar. Vincent Peillon, dans la cour de l'Elysée, rappelle que l'école doit être sanctuarisée. Le premier ministre ordonne une enquête administrative. S'il y a eu faute, l'arrêté de reconduite à la frontière sera annulé" précise-t-il mercredi.
L'emballement n'empêche pas quelques sombres bêtises: on réclame de François Hollande qu'il interrompt un périple en Afrique.
Manuel Valls aurait proposé sa démission à Hollande qui l'a refusée.
"Si je gêne, je peux partir"
Mercredi, jeudi puis vendredi, manifestations et protestations se poursuivent. Quelques milliers de lycéens défilent à Paris, Marseille et ailleurs, accompagnés de soutiens de RESF. La veille des vacances scolaires, la démarche est vouée à l'échec. On accuse le préfet du Doubs d'avoir manqué de clémence. Des lycéens amalgament aussi le cas d'un autre des leurs expulsés le 12 octobre dernier, un Arménien du nom de Khatchik.
Sur Europe 1, une (apprentie) journaliste envoyée sur le "terrain" interroge quelques voisins de la famille pour conclure que le père était oisif (les demandeurs d'asile ont l'interdiction de travailler...), et même violent. Un Figaro bien inspiré nous exhibe ce fameux père tout heureux, Léonarda est une "star". Une star ? On ne compte plus les caméras qui déboulent chez Léonarda et de sa famille pour des "émissions" spéciales ou des interviews "exclusives" .

Manuel Valls, en voyage aux Antilles, écourte son déplacement et rentre samedi matin. Il attend un rapport de l'Inspection générale de l'Administration.
Mais vendredi, l'affaire Léonarda n'est plus  kosovar, mais Rom. Car la famille est Rom, un confrère nous le rappelle dès mercredi. Et les enfants italiens. Le père confirme. On ressort les reportages sur les "foyers de Roms en Europe".
Cela sent le fiasco. Samedi, on voudrait achever cette émotion collective d'un sondage imparable: 65% des sondés refusent le retour de Leonarda en France. 
Le Pen en embuscade
Dans son édito du 17 octobre dans le Point, Franz-Olivier Giesberg évoque une "marinisation des esprits". Il amalgame gauche et droite. C'est son droit, et son erreur.
Mais c'est effectivement stupéfiant: le moindre fait est désormais sur-instrumentalisé, de tous bords, pour tenter de bousculer le paysage politique. 
Une gauche qui déteste qu'on la qualifie de morale - pléonasme désastreux - s'accroche à son monopole de l'éthique en politique: elle dénonce un à un chacun de ces nouveaux soutiens de cette droite de la gauche qu'elle combat au quotidien. Les leçons de l'efficacité électorale de l'antisarkozysme n'ont été retenues. Cette fois-ci, cette gauche restera pure et dure. Peut être seule. Elle déteste les expulsions, et tous chez elle ne réclament pas de régularisations massives.
Une autre gauche qui déteste qu'on lui dénie sa "gauchité" en appelle au calme et à l'application du droit, rappelle le bilan, accepte l'analyse d'un cas individuel mais récuse un changement d'orientation ou de loi. Ségolène Royal, Jean-Pierre Chevènement, et quelques autres sont de ceux-là. Depuis mai 2012, les forces de l'ordre n'ont plus d'objectifs d'expulsions à satisfaire, mais il y a davantage d'expulsions de clandestins qu'avant. Depuis mai 2012, les critères de naturalisations ont été assouplis. Le nombre de naturalisations a doublé - 100.000 en rythme annuel, contre moins de 50.000 avant. Mais des cas d'expulsions de famille choquent encore. Comme le rappelle un confrère, des rétentions de bébés sont encore pratiquées alors que Hollande en avait promis la suppression.
Une droite est terrifiée. Elle est évidement incapable de saisir l'occasion. Copé dénonce... l'hypocrisie et le laxisme du gouvernement. Le gars a visiblement tirer un trait sur ses ambitions présidentielles. 
Pendant cet emballement, Marine Le Pen est silencieuse.
Silencieuse.
Puis, jeudi, elle parle, elle "triangule", elle "normalise", fidèle à une stratégie politique dont elle espère qu'elle l'amènera au pouvoir: "les lois doivent être appliquées mais on peut agir autrement qu'en faisant intervenir la police dans le cadre du milieu scolaire." On retrouve notre Le Pen nationale quand elle évoque "ses" solutions: "supprimer Schengen pour maîtriser les frontières, dénoncer les directives de libre circulation et mettre en place une politique dissuasive d'immigration." Elle n'ose rappeler le sort qu'elle réserve aux immigrés légaux, comme la suppression de leurs avantage sociaux.
Vendredi, Le Pen est en Suède, elle y rencontre l'extrême droite locale.
A Paris, une candidate frontiste traite de "singe" et de "sauvage" Christiane Taubira, lors d'un entretien à Envoyé Spécial de France 2. Tu la sens, la normalisation du FN ? Marine, débordée par cette spontanéité militante, de surcroît télévisée, fait suspendre l'impétrante. Le plus tristement cocasse était que cette dernière exhibait fièrement à l'écran son diplôme de l'université "Bleu Marine", une espèce de formation au "parler-cool" du parti néo-droitiste.
Contester ou voter la loi ?
Le Conseil constitutionnel a récusé un recours de maires contre le mariage gay: interdiction leur est faite de refuser de marier des homosexuels au nom de leur conscience. Cette République a encore quelques piliers.
Dans le Figaro, Guillaume Tabard s'amuse de cette géométrie variable de nos émois: liberté de conscience (dans le cas de Leonarda) ou stricte application de la loi (concernant le mariage gay) ? Nous répondrons que le cas Léonarda ouvre un débat sur la loi elle-même.
Cette semaine, 419 directeurs d'école râlent contre la réforme des rythmes scolaires, une plainte relayée dans les colonnes du JDD. Pour une fois, cet hebdomadaire classé à droite, si prompte à fustiger le "lobby enseignant" et autres "mammouth", applaudit ces critiques d'une fraction minoritaire du même "mammouth" contre un allègement des horaires des élèves. Tout est bon pour le bashing facile... Un ancien recteur qui travailla à cette réforme s'inquiète et s'indigne: " Comment justifier que la France soit le seul pays moderne à organiser sur quatre jours seulement la semaine d'école pour la majorité de ses élèves du primaire, au mépris de tous les avis médicaux et pédagogiques ?"
Plus loin, la Bretagne souffre. Le 16 octobre, des manifestations spontanées rappellent que la malbouffe et le productivisme agricole sont en passe de détruire le territoire. Ce jour-là, des usines, des magasins se ferment quelques heures. Jean-Marc Ayrault promet un plan d'avenir.
A Paris, la réforme Ayrault des retraites est adopté de justesse. Près d'une soixantaine de députés de gauche se sont abstenus. On passe à la loi de finances. La gauche s'y divise encore dans les débats. Cela énerve le gouvernement, et quelques hiérarques socialistes. La TVA à 5,5% ne sera pas abaissée à 5%.
Les Français sont en colère, racontent nos préfets dans un rapport remis au gouvernement. Une autre enquête, après d'une centaine d'entreprises, évoque une "résignation rageuse".
Ami(e) citoyen(ne), éteins le poste.