Upstairs, downstairs

Publié le 21 octobre 2013 par Hongkongfoufou

Par Oddjob

Il y a bien longtemps qu’une série TV ne m’avait autant accroché.

Et pourtant, on est bien loin de Game Of Thrones, Homeland ou House Of Cards, une de ces séries si tendance, diffusées sur ces chaînes tout aussi tendances que sont OCS et Canal +.

En effet, on y trouve ni fantasy shakespearienne, ni obsession conspirationniste, encore moins de manipulations politiciennes.

Et le comble est que ça se passe sur TMC (eh oui, la machine à recycler les has been de TF1… Tout un programme !). Chaîne d’une médiocrité abyssale, et qui pourtant, dernièrement, m’a permis de me délecter de la saison 3 de la très british Downton Abbey. Ou la chronique d’une vie à l’intérieur d’une riche demeure anglaise du début du siècle (le précédent) jusqu’aux conséquences de la guerre de 14 : à l’étage un Lord et les siens, au sous-sol et dans les coursives les domestiques.

Pour ceux qui penseraient qu’il ne s’agit là que d’une version "modernisée" de Upstairs, Downstairs (Maîtres et Valets, LA série de référence en la matière), on est bien loin de la mise en scène ampoulée et académique ou de la reconstitution maniérée de cette dernière.

La multiplication des intrigues, le ton quasi anthropologique du récit (que l’on doit au scénariste du Gosford Park d’Altman, première incursion, déjà, dans les coulisses de l’aristocratie et de sa domesticité), la justesse des détails d’une société en plein bouleversement : tout concourt à l’excellence de cette série.

De cette fourmilière, deux personnages émergent. Apparemment différents, mais si semblables dans leur fidélité, leur renoncement de soi : Bates, le valet de chambre de monsieur le comte et Carson, le majordome. Sans eux tout s’écroule. Et justement, tout commence à se fissurer, à commencer par cette fière aristocratie qui ne survit que selon le bon vouloir d’une bourgeoisie de nouveaux riches…

Tout cela pour vous dire, ami lecteur, que le domestique, le valet, le majordome, le serviteur, le laquais, ont toujours trouvé grâce à mes yeux. N’ai-je pas choisi pour "emblème" le nom de l’illustre et dévoué (jusqu’à la mort) Oddjob, homme de main et à tout faire, bien plus que simple valet, du redoutable Auric Goldfinger.

Et même si en bandes dessinées, un Nestor (Tintin) ou un Nasir (Blake et Mortimer) n’occupera pas une place prépondérante dans les aventures de leur maître respectif (ils font partie des meubles…), un Alfred (Batman) nous offrira, à l’inverse, un bel exemple de renoncement de soi, d’adhésion totale à la cause de son super-héros de "patron" (Michaël Caine en sera l’incarnation la plus brillante à l’écran).

Mais c’est bien le cinéma (et ses adaptations plus ou moins fidèles de grandes œuvres littéraires) et la télévision qui assureront une belle notoriété à ces gens de maison, devenus des compagnons d’aventure indispensables.

Britt Reid (The Green Hornet) oserait-il combattre le crime sans son valet Kato ?

Philéas Fogg aurait-il pu accomplir son formidable Tour du Monde en 80 jours sans Jean Passepartout ?

Sans son Conseil, le professeur Aronnax aurait-il pu survivre au naufrage du Nautilus ?

Et puis, et surtout, que serait devenu le domaine de Darlington, sans Mister Stevens (Anthony Hopkins, dans The Remains Of The Day – Les Vestiges du Jour) après la mort de sa seigneurie, autrement dit, le maître des lieux ? Un nouveau propriétaire (américain…) reprend les reines du château et Stevens avec, car celui-ci en est, finalement, le gardien du "temple". Sa vie n’aura été que renoncement et fidélité aveugle à des murs, un nom, des traditions, un état d’esprit (ah, la merveilleuse scène de repassage matinal du Times !). Fierté et dévotion à son maître, servir avant tout… même lorsque son père se meurt, à quelques mètres, dans les entrailles du château. Il en héritera lui-même une retenue toute aristocratique !

Et que dire encore du Servant de Losey, dans lequel Dirk Bogarde (le domestique), avec son ambiguïté naturelle, renversera les rôles, jusqu’à l’humiliation, face à un James Fox (le maître) tout en lâcheté masochiste.

Mais, enfin, il y en aura un qui représentera pour moi la figure totale et parfaite du majordome : Jonathan Quayle Higgins III (interprété par le non moins fameux et irrésistible John Hillerman, déjà remarqué dans le Chinatown de Polanski). Si le majordome britannique de Robin Masters, n’a pas le "beau" rôle face au décontracté et yankee Magnum, l’élégance et la "noblesse" du "petit bonhomme" ont tôt fait d’envoyer le privé dans la cour des ringards. Il porte beau la tenue de brousse aussi bien que le blazer droit. Ses récits de faits d’armes dans la jungle birmane n’ont rien à envier aux exploits de l’ancien des services secrets de la Marine US. Et que dire de ses fidèles Zeus et Apollon, véritables statues grecques au milieu des palmiers !

Et puis, n’est-il que le serviteur ou le maître lui-même ? Toute l’ambiguïté du rôle fera de lui le vrai personnage de la série…