Benoît Luciani : "La vie est un fragile équilibre"

Publié le 07 juin 2007 par Titus @TitusFR
La vie est jonchée de ces périodes charnière, étapes de doute ou de remise en question parfois génératrices d'une refonte radicale de nos existences. Dans le second roman de Benoît Luciani, "Au Bar de l'Univers", les protagonistes ont tous ceci en commun. Pour chacun d'eux, une parenthèse se ferme : c'est l'heure d'un choix décisif... L'auteur, un blogueur qui a su se tisser un véritable réseau d'amis dans la blogosphère, revient pour Le Monde de Titus sur la genèse de cet ouvrage qui continue de s'arracher comme des petits pains, notamment grâce au Net.
Hélène a vécu de la prostitution pendant des années et veut aujourd'hui tourner la page. Son père, Jean-Baptiste, acceptera-t-il de la reprendre à la maison ? Thomas a le sentiment de s'encroûter dans sa vie professionnelle et familiale et cherche l'évasion dans les beaux yeux d'une collègue de bureau, Marie. Tandis que Laurence, son épouse, ressent le fossé qui s'est creusé entre eux et se surprend à douter à son tour. Michael et Maryvonne attendent quant à eux leur revanche, qu'ils ont laissé mûrir patiemment jusqu'au point d'ébullition. Ils sont maintenant à deux doigts de négocier (au pas forcé) leur retour au sein de l'entreprise dont ils ont été salement éjectés il y a deux ans...
Une entame originale
Benoît Luciani a choisi une entame originale en égrainant, de chapitre en chapitre, la présentation de ses personnages, chaque portrait étant précédé d'amusantes (intrigantes ?) accroches poétiques. Ces existences n'ont aucun lien entre elles, si ce n'est, comme nous le découvrons peu à peu, que l'ensemble des protagonistes ont rendez-vous, ce soir, au Bar de l'Univers, un bistrot où les destins se mêlent sans jamais vraiment se croiser. Ici, les parcours des uns et des autres se juxtaposent, l'instant de quelques verres, sans parvenir au point de collision.
Dénouements simultanés
Nous suivons le narrateur omniscient dans son survol d'une table à l'autre, notre posture invisible nous permettant de nous tenir à proximité des personnages et d'entendre ce qui se trame. Ici, le lecteur s'offre le luxe de plusieurs dénouements simultanés car chaque histoire est parvenue à un point de rupture - heureuse ou malheureuse -, ouvrant de nouvelles perspectives à chacun des personnages.
Certaines critiques ont reproché cette fin qui n'en est pas une à Benoît Luciani. J'y vois une volonté de ne pas trop en dire, de laisser au lecteur le soin d'imaginer ce qui pourrait arriver à chacune de ces personnes auxquelles, bon an mal an, nous nous sommes attachés au fil de l'ouvrage... Une fin ouverte, comme la vie, quoi !
La photo de bar est de Dominique Leroy
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Titus - Peux-tu nous parler de tes origines, du milieu où tu as grandi et de ce qui a fait de toi un amateur des lettres...
Benoît Luciani - Tout petit déjà… En fait, aussi loin que je me souvienne, j’écrivais. Je crois que j’ai tapé mon premier poème sur la vieille machine à écrire de ma mère, je devais avoir 10 ou 12 ans, il s’intitulait… "Liberté" !!! J’avais de l’ambition pour le monde à l’époque ! Ce qui m’a donné l’envie de lire et d’écrire ? Je ne sais pas trop. C’est un ensemble, je pense : nous regardions "Apostrophes" en famille tous les vendredis; ma grande sœur dévorait les livres, alors je me sentais un peu attardé avec mes Pif gadget, il a bien fallu que je m’y mette ; ma mère écrivait des thèses sur Pétrarque… Bref, tout convergeait vers les livres chez nous.
Titus - Quel parcours professionnel as-tu suivi ?
J’ai travaillé à Air France, à la communication, puis aux ventes. Ensuite j’ai dirigé la filiale multimédia du Parisien et du journal Aujourd’hui en France. Voilà pour le parcours professionnel.
Titus - As-tu toujours écrit en parallèle et arrives-tu aujourd'hui à combiner facilement ton métier et l'écriture ?
Oui, j’ai toujours écrit en parallèle. J’ai commis mon premier roman à 20 ans. J’étais très amoureux, je voulais séduire ma princesse. Résultat, le roman était nul… mais pas la princesse ;-). Ensuite, j’ai dû écrire une dizaine de livres avant d’avoir la chance de rencontrer les Editions Hugo & Compagnie. La vie est faite de hasard et de rencontres… mais c’est un peu la même chose non ?
Titus - Comment a été accueilli ton premier roman "Le bruit des hommes" ?
Mon premier roman, "Le bruit des Hommes" a été diversement accueilli. Il m’a valu de me faire virer de ma boîte parce qu’il retraçait de façon un peu trop réaliste les relations de travail, les tensions, les jeux malsains dans l’entreprise. Certains se sont retrouvés dedans et ils étaient… chafouins je crois. Mais ce n’est pas grave, l’important était de publier.
Titus - Comment s'est effectué le choix de l'éditeur ?
J’ai eu la chance de connaître l’éditeur par un ami qui m’a donné leur contact. Bénita Rolland, la directrice de collection et Hugues de Saint Vincent, le patron, ont aimé le livre et m’ont fait l’honneur d’entamer la collection "Hugo Romans" avec celui-ci. J’en suis encore rouge de fierté !
Titus - J'ai lu que tu avais d'autres cordes à ton arc, et que tu n'avais pas publié que des romans... Peux-tu nous en dire plus...
Oui, j’écris de tout. Je publie actuellement, toujours chez Hugo, un livre jeu sur le rugby (une autre passion) et je travaille parallèlement à des chansons avec un compositeur de mes amis.
Titus - Raconte-nous la genèse de ton second roman, "Au bar de l'Univers" ? Quelle en était l'idée initiale ?

A vrai dire, l’idée d' "Au Bar de l’Univers" me vient de très loin. Mon second livre (non publié) s’appelait "Fous Alliés", et il partait de cette idée que des destins se croisent quotidiennement dans les lieux publics sans que jamais les personnes ne se parlent. Ou si peu. J’ai repris cette idée et écrit le "Bar de l’Univers" en me disant que ce serait sympa que le lecteur devienne voyeur et fasse, lui, connaissance de tous les personnages qui se croisent dans un bar. Des personnages à la fois banals et exceptionnels, à la croisée de leurs chemins respectifs.
Titus - On croit deviner, dans l'attitude de Marvyn, l'alcoolo plein de sagesse, une analyse plutôt juste sur la décomposition du tissu social à laquelle on assiste, les bars étant l'un des rares lieux où les gens échangent encore. Est-ce la position du fin observateur que tu es ?
J’aime bien les bars, effectivement. Je trouve que les gens y sont plus naturels, plus décontractés, qu’on peut s’amuser à deviner qui ils sont parce qu’ils se trahissent par leurs attitudes. Et puis, c’est un merveilleux lieu de vie, il y a du bruit, du brouhaha, ça respire, les cœurs battent… Et puis, j’écris mes livres dans les bars.
Titus - L'idée de rupture, un besoin de tourner la page, apparaît en filigrane d'un bout à l'autre du roman. Chacun des personnages nous est présenté à un moment charnière de son existence... Pourquoi avoir voulu réunir ces personnages tous au bord de la rupture ?
Parce que je pense qu’on est quotidiennement au bord de la rupture et que la vie est un fragile équilibre. L’essentiel, c’est les choix que nous faisons. Nous ne sommes que la somme de nos choix, comme disait je ne sais plus qui…
Titus - Certains (je pense à un article de Marianne) ont critiqué la fin, la jugeant plutôt plate. Je la trouve pour ma part plutôt belle et ouverte, une conclusion en forme de "... et malgré tout la vie continue". En rétrospective, regrettes-tu aujourd'hui la fin que tu as donnée à ton histoire ou la défends-tu au contraire ?
Ca a été un grand débat avec l’éditeur. Mais je suis content de cette fin et la défends bec et ongle. Chacun part dans sa direction sans rendre de compte, si ce n’est à lui-même. C’est bien comme ça. En tout cas, c’est comme cela que je la voulais.
Titus - Le Net et une large communauté de blogueurs semble avoir adopté ton livre et en font la promotion. Quel bilan tires-tu de cette expérience ?
Je suis très touché chaque fois qu’un blogueur fait une critique de mon livre. C’est vraiment cet esprit de communauté que j’apprécie. Je ne sais absolument pas ce que cela génère en ventes, mais en matière « d’ondes positives », c’est géant !
Titus - Je crois précisément qu'au-delà des ventes proprement dites, cela a généré pas mal d'amitiés dans la blogosphère, non ?
C’est vrai, pas mal d’amitiés sont nées de mon blog. Au départ, je m’étais dit que ce serait sympa de faire connaître mon premier livre sur le Web par ce biais, et puis j’y ai pris goût, et me voilà qui réponds à tes questions… La vie est une farce, non ?
Titus - Peux-tu nous dire deux mots sur la mystérieuse FAPM ? Que recouvre le sigle ? Est-elle l'émanation directe de ce cercle d'amis créé au sein de la blogosphère ?
FAPM… FAPM…, jamais entendu parler !!! Je blague. Le sigle peut vouloir dire tellement de choses toutes aussi justes les unes que les autres : Fédération des Amis du Pastis Marseillais ; Foule Avinée Par le Minervois ; Fidélité Au Pinard et au Mojito, et j’en passe. Disons que c’est une joyeuse bande qui s’investit d’une mission sacrée qu’elle n’a pas encore définie… mais elle y travaille sans répit (hips).
Titus - Travailles-tu aujourd'hui sur un autre projet ? Y-a-t-il déjà une nouvelle publication en vue ?
Comme je te le disais, mon "Quizz rugby" sort le 14 juin. J’espère qu’amateurs et béotiens s’amuseront bien avec. Mais surtout, je sors un nouveau roman en octobre. Il s’agira d’un suspense dans le monde du poker et des hackers… Il devrait s’appeler « Mise à Mort ».