Pantalonnades

Publié le 30 octobre 2013 par Rolandbosquet

   Quel est donc ce ballet où galantes et galants font un pas en avant et deux pas en arrière ? J'ai vu Gisèle d'Alphonse Adam, Casse-noisette de Piotr Tchaïkovski, le Boléro de Maurice Ravel, West Side Story d'après Arthur Laurents sur une musique de Léonard Bernstein et les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy sur une musique de Michel Legrand. J'ai vu de vénérables retraités tourbillonner sur les parquets cirés des bals populaires avec leurs valses musettes, leurs mazurkas et autres tangos argentins. J'ai vu les gigotes endiablées des danses dites folkloriques où Bretons, Auvergnats, Basques, Irlandais et cow-boys de l'Ohio tournent et virevoltent en tapant du talon entre deux révérences. Mais je n'ai jamais vu un carrousel où galantes et galants font un pas en avant et deux pas en arrière. Ne serait-il donc enseigné qu'à l'école Polytechnique, Sciences-Po et l’École Nationale d'Administration ? Car il faut sans aucun doute en être diplômé pour pratiquer cette nouvelle chorégraphie avec une telle maestria. Nous assistons en effet régulièrement, l’œil médusé, aux entrechats d'équilibristes de nos quadrilles gouvernementaux. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Et de descendre les marches du palais en bombant le torse ! D'aucuns croient à la pantomime. De longs défilés paradent dans les médias. C'est un scandale ! Une incohérence ! Un gâchis éhonté ! Que dis-je, une ignominie ! La rumeur enfle, se dilate, grossit, boursoufle. La grenouille se fait bœuf. Le paysan s'inquiète pour ses clôtures. Jusqu'où ira la broncha ? Au-delà des bornes, il n'y a plus de limites ! Et la cabriole d'un jour  se métamorphose alors en pirouette. La mine pâteuse et le teint blême, on annonce gravement qu'une concertation est devenue indispensable. L'impératif d'hier est aujourd'hui sujet à commission. Et l'orchestre envoie une bourrée de derrière les sabots à donner le tournis au plus endiablé des noceurs. Sortaient-ils donc de quelque ginguette en bord de Seine ? De quelque bastringue que les Tontons eux-mêmes auraient raillé avec leur gouaille habituelle ? Quelque charivari de bourgeois en goguette qui aurait croisé une farandole estudiantine de carabins de deuxième année ? Rombières retournez vous asseoir sur vos bancs, la fête est terminée ! Jusqu'à la prochaine mascarade, bien sûr. Car il faut bien distraire le peuple. Et l'on voudrait qu'après de telles pantalonnades, le monde tourne bien.