EMIR – Quels enjeux pour quels acteurs?

Publié le 05 novembre 2013 par Sia Conseil

Le secteur financier : capitaliser sur l’expérience Dodd-Frank pour répondre aux exigences d’EMIR

La mise en conformité avec les exigences de la directive EMIR (European Market Infrastructure Regulation) est une préoccupation majeure pour toutes les banques européennes en 2013. Afin de maîtriser leurs coĂťts tout en respectant les échéances réglementaires, les banques européennes actives aux Etats-Unis doivent capitaliser sur l’expérience Dodd-Frank. Depuis 2011 tous les établissements européens possédant des activités significatives aux Etats-Unis ont enregistré leur maison-mère en tant que Swap Dealer auprès de la CFTC, et ont mis en Ĺ“uvre un programme global de conformité aux obligations découlant de la loi Dodd-Frank. Ces banques ont été capables de mobiliser l’ensemble des parties prenantes, dans tous leurs métiers et dans toutes leurs implantations géographiques. Elles ont mis en place des équipes projet combinant des représentants des métiers, des experts juridiques et conformité, des directeurs de programme, des experts, des consultants. Après deux ans de projet, ces équipes sont désormais capables d’analyser efficacement les exigences réglementaires et d’implémenter de manière optimale la mise en conformité. Etant données les similarités entre EMIR et Dodd-Frank, les banques européennes doivent se donner les moyens de bénéficier des synergies, en capitalisant sur leur expérience Dodd-Frank et en appliquant ces enseignements au déploiement de leur programme de mise en conformité à EMIR. Pour cela, l’implication de la branche américaine dans le pilotage de leur programme EMIR est une piste intéressante.

Les conséquences d’EMIR pour le buy-side sont assez considérables. En effet, investisseurs et asset managers sont peu familiarisés avec les processus de compensation des transactions à travers des contreparties centrales (CCPs). EMIR aura un impact sur les asset managers en matière :

  • d’accès aux chambres de compensation (directement ou à travers des intermédiaires de compensation),
  • de réconciliation des transactions et des positions avec les intermédiaires de compensation (en assumant ou en délégant cette responsabilité à leurs brokers ou leurs dépositaires),
  • de gestion des appels de marges.

La valorisation est un autre volet très important du texte. La majorité des asset managers ont aujourd’hui des mécanismes de valorisation de leurs dérivés OTC peu sophistiqués. Ces mécanismes sont basés sur des modèles simples et sur des données de marché provenant de fournisseurs traditionnels (Bloomberg, etc.). En l’état, ils ne sont pas suffisants au regard des nouvelles contraintes réglementaires, principalement parce que la fréquence de calcul (et d’actualisation des données de marché) doit permettre une valorisation quasiment en temps réel. Des modèles plus élaborés seront nécessaires pour valoriser les produits dérivés complexes. Concernant les dérivés bénéficiant d’une compensation centralisée, les processus de valorisation devront également être améliorés pour :

  • valider et anticiper les valorisations fournies par les CCPs et les appels de marges associés,
  • calculer les appels de marges et optimiser le collatéral.

Les asset managers devront choisir entre une mise en Ĺ“uvre interne de ces processus ou une externalisation, auprès d’intermédiaires de compensation ou de dépositaires.

Une préoccupation commune au buy side et au sell side est la mise en place de collatéral pour les dérivés OTC sans compensation centralisée. A l’heure actuelle, les spécifications finales d’EMIR et les règles de la loi Dodd-Frank en la matière sont toujours au stade de propositions. Mais les recommandations du Comité de Bâle et de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV, IOSCO[1] en anglais) relatives aux appels de marge initiaux sont particulièrement lourdes pour tous les acteurs du secteur financier. Les montants colossaux de collatéral requis, si les recommandations actuelles sont maintenues, seront très couteux pour l’industrie bancaire.

Les acteurs des marchés de l’énergie sont aussi concernés

Les règles d’EMIR auront aussi un impact sur le fonctionnement du marché de l’énergie. A l’instar des institutions financières, toutes les entreprises négociant de l’énergie ont l’obligation de mettre en conformité leurs processus en matière de valorisation des transactions, de gestion du collatéral, de confirmation des transactions et de gestion des appels de marge. L’adaptation de ces processus et la modification ou le remplacement des systèmes d’information exerceront une pression sur leurs calendriers de projets sur la fin d’année 2013 et en 2014.

Les investissements nécessaires pour répondre aux exigences réglementaires, la hausse attendue des frais de compensation et les exigences substantielles en termes de collatéral (les garanties bancaires sans adossement complet sont par exemple inéligibles) pourraient mener à une concentration accrue du marché du fait de l’arrêt de traiter de certains acteurs, ou de fusions-absorptions de certains brokers en énergie. De plus, la dépendance vis-à-vis du secteur financier sera renforcée au fur et à mesure que le rôle des chambres de compensation prendra de l’importance dans le secteur du trading en énergie. Le renforcement des règlementations financières fournit l’opportunité aux banques d’affaires les plus expérimentées d’étendre leurs activités au marché de l’énergie.

Le délai supplémentaire accordé par l’ESMA pour la mise en Ĺ“uvre du reporting aux Trades Repositories a été particulièrement bien accueilli par les brokers en énergie, vu leur niveau actuel de préparation à l’application de ces règles. Néanmoins, certaines questions demeurent aujourd’hui sans réponse : quel sera l’effet à long terme d’EMIR sur la liquidité du marché ? Comment le consommateur final sera-t-il affecté ?

Sia Partners


[1] : International Organization of Securities Commissions


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