UDI * MoDem : l’alternative pour redonner espoir à la République

Publié le 06 novembre 2013 par Sylvainrakotoarison

Le contrat de "mariage" entre l’UDI et le MoDem vient d’être signé par leurs deux présidents. Il instaure une coopération politique d’un nouveau mode, équilibré et sans arrière-pensée dans le but de sortir des schémas politiques habituels et d’avancer des idées nouvelles : « Nous croyons qu’ensemble, en raison de nos expériences et de nos parcours, nous pouvons porter ce renouveau. ».

Ceux qui pensent que le rassemblement des centristes n’est qu’un énième épisode dans les relations tumultueuses entre Jean-Louis Borloo et François Bayrou se trompent énormément. Rien ne dit d’ailleurs que l’un des deux sera candidat à l’élection présidentielle de 2017, mais depuis mardi, il est sûr qu’ils ne le seront pas tous les deux en même temps.

Les deux hommes auront 66 ans et savent que leur vie n’est plus forcément devant eux. En revanche, l’union de l’UDI et du MoDem est un acte fondateur historique surtout pour les générations suivantes, un acte qui va apporter une nouvelle offre politique, que les deux leaders ont appelée "l’alternative" malgré son imperfection sémantique (soulignée par l’agrégé de lettres François Bayrou), pour en finir avec le mot "alternance" qui ne réussit pas à sortir la France de son impasse morale et sociale.

Les faits

C’est dimanche 3 novembre 2013 dans l’après-midi que François Bayrou, président du MoDem, et Jean-Louis Borloo, président de l’UDI, ont annoncé simultanément sur Twitter leur conférence de presse commune à la Maison de la Chimie à Paris ce mardi 5 novembre 2013. La date était déjà connue à l’avance et a donc été confirmée par ce moyen.


Dans la salle se pressaient une foule de photographes mais aussi la plupart des parlementaires et autres leaders de l’UDI et du MoDem. On pouvait ainsi distinguer (entre autres) Chantal Jouanno, André Rossinot, Jean-Christophe Lagarde, Yves Jégo, Hervé Morin, Marielle de Sarnez, Jean-Luc Bennahmias, Jean Arthuis, etc. mais François Sauvadet (dénonçant l’alliance municipale du MoDem avec le PS à Dijon), Hervé Maurey (sénateur centriste) ainsi que Jean-Christophe Fromantin ont été absents pour s’opposer à ce rapprochement.


Après un quart d’heure de retard, les deux leaders centristes sont arrivés vers dix-sept heures trente, et sont apparus derrière deux pupitres, un peu comme dans une rencontre entre deux chefs d’État.


Aucun formalisme n’a vraiment eu lieu dans cette conférence de presse de trois quarts d’heure, dont un quart d’heure de questions, pas de texte lu, pas de monologue, au contraire, Jean-Louis Borloo et François Bayrou ont montré qu’ils savaient travailler en équipe de manière équitable, sans que l’un prenne le dessus sur l’autre, ce qui est assez rare en politique pour le remarquer, en particulier dans la prise de parole puisque chacun s’alternait pendant cinq minutes environ pour s’exprimer sur divers points du contenu de cette alliance.

D’accord sur tout

D’abord, pourquoi cette réunion de l’UDI et du MoDem ? Parce que les deux partis pensent la même chose sur tous les sujets de fond. Ce ne fut que le positionnement politique qui les avait séparés, mais maintenant que François Bayrou (dont le vote pour François Hollande en 2012 a laissé cependant amers encore certains élus) est résolument dans l’opposition, plus rien ne les opposerait.

Sauf peut-être une rivalité personnelle : c’est sur ce point qu’ils ont le plus convaincu. Aucun des deux n’avait vraiment intérêt à s’engager auprès de l’autre… si ce n’est l’intérêt national et la gravité des enjeux qui préoccupent le peuple aujourd’hui. Quand François Bayrou parlait d’esprit de sécession, Jean-Louis Borloo notait que les gens s’en prenait maintenant beaucoup à des boucs émissaires (riches, Allemands, immigrés, etc.).

La situation du pays est grave

C’est la raison aussi de cette union ; la situation grave nécessite d’offrir aux Français une "alternative" qui ne soit plus dans le clivage PS vs UMP qui ne satisfait plus personne, ce qui rend les extrémismes séduisants comme réceptacles du mécontentement populaire.

Ce sera sans doute la grande ambition de cette union qui, au-delà des élections municipales et européennes, scelle une alliance électorale aussi pour les autres élections, et en particulier l’élection présidentielle (« Notre candidate ou notre candidat à l’élection présidentielle sera désigné€ en commun par une procédure démocratique. »).

Organisation de l’alternative

En pratique, aucune structure juridique n’a été créée, afin sans doute d’éviter la nomination d’un président qui aurait cassé le principe de parité entre les deux partis. François Bayrou a même fait remarquer que Jean-Louis Borloo et lui-même avaient une popularité sensiblement identique (comme chez BVA le 28 octobre 2013), ce qui facilitait les choses pour préserver la complète égalité entre eux.


Donc, ce sera juste un organe de coordination politique qui se réunira régulièrement, rassemblant le comité exécutif de l’UDI et l’équipe dirigeante du MoDem, ainsi qu’un bureau exécutif restreint. Chaque mois, l’alternative livrera une réflexion sur un sujet qui aura fait débat pendant les semaines précédentes afin de faire des propositions concrètes aux Français. La première réunion se tiendra le mercredi 20 novembre 2013. Cette union s’appellera officiellement "UDI MoDem, l’alternative".

L’un des grands défis de cette union sera la campagne des élections européennes dans un climat particulièrement hostile à la construction européenne. Chacun est conscient que la souveraineté de la France ne peut passer que par l’idée européenne : les centristes ne veulent pas être les seuls défenseurs patentés de l’Europe mais apporteront des idées nouvelles qui prennent en compte les préoccupations des citoyens, ainsi que leurs inquiétudes et leurs doutes.

À la fin de leur conférence de presse commune, François Bayrou et Jean-Louis Borloo ont signé devant les caméras la charte qui les unit désormais (téléchargeable ici).

Contenu de la charte

Ce texte de seulement quatre pages résument les valeurs qu’ont en commun les deux partis centristes. Et il commence par l’essentiel, à savoir leur humanisme : « Nous sommes des humanistes. Nous croyons que la satisfaction des besoins matériels et l’épanouissement moral, culturel, philosophique et spirituel des femmes et des hommes est le but de l’organisation de la société. » tout en insistant sur les valeurs : « L’humanisme en politique se nomme République. La République (…) est un corps de valeurs. Ces valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, nous avons mission de les faire vivre chez nous et de les proposer au monde. ».

Parmi les leitmotivs des centristes, il y a l’Europe et l’écologie.

Pour eux, l’Europe est une nécessité vitale : « L’Union Européenne est la seule voie disponible pour que la France ait accès, en la partageant au sein de l’Union, à une réelle souveraineté dans certains domaines qui dépassent le cadre national. » en citant en particulier l’emploi, la compétitivité des entreprises, l’Europe sociale (« par une convergence vers le haut »), la lutte contre les paradis fiscaux, les grandes infrastructures européennes, le numérique, le cyberespace etc. et en précisant que l’Europe « doit se réformer pour être plus efficace, compréhensible et accessible aux citoyens, donc plus démocratique ».


Européens et écologistes aussi, « porteurs de l’exigence de développement durable » : « Nos objectifs sont la protection de la biodiversité, la croissance verte, la défense ainsi que la valorisation de la mer et des océans, la transition énergétique et un grand programme Justice-Énergie Afrique-Europe. ». L’UDI propose notamment un projet original dans les relations entre l’Europe et l’Afrique (j’en reparlerai sans doute).

François Bayrou s’est inquiété devant les journalistes de la grande proportion d’illettrisme parmi les jeunes et a regretté que la réforme des rythmes scolaires, secondaire pour lui, a occulté un véritable débat sur l’éducation. La charte y revient naturellement : « Le premier devoir à l’égard [des générations à venir] est l’éducation. Aujourd’hui, ce devoir n’est pas rempli et il exigera, pour l’être, une mobilisation non seulement de la communauté éducative, mais de la nation toute entière. ».

Autre récurrence des centristes depuis plusieurs décennies, l’alliance de l’efficacité économique et de la justice sociale : « La créativité des hommes est plus fructueuses, dans la plupart des domaines, quand elle est fondée sur la liberté plutôt que sur le dirigisme. Mais nous affirmons que le progrès économique est vain s’il n’entraîne pas le progrès social. Nous refusons de laisser des concitoyens sur le bord de la route. Nous sommes conscients que la richesse d’un pays réside dans ses ressources humaines. ».

Enfin, le texte solde définitivement les espoirs de centre gauche de François Bayrou : « Nous revendiquons notre liberté, mais nous ne changerons pas la France seuls. L’alliance avec le PS et les appareils de la coalition au pouvoir est impossible. En ce qu’elle respecte les valeurs humanistes, la droite républicaine est naturellement notre partenaire politique. » sans fermer la porte à d’éventuelles recompositions : « Pour autant nous considérons que le pays a besoin d’une large majorité réformiste, allant non seulement de la droite républicaine au Centre, mais jusqu’aux sensibilités écologistes et sociales-démocrates. Dans cette majorité à construire, la volonté d’émancipation, de respect des personnes, et de solidarité effective a toute sa place. ».

Le 5 novembre 2013 fera date dans l’histoire politique

Cette nouvelle tentative de fédérer des forces démocrates semble avoir plus de chance que les précédentes de réussir, en raison du climat actuel particulièrement hostile aux grands partis de gouvernement, d‘autant plus qu’un leader modéré, François Fillon, s’est aventuré, lui également, en septembre 2013, sur un terrain très glissant. Elle reprend la trace du Mouvement réformateur initié le 3 novembre 1971 à Saint-Germain-en-Laye par Jean Lecanuet et Jean-Jacques Servan-Schreiber, préfigurant la future UDF giscardienne.

L’événement de la rencontre entre l’UDI et du MoDem mérite donc d’être évalué à sa juste dimension. C’est très rare que deux personnages emblématiques de la vie politique, malgré leur ego dont on n’a cessé de parler, décident d’oublier les disputes du passé, de faire table rase des malentendus et des sous-entendus, et de reprendre le chemin de la réconciliation en mettant à plat (par cette charte) tout ce qui les unit.

Cela ne fait pas encore un programme de gouvernement, mais cela donne la base d’un nouvel espoir à tous ceux qui sont terriblement déçus ou désabusés tant par le PS que l’UMP, et qui refusent de s’exprimer par les extrémismes de protestation, car ils veulent avant tout contribuer à construire et pas à pourrir.

Ne vous y trompez pas : le destin individuel d’un Borloo ou d’un Bayrou est très secondaire devant la naissance de cette nouvelle force politique. Une génération nouvelle d’élus centristes est de toute de façon déjà là et sera probablement celle qui fera vivre cette union centriste dans les années prochaines.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (6 novembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Texte intégral de la charte UDI-MoDem, l’alternative (5 novembre 2013). Enfin, le rassemblement des centristes !
Sondage BVA du 28 octobre 2013 (à télécharger).
La création de l’UDI (21 octobre 2013).
La famille centriste.
À qui appartient l’UDF ?
Les chapelles du centre.
Centre pour la France.
Le MoDem.
Le Nouveau centre.
François Bayrou.
Jean-Louis Borloo.
Valéry Giscard d’Estaing.
Hervé Morin.
Simone Veil.

 

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