Economie US et crise : point de début mai

Publié le 07 mai 2008 par Loïc Abadie

1) économie générale
Les dernières données publiées ne vont pas du tout dans le sens d'une fin de crise ou d'un point bas :

- Commençons par la plus importante, c'est à dire le PIB du T1 2008, en hausse de 0,6% en rythme annualisé : Bien qu'en recul très fort par rapport aux années précédentes, ce chiffre n'est pas encore négatif.

Derrière cette performance moins mauvaise qu'attendu il y a une cause précise expliquée par l'économiste Nouriel Roubini : Les stocks.

En effet les stocks non vendus de biens produits par les entreprises sont comptabilisés comme des ventes, et la hausse de ces stocks a généré 0,8% de PIB en plus au 1er trimestre 2008, et il en est de même pour les logements neufs construits et non vendus.

article de Nouriel Roubini
Sans ces deux éléments, le PIB serait largement en territoire négatif...et il est probable que ces stocks donneront un effet « boomerang » au T2 et ensuite  : Les entreprises réduiront leur production pour écouler les stocks invendus), réduisant cette fois le PIB.
Une chute du PIB (taux de croissance négatif) est donc à attendre à partir du 2ème trimestre dans ce cas de figure.

Ensuite un article intéressant de l'auteur du blog «sudden debt» sur l'indice du sentiment des consommateurs du Michigan.
Cet indice est tombé à un plus bas de 26 ans en avril, et comme il se trouve fortement corrélé aux dépenses de consommation des américains, il ne faut pas s'attendre à un rebond dans les mois à venir, au contraire.

Les ventes d'automobiles en avril, à un plus bas de 15 ans confirment d'ailleurs cette tendance.
Seul indicateur relativement positif  : l'ISM services qui s'est établi à 52, coupant ainsi une série de 3 mois sous les 50 (seuil utilisé pour définir une contraction de l'activité). Vu les autres indicateurs et la conjoncture immobilière, cette éclaircie a toutes les chances d'être temporaire.

2) L'immobilier

Aucun retournement de conjoncture n'est en vue et la situation continue de se dégrader, avec :

  • - Des ventes qui diminuent.

Les ventes de logements neufs qui ont chuté de plus de 8% en mars, la baisse depuis 2006 étant la plus forte jamais observée depuis que les statistiques existent (1963).
Graphique de la FED de St Louis.

  • - Des stocks qui augmentent

Les stocks de logements neufs à vendre se sont établis à un nouveau record en mars 2008, avec 11 mois de stock. Voici un graphique montrant l'évolution sur les 3 dernières années (on y voit le bond de 9,8 à 11 mois observé en mars 2008)



Une diminution de ces stocks sur plusieurs mois serait le premier signe fiable qu'un point bas a été atteint...pour le moment rien de tel n'est observé, au contraire !

- Des saisies immobilières qui augmentent

Malgré les diverses mesures de la FED et du gouvernement US, les saisies immobilières ont progressé de 112% entre le T1 07 et le T1 2008, et de 23% sur un trimestre, selon le dernier rapport de realtytrac
graphique correspondant

Ces saisies viennent évidemment gonfler le nombre de logements à vendre, et renforcent l'excès d'offre par rapport à une demande qui elle-même se réduit.

- Des prix qui accélèrent leur mouvement baissier.

L'indice case shiller a baissé de 2,6% en février 2008 (dernier indice disponible).

Le rythme de baisse annualisé atteint 20,9% sur les 6 derniers mois, et 27% sur les 3 derniers mois, ce qui est pour le marché immobilier (habituellement caractérisé par des variations de longue durée mais lentes) tout à fait exceptionnel.


Face à ces tendances, ma position reste évidemment inchangée : rester liquide, ne surtout pas investir sur les marchés actions, ne surtout pas écouter les divers "experts" qui annoncent que le gros de la crise est passé.
Les marchés baissiers sont ponctués de rebonds techniques sans lendemain, celui qu'on observe actuellement en est un.
Enfin, il est tout à fait vrai que c'est quand les choses sont au plus mal qu'il faut réinvestir ses liquidités (et j'ai bien l'intention de le faire quand la crise à venir aura atteint son plein régime)...mais cette théorie ne s'applique pas à la période actuelle : parce que nous sommes bien loin du "pire" de la crise. Quelques explications :
Le taux de chômage progresse encore très lentement pour le moment aux USA.
Le graphique historique ci-dessous montre que même les petites récessions impliquent une hausse du chômage de 2 à 3% avec une phase de hausse très rapide qui marque le plus fort de la crise...nous n'en sommes qu'à 0,5%, et la hausse est pour le moment très modérée. Comme cette crise n'est pas une "petite récession", je pense que la hausse du taux de chômage sera cette fois nettement supérieure aux 2-4% observés habituellement.

Graphique du taux de chômage US...le pire est bien devant nous, pas derrière !