La Scène au Prince de Galles

Par Gourmets&co

La Scène

au Prince de Galles par Patrick Faus

: cuisine banale

: cuisine d’un bon niveau

: cuisine intéressante et gourmande

: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux

: cuisine exceptionnelle

… Stéphanie Le Quellec sort des plats purement magnifiques…

La première impression est blanche, lumineuse, moderne, chic, réussi dans les espaces, les jeux de ton sur ton, l’acajou des murs tapissés de miroirs, appliques en bronze, grandes baies vitrées s’ouvrant sur le jardin intérieur (Le Patio), les tables en marbre blanc, les sièges très confortables… l’ensemble à la fois surprenant et rassurant. Une réussite. Ce ne sera pas la dernière.

En cinémascope ou comme un premier rang au théâtre se joue une pièce en plusieurs actes qui vaut sans aucun doute une « standing ovation ». Ce n’est pas un hasard si le restaurant se nomme La Scène, variation homonymique de la Cène, avec qui vous savez, car on y rompt aussi le pain de chez Christophe Vasseur en l’occurrence (Du Pain et des Idées, Paris Xème), et on y boit le vin sélectionné et conseillé en originalité et surprise par Philippe Marquès, qui fut durant dix ans à l’école Senderens. Le client est ainsi spectateur mais cependant actif car de sa participation dépendra le succès de la représentation.

Le chef Stéphanie Le Quellec a ardemment participé à l’élaboration de ce décor et de cette mise en scène de sa cuisine. Neuf personnes s’activent sous nos yeux dans un silence impressionnant, sans un geste de trop, et sans une once d’odeur alors que la cuisine est dans la salle à manger. Arrivant en direct du restaurant Terre Blanche, aux Tourrettes en Provence, elle a travaillé pendant des semaines avec son équipe pour arriver au maximum à l’ouverture. Dès le premier jour, elle a voulu cette perfection mais aussi cette désacralisation du palace et ce feed back immédiat de ses plats. Circuit court pour efficacité maximum. Deuxième réussite.

La carte est divisée en actes avec en moyenne cinq scènes (plats) par acte. L’ancienne lauréate de Top Chef (en 2011) annonce le produit et son accompagnement. Elle a gardé un ou deux de ses classiques ou plats signatures et en a déjà un ou deux que réclament les spectateurs ébahis. Il y a de quoi. Tant en technique, qu’en alliances des saveurs ou en touches finement exotiques sur des classiques français, Le Quellec sort des plats purement magnifiques.

Elle ne perd pas de temps car dès l’amuse-bouche, c’est la claque, la gifle, l’uppercut au foie qui vous laisse pantois sinon groggy : juste un avocat légèrement fumé et de la verveine. Rayonnant. Dernière Cueillette de cèpes, crus et cuits, aubergine thaï, sorbet miso blanc, sublime de goûts sur une alliance des saveurs étonnantes et séduisantes. Premières Coquilles Saint-Jacques, les noix bien dorées, lentilles du Puy, bouillon mousseux de Jabugo, franchement remarquable, et le chef aime saisir, aime dorer et ça donne du goût. Son plat « fil conducteur de la carte et qui évoluera » est une merveille absolue : Belle pomme dorée de ris de veau, crosnes, dattes medjoul (charnue, du Maroc), écume Taleggio (fromage italien au lait de vache). A lui seul, vaut le déplacement. Sélection de fromages monastiques et Yann Couvreur entre en scène !

Le chef pâtissier démarre lui aussi sur les chapeaux de roues. Ses Noisettes du Morvan torréfiées, ganache lactée, marmelade de citron sont une idée de fou destinée à nous rendre fous. Le chef-d ‘oeuvre, pour l’instant, est son « Cinq feuilles », crème onctueuse. Le chef propose d’abord trois sortes de vanille que chacun choisit pour réaliser la crème : Tahiti, Comores, Madagascar. On sent, on hume et on choisit… Tahiti, au doux parfum entêtant. La pâte est faite comme un kouign aman, donc plus beurrée, donc plus grasse, donc moins sèche et plus goûteuse. La crème vanillée est d’une extrême douceur au subtil parfum. Une perfection. Dernière réussite et non des moindres.

Service parfait, accueil sympathique et point guindé, carte des vins impressionnante à tous les prix mais surtout dans les hauteurs. On peut malgré tout trouver des bouteilles abordables et originales comme ce Coteaux du Languedoc Domaine Leconte des Floris en demi-sec pour le dessert ou mieux encore en blanc cuvée Lune Blanche 2011 avec le ris de veau.

Quelle équipe et quelle table ! Soudain et sans prévenir, une des meilleures de Paris.

Questions à Stéphanie Le Quellec

Le déclic cuisine. Comment et quand ?
Il n’y a pas eu un déclic mais une culture de la table à la maison quand j’étais petite fille, avec des bons plats, des bons produits et on faisait le marché à Enghien-les-Bains. Par contre, je ne sais pas pourquoi j’ai décidé de faire ce métier. C’est venu comme ça…

Le premier pas dans le métier ?
Difficile bien sûr, à 14 ans à l’Ecole Hôtelière où j’apprends la rigueur, où je mets une jupe pour la première fois. Mon premier stage aussi, difficile mais je suis quelqu’un de rigoureux et j’aime la discipline.

Première maison ?
Une petite maison, l’Auberge de la Verdoyante à Saint-Tropez en stage d’été.

Première grande brigade ?
Le George V. La révélation, période Philippe Legendre avant la deuxième étoile. 80 cuisiniers et j’ai le déclic du luxe alors que je me préparais à ouvrir mon petit restaurant avec 30 couverts, deux en cuisine et cuisine traditionnelle. Je ne savais pas vraiment ce qu’était un restaurant gastronomique. Tous les choix que je vais faire dès lors seront pour tendre vers ce style.

Des personnes qui vous ont tiré vers le haut ?
Philippe Legendre, le classicisme dans sa pureté. Philippe Jourdin au Pigonnet à Aix-en-Provence pour le management, une cuisine moins classique et le dépassement de soi.

Le Ris de veau, votre plat emblématique ?
Il change sans cesse par rapport au moment où je l’ai crée et il a changé dans son format. C’est un plat qui me ressemble car généreux, gourmand et sur le relief. La cuisson reste ce qui est essentiel. La cuisson est la base de tout et on peut être le plus créatif, si on rate les cuissons c’est foutu. Le cru c’est plus facile.

Yan Couvreur, chef pâtissier ?
J’ai mis du temps à le trouver car il fallait la bonne personne pour relever ce challenge et une continuité dans l’assiette. J’impose rien et on travaille à quatre mains.

Un repas qui vous a fait tomber de votre chaise depuis votre retour à Paris ?
Aucun. Il y a des choses très différentes et une compétition dure et donc j’ai vu que je devais faire ce que j’aime, à savoir une cuisine très brute et dépouillée d’artifices.

Un clan femmes chefs parisiennes ?
Non. Je connais bien Amandine Chaignot, mais nous ne sommes pas féministes ni « clan ».

Stratégie pour les étoiles ?
Michelin reste une référence. Pas d’objectifs, pas de stratégie, sauf faire plaisir au client en faisant de la bonne cuisine. Je ne sais pas si ma cuisine vaut une ou deux étoiles, mais si l’étoile tombe, on sera les plus heureux.

La Scène au Prince de Galles
33, avenue George V
75008 Paris
Tél : 01 53 23 7850
contact@la-scene-restaurant.com
www.restaurant-la-scene.fr
M° : George V
Voiturier
Ouvert tous les jours
Menus : 60 € (déjeuner du lundi au vendredi)
125 € en 4 services (choisis parmi la carte)
165 € en 6 services « les yeux fermés selon le chef »
Carte : 120 € environ

Brunch le dimanche avec deux barbecues : 98 €

Breakfast imaginé par Stéphanie Le Quellec
Du lundi au vendredi de 8h à 10h à La Scène
48 €