Au Cameroun, le calvaire du ?repassage des seins? touche des milliers d?adolescentes

Publié le 12 novembre 2013 par 237online @237online

Dans un pays où l’éducation sexuelle reste taboue, une jeune Camerounaise sur dix est victime du « repassage des seins ». Moins médiatisée que l’excision, cette mutilation ancestrale est tout aussi violente. « Mon calvaire a commencé à 12 ans, se souvient Christelle Ensi, une coiffeuse de 27 ans résidant à Douala, la capitale économique du Cameroun. Chaque soir, ma mère me faisait asseoir près d’elle dans la cuisine.

Elle dénudait alors ma poitrine pour presser avec force une spatule chaude sur mes seins naissants. Pendant que j’hurlais de douleur, mes deux tantes me maintenaient. Au bout de trois mois, ma mère a été forcée d’arrêter en raison de mes brûlures. » Tradition ancestrale moins connue que l’excision, le « repassage des seins » vise à freiner la poussée mammaire en écrasant la chair avec des pierres chaudes, des pilons, voire des épluchures de bananes plantains passées au préalable sur le feu… Le but recherché ? Retarder l’âge du premier rapport sexuel en supprimant les signes extérieurs de féminité. Ces massages douloureux se déroulent dans l’intimité du cercle familial, ce qui explique en partie le silence qui entoure cette pratique pourtant répandue en Afrique équatoriale. Le Cameroun est le pays le plus touché. Près d’une femme sur dix est victime de cette mutilation, selon un rapport publié en octobre par la coopération technique allemande (GIZ) qui a enquêté sur tout le territoire. Le taux de prévalence varie cependant d’une région à l’autre, et avoisine les 20% dans la région du nord-ouest. Dans les zones septentrionales, où la plupart des filles sont mariées dès la puberté, certaines adolescentes s’infligent elles-mêmes ce supplice afin d’échapper à une union précoce et pouvoir continuer leur scolarité.

Phénomène culturel
Le « repassage des seins » est un phénomène culturel qui se transmet entre les générations : les mères répètent les gestes qu’elles-mêmes ont subi. Il ressort des différents témoignages recueillis par la GIZ que toutes ont eu de bonnes intentions, et n’ont jamais imaginé causer du tort à leur progéniture. Selon elles, il s’agit d’une technique comme une autre pour contrôler la sexualité de leur fille. « Car le sexe est un sujet généralement tabou dans la famille camerounaise, on n’en parle pas avec nos enfants, se justifie Marie-Thérèse Ensi, la mère de Christelle. Le massage de la poitrine, c’est notre méthode contraceptive locale ». Une précédente étude réalisée en mai 2005 par GIZ, avait révélé qu’un quart des Camerounaises étaient victimes de cette pratique. Une vaste campagne de sensibilisation avait ensuite été lancée en 2006 par le Réseau national des associations de tantines (RENATA). Le gouvernement s’est aussi mobilisé, interpellant les parents sur les risques liés aux mutilations féminines. Aujourd’hui, « la prévalence du repassage des seins est certes réduite de moitié, mais le nombre élevé de jeunes filles touchées reste préoccupant. Nous ne serons satisfaits que lorsque cette pratique sera abandonné », souligne Flavien Ndonko, conseiller technique et anthropologue pour la GIZ-Cameroun. Les traumatismes psychologiques et physiques causés par cette mutilation sont nombreux : 32% des femmes se plaignent de fortes douleurs aux seins, 17% signalent des kystes et des abcès à la poitrine… Devenues mères, beaucoup ont rencontré des difficultés pour allaiter leur nouveau-né, mettant en avant un blocage mental.

Accès difficile à la contraception
Au final, force est de constater que le « repassage des seins », utilisé comme méthode contraceptive, n’a pas franchement d’incidence sur les grossesses adolescentes : près d’un tiers des jeunes Camerounaises se retrouve mère avant l’âge de 16 ans. Et ce taux ne faiblit pas. Pourtant, au Cameroun, une boîte de préservatifs coûte moins cher qu’une baguette de pain. Selon l’association RENATA, il faut maintenant que le gouvernement mette l’accent sur la vulgarisation des méthodes contraceptives qui sont moins coûteuses, moins traumatisantes et plus efficaces. Christelle Ensi a eu son premier rapport sexuel à 14 ans. Trois ans plus tard, elle accouchait de son premier enfant.

Source: portail-humanitaire.org