Todd et la "révolte bretonne"

Publié le 17 novembre 2013 par Edgar @edgarpoe

Entretien passionnant avec Emmanuel Todd dans le Marianne d'hier.

L'impression qu'il me donne est que, ayant rompu avec l'idée que l'Union européenne est réformable, il n'est plus obligé de se raccrocher à des branches improbables, genre hollandisme révolutionnaire. Il redevient très bon et beaucoup plus pertinent.

Quelques lignes tirées de cet entretien donc :

"ce que montre paradoxalement la révolte bretonne, c'est à quel point le FN, parce qu'il divise les français, est une aide au système, fait partie du système. Quand le FN n'existe pas [il est faible en Bretagne], la société a la cohésion nécessaire à la révolte."

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"on pourrait dire que la Bretagne des producteurs, ouvriers et patrons, affronte le Paris des prédateurs, les banques et l'Etat, banques et Etat étant désormais contrôlés par les mêmes inspecteurs des finances."

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"Mélenchon [à propos de son idée que les esclaves ont manifesté pour leurs maîtres] montre son appartenance aux élites parisiennes et son mépris du peuple. [...] Il semble d'ailleurs dépourvu d'une culture révolutionnaire minimale : les révolutions naissent toujours dans l'ambiguïté. [il] est un petit-bourgeois radical-socialiste qui n'aime pas le désordre."

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"nous avons franchi un seuil [dans la dislocation du système social et politique français] parce que la capacité des classes dirigeantes françaises à protéger leur peuple n'est plus du tout évidente. [...] nos dirigeants n'en finissent plus de se ridiculiser sur la scène internationale."

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"si les bretons s'aperçoivent que l'Europe est leur vrai problème, que leurs vrais concurrents sont les roumains et les allemands qui les emploient à 5 € l'heure, le système idéologique explose, et là, tout est ouvert... Les classes dirigeantes françaises ne peuvent plus défendre l'euro, il est liquidé, et la France, toutes énergies libérées, revient dans l'histoire".

Tout cela me paraît fort bien vu, et fort juste. Todd reste optimiste, et on pourrait fort bien imaginer un scénario ou les bretons se liguent avec l'Union européenne pour renforcer leur autonomie fiscale. Il est certain que le mépris mélenchonien ne peut que favoriser ce deuxième scénario. C'est d'ailleurs probablement le problème Mélenchon aujourd'hui, il n'est que mépris.