Acid Arab – Acid Arab Collections

Publié le 21 novembre 2013 par Hartzine

Acid Arab, c’est un peu comme le 6B, le Camion qui Fume ou la Concrete, le genre de projet à côté duquel il est physiquement impossible de passer. Après avoir écumé la Roumanie, l’Allemagne, le Danemark, Israël, La Machine, la Gaîté, la Ferme du Bonheur, et j’en passe, le duo parisien s’est emparé de la Java pour fêter la sortie d’une première compilation marquée de la griffe des producteurs électro-world les plus racoleurs du moment. Alors, assis ou acid ?
Il est bien malaisé de parler sereinement du projet porté par la paire Asma et Guendiz. On a d’un côté deux EP d’excellente qualité et une intention de départ profondément louable étant donnée l’atmosphère délétère dans laquelle nous plongent les remugles gerbants du racisme quotidien, et d’un autre côté une entreprise musicale portée au pinacle par l’ensemble de la palette médiatique jusqu’au sacro-saint défricheur de jardinières Télérama. Une véritable consensus party où même Libé « a envie de faire la fête avec eux« . Une telle entente devrait susciter méfiance et suspicion. Or, on a beau parcourir les interviews et les présentations de mixtapes, il est bien difficile de sortir la tête de la bouillabaisse des lieux communs pour savoir ce que le projet a dans les sillons. Pour vous éviter de parcourir l’enfilade de descriptions boiteuses propagées sur la toile, voici un résumé concassé de ce qui s’y raconte :

« Bien connus des noctambules de la capitale, Acid Arab fait souffler un vent frais sur le monde de l’électro parisienne. En mélangeant avec brio les modulations tripantes de l’acid house et l’infinie richesse de la musique orientale, les deux compères ont su habilement arracher ces deux genres à leurs ghettos musicaux. Formé par Asma et Guendiz (aka Hervé Carvalho et Guido Minisky), DJ résidents chez Moune, le projet Acid Arab est né à l’occasion d’un voyage à Djerba, en Tunisie, où les deux larrons, subjugués par le potentiel incroyable des musiques traditionnelles locales, décident de fouiller les bacs à vinyles pour remettre ces perles méconnues au goût du jour. Aujourd’hui, après deux EP grandioses, des edits et des heures de DJ-sets à travers le monde, Carvalho et Minisky sortent leur première compilation, non s’en s’être entourés au préalable d’une véritable cohorte de producteurs géniaux. Jaumet, Renart, Piloosky ou encore Professor Genius, une équipe triée sur le volet avec pour seul but de vous faire bouger les fessiers. Préparez-vous pour la danse du ventre et en avant les youyous ! »

Evidemment, avec un pitch pareil, on sent poindre la truanderie à la mode et la méfiance est de rigueur. Les déclarations du duo dans la presse n’arrangent rien. Le mélomane éclairé y apprend notamment qu’Asma et Guendiz aiment manger des kebabs et boire du thé à la menthe durant leur temps libre et que leur plus grand rêve est de jouer devant une foule au milieu du désert. Merci bien…

Loin de moi l’intention de jouer les vieux cons ou de brandir l’étendard frippé du seul contre tous mais j’ai la naïveté de croire qu’il existe encore des gens qui aspirent à autre chose qu’à être les spectateurs béats des panégyriques de principes. Encore une fois, le projet est beau et le syncrétisme désirable. Les tensions politiques nationales et internationales renforcent le sentiment de bienveillance à l’égard d’Acid Arab et voir danser plusieurs générations avec ferveur sur ces rythmes qu’a priori tout sépare donne à nouveau des envies de futur. Évidemment qu’on veut y croire ! Tout le monde est d’accord. Mais une fois que l’émotion de départ aura finit de faire frissonner la bobosphère, que restera-t-il dans nos oreilles ?

L’impression est mitigée. Moi qui avais adoré les EP 1 et 2, j’avoue avoir été un peu déçu par cette compilation un peu trop attendue. Mis à part le sublime Bon Vieux Temps d’I-Cube, retravaillé au ciseau, l’envoûtant Madad, ourlé au creux de révèrb écumante, et la véritable pépite atmosphérique Surabaya, à écouter en boucle, le reste de la compilation peine à s’élever au-dessus des barrières du bon et du pas mal. Alors que les trois titres cités précédemment expriment sans aucun doute ce que la fusion des genres peut offrir de meilleur, les autres tracks de la compilation n’accèdent pas au degré de statisfaction nécessaire et l’album peine à la relecture. À la fin de la deuxième écoute, on a déjà envie de changer de disque. Aucun des titres n’est à proprement parler mauvais, mais les tracks s’enchaînent sans véritablement accrocher l’attention ou réussir à vriller la poitrine. Les titres de Pilooski et de Professeur Genius sont trop caricaturaux. Renart déçoit pour avoir trop ravi et Jaumet fait du Jaumet – c’est bien mais le titre ressemble trait pour trait à la somme de l’équation Acid + Arab + Jaumet. Bref, là encore on pouvait espérer mieux. Pour autant, la bonne humeur dont est auréolée la compilation et l’atmosphère de petite fête qui s’en dégage attirent la sympathie et invitent résolument à entrer dans la danse. En outre, le kitsch savoureux des titres de Danny Mahboune et de Dimmit ainsi que le refus déclaré de se prendre pour des musicologues excusent beaucoup de choses.

Alors oui, la compilation est loin d’être parfaite et ne deviendra sans doute pas la pièce indispensable de votre discothèque mais ce serait une erreur de lui tourner le dos sans l’avoir écoutée au moins une fois. Acid Arab est un projet qui a du sens et que l’on a envie de voir évoluer. Le deuxième EP sorti début octobre est un véritable bijou et augure un avenir des plus radieux. Legowelt, relayant I-Cube, y poursuit tranquillement sa route vers le panthéon du synthétiseur. L’intensité et la tension qui se dégagent des motifs rythmiques serrés de Rum est un pied de nez à tous ceux qui réduisent encore Acid Arab à une néo danse du ventre. Le travail de défrichage effectué par les sieurs Asma et Guendiz contribue à renouveler en profondeur notre horizon musical quotidien. Leur passage en soirée apporte, allez disons-le, un peu de fraîcheur sur des dancefloors cisaillés entre le martèlement furieux d’une techno industrielle et les basses trop suaves d’une deep un peu bancale. Reste à savoir désormais quelle tournure va prendre le projet et si la dynamique d’aventure et de découverte musicale ne céderont pas la place à la composition des nouvelles bandes-son des « petits dîners sympas entre amis ». Wait and see.

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