Football ≠ Économie

Publié le 24 novembre 2013 par Wtfru @romain_wtfru

« Quel impact aurait une qualification des Bleus sur l’économie française ? Pourrait-elle relancer la croissance ? Combien aurait coûté une élimination de la France ? » Voilà les titres que vous avez pu lire dans la presse les jours qui ont précédé et suivi la qualification de l’équipe de France de foot pour la Coupe du Monde 2014. Qu’on se le dise, ce n’est pas le foot qui sauvera l’économie française.

Il y aurait une corrélation entre une victoire des Bleus et le business des pizzas les soirs de match. Voilà tout ce qu’a trouvé BFM TV d’intéressant à dire dans un reportage au lendemain de la qualification. L’effet d’euphorie doperait de même les ventes de téléviseurs car le téléspectateur standard ne lésine pas sur les moyens. Alors oui, TF1 s’est copieusement gavé, son action financière gagnant 5% mercredi dernier. Mais les 130 millions d’euros dépensés pour l’obtention des droits TV pour la prochaine Coupe du Monde ne devraient pas être amortis. La Une cherche par ailleurs à revendre des matchs à BeIn et à Canal+. Les perspectives de profits liées notamment à la publicité restent énormes. Les Échos rappellent que le soir de France-Ukraine (retour), 30 secondes de publicité valaient 160 000 euros. Tant qu’on est dans les chiffres, Natixis estime que le chiffre d’affaire de TF1 pour un match sans l’équipe de France est de 1,5 million d’euros, le double avec les Bleus. Si vous ressentez des picotements au niveau de l’anus en lisant ces lignes, c’est simplement parce que vous vous rappelez que la redevance TV que vous payez participe au financement de cette démesure.

Le jour de croître est arrivé ?

Ce n’est pas parce qu’on célèbre une qualification comme si on était champions du monde que les effets économiques vont être exponentiels. Les conséquences bénéfiques se font davantage sentir pour l’économie du pays accueillant une telle compétition, en l’occurence le Brésil, pays émergeant s’essoufflant provisoirement. Et encore, Le Monde rappelle que la dernière Coupe du Monde aurait rapporté seulement 0,4% de points de croissance en plus à l’Afrique du Sud. Les experts s’accordent donc à dire que les bénéfices réels des performances d’une équipe nationale sont moindre si le pays en question n’organise pas la compétition. Plus largement, dans tous les sports, on assimile toujours les résultats à la santé économique du pays. Faux !
Un contre-exemple suffit pour illustrer notre propos. Demandez aux 27% d’Espagnols au chômage si les 13 victoires de Rafael Nadal en Grand chelem ont relancé la croissance. Demandez-leur si les 5 Grands Tours gagnés par Alberto Contador ont stimulé le pouvoir d’achat ; si la Roja, championne d’Europe et du Monde en titre, a su résoudre la crise de l’immobilier.
Même au niveau du tourisme, alors que certains experts prédisaient des pertes en cas de non qualification des Bleus, on imagine mal des voyageurs annuler un séjour en France, première destination touristique mondiale, parce qu’elle ne s’est pas qualifiée à la Coupe du Monde.


Le parallèle avec la politique est tentant. La métaphore du capitaine d’un navire en pleine tempête qui a su redresser la barre pour éviter le naufrage, a beaucoup été utilisée pour Didier Deschamps. « Un entraîneur, ça compte », s’est empressé de rappeler François Hollande, afin de rappeler l’importance du rôle de l’entraîneur dans la progression de son équipe (sous-entendre gouvernementale). Dans le genre opportuniste, Marine Le Pen a rappelé après la première défaite contre l’Ukraine que « l’ultralibéralisme appliqué au football, ça donne des résultats épouvantables ». Bref, c’est à une Coupe du Monde de la récupération politique que l’on a assisté.
Le foot est au contraire un exutoire. Comme l’a écrit Jean Giraudoux, « le sport est l’espéranto des races », et il permet d’oublier le marasme économique et l’instabilité politique.

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