Woodcut

Publié le 02 décembre 2013 par Fabrice @poirpom

C'est une lente besogne. Amour et patience pour seules lignes de conduite.

Trouver le bois. Dans un cimetière, là où ces arbres ne serviront plus. Seront brûlés, sans doute. Déambuler, lentement, scruter, se laisser séduire par un épais rondin. Cèdre, frêne, saule pleureur, érable...  Le soupeser, le soulever franchement puis le ramener jusqu'à la voiture. Le hisser dans le coffre. Rentrer à l'atelier. Le décharger. Et le travail n'a pas encore commencé.

Vient la première étape: l'observation. Essayer de deviner si ce rondin a une histoire à raconter. Ensuite, se faciliter un peu la tache: à l'aide d'une tronçonneuse, faire des rondelles. Un travail éreintant, de bûcheron, mais délicat malgré tout. 

Sur ces rondelles, y déceler des fêlures, des blessures, des accidents. Il va falloir respecter ces incidents - les souligner même. Pour ce faire, poncer d'abord. Par gestes lents et réguliers pour obtenir une surface bien lisse. Bien nettoyer. Puis, pour redonner du relief, souligner, utiliser un chalumeau. En brûlant, les marques gagnent de nouveau en aspérités. Nettoyer, de nouveau. Délicatement. Avant de vernir pour protéger. Là, déjà, des heures, ont été nécessaires. Laisser reposer, un temps.

Choisir un papier adéquat. Le Washi, par exemple. Un papier japonais. Léger, flexible mais solide. Sur le bois verni, appliquer, délicatement, au rouleau, de l'encre. Ne pas en mettre trop, l'idéal étant de dégorger un peu le rouleau sur une surface plane au préalable. Quitte à en remettre une couche ensuite.

Vient une étape délicate: déposer la large feuille de papier sur la rondelle de bois. Éviter tremblote et gestes brusques. Puis, patiemment, lentement, presser la feuille contre la tranche de bois. Pour appliquer l'encre uniformément. Faire cette opération au doigt - s'aider éventuellement du dos d'une petite cuillère. Puis, délicatement, saisir la feuille de Washi du bout des doigts et la soulever. La poser sur une surface plane. La laisser sécher. 

Contempler.

L'homme avec assez d'amour et de patience pour réaliser ces impressions s'appelle Bryan Nash Gill. Il a passé sa vie dans le Connecticut, un état de la Nouvelle-Angleterre au Nord-Est des États-Unis.

La beauté intérieure des arbres, il l'a découverte en se construisant un atelier au fond de son jardin. En débitant du bois pour obtenir de belles planches. Son regard a fini par s'attarder sur ce bois. Le reste n'est que lente besogne.

Bryan Nash Gill est décédé le 17 mai 2013.


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