En organisant une manifestation contre l’injustice fiscale, Mélenchon tente de récupérer le ras-le-bol et se rallie en fait … aux thèses libérales.
À pareille nouvelle, il n’est pas difficile de comprendre qu’il aura fallu à toutes les rédactions des journaux ultra-libéraux du pays (comme Libération, Le Monde, Le Figaro, Marianne ou Le Nouvel Observateur) un sang-froid d’airain pour ne pas partir en cacahuète, et relayer aussi sobrement que possible l’étonnant revirement du Lider Marxismo. Quelques articles ont donc fleuri leurs pages, éclairant leurs lecteurs embourgeoisés des vues mélenchonesques devenues enfin compatibles avec le marché et le capitalisme apatride cosmopolite qui fait rien qu’à broyer des ouvriers.
Oui, vous avez bien lu : le chancre chantre du Toujours Plus d’État s’improvise dans la réclamation quasi-poujadiste et demande rien moins qu’une annulation de la hausse de TVA prévue au premier janvier de l’année prochaine. Le bougre explique ainsi :
L’augmentation de la TVA va coûter en moyenne 428 euros par an pour une famille de quatre personnes. Cela va porter sur les médicaments non remboursables, les maisons de retraite, la consommation d’électricité, les transports.
Cette fois-ci, c’est différent : Jean-Luc, peut-être touché par la grâce fiscale, découvre que l’usine-à-gaz fiscale française fait trop de dégâts pour qu’on puisse la laisser continuer ainsi sans rien faire. Selon lui, …
Il faut donc établir un impôt universel et juste. Et abolir les privilèges. Tous les efforts reposent sur la classe moyenne.
Sacré classe moyenne qui n’occupait pas beaucoup le discours du baronnet jusqu’à présent mais qui semble maintenant mûre pour sa gouaille et ses emportements de tribun ! Et pour la rallier à sa belle cause anti-fiscalité délirante, quoi de mieux qu’un « impôt universel et juste » ?
Et au fait, Jean-Luc, par abolition des privilèges, qu’entends-tu ? Parce que la liste est, véritablement, longue. Et les libéraux sont depuis longtemps favorables à cette égalité devant la loi qu’un type comme toi redouterait très vite : finis, par exemple, tous les avantages numéraires ou en nature, auxquels un élu peut prétendre. Finis les corporatismes ; en France, il y en a des paquets, tu sais, Jean-Luc. Finies les différences de traitement pour les syndicalistes, les hommes politiques, où qu’ils exercent, qui qu’ils soient… Serais-tu vraiment prêt à renoncer à tout ça, Jean-Luc ?
J’en doute. En tout cas, tout comme toi, le NPA, le parti des néo-fossiles communistes, a compris qu’il ne pouvait pas laisser monter la grogne sans tenter une petite récupération politicienne des familles :
Il est grand temps que convergent les luttes contre l’austérité.
Oh, qu’il est mignon que le NPA et les partis extrêmement gauches réclament ainsi la « convergence des luttes » contre la fiscalité, qu’ils appellent de leurs vœux que les mouvements épars se rassemblent pour demander, enfin, une baisse drastique de cette fiscalité qui est devenue plus qu’étouffante, carrément mortelle !
Seulement voilà : à l’évidence, la récupération de la grogne antifiscale va se heurter à quelques problèmes pour nos étatistes débridés qui se lancent dans un combat qu’ils n’ont pas du tout l’habitude de mener.
Par exemple, comment concilier les revendications d’une baisse des taxes alors qu’on veut aussi, comme tout bon anticapitaliste, un bon gros État bien joufflu, bien dodu, bien présent un peu partout pour protéger la veuve, l’orphelin et le député européen qui aurait un peu de mal à trouver un job productif dans une vraie entreprise privée ? Où va-t-on trouver les fonds pour financer la belle Générosité Avec l’Argent Des Autres dont nos leaders communistes se barbouillent joyeusement les babines en se rassemblant ainsi devant Bercy ?
Par exemple, comment amalgamer cette grogne avec les chevaux de bataille habituels des éternels adolescents ? Comment ne pas pouffer lorsqu’on lit ce qui suit ?
« Il est grand temps que convergent les luttes contre l’austérité, pour une fiscalité anticapitaliste contre l’écotaxe et la hausse de la TVA, pour l’interdiction des licenciements et l’arrêt des expulsions des sans-papiers. »
Notez qu’en ajoutant le Combat Contre Les Méchants et la Défense pour des Lolcats Plus Soyeux, le tableau était complet, mais indépendamment de ces hypothétiques ajouts, on se demande ce qui peut bien fédérer la lutte contre la fiscalité délirante, l’interdiction des licenciements et l’arrêt des expulsions d’immigrants illégaux.
Mais surtout, il va y avoir un gros gros souci technique : comment expliquer qu’il va falloir couper dans le lard de l’État, qu’il va falloir réduire enfin les ponctions, alors que plus de la moitié des Français en âge de travailler vivent d’une façon ou d’une autre de l’État ? Notre Lider Marxismo va avoir quelques petits ennuis pour expliquer d’un côté qu’il faut bel et bien réduire la fiscalité, et donc, conformément à tous les mantras répétés par les gauches extrêmes que le pays compte, qu’on va devoir de l’autre réduire la voilure étatique ; que voilà belle palinodie pour le gauchiste en mal de voix !
Mais voilà : lui, comme d’autres, a bien compris que cette grogne monte, doucement mais sûrement. Lui comme d’autres sent l’odeur d’une révolte qui se prépare. Et lui comme d’autres voudrait bien en tirer quelques bénéfices électoraux.
Attention, Jean-Luc : la manœuvre est délicate, la ficelle est grosse, et la déception du peuple qui arrivera, inévitable, au bout de la route de servitude socialiste emportera tout sur son passage, toi compris.
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