Bataille à seattle

Par Rob Gordon
Certains films ont vraiment tout pour eux : un buzz assez favorable, un casting long comme le bras, un côté "indépendant mais pas trop", et un sujet susceptible d'ouvrir un peu les consciences. Et il s'en faut finalement de peu pour que Bataille à Seattle ne tienne son rang, puisque Stuart Townsend (excellent acteur de Shooting fish et Mauvaise passe, et monsieur Charlize Theron à la ville, le salaud) se donne corps et âme pour réussir son film. Sa mise en scène est d'ailleurs assez convaincante, malgré quelques envolées lyriques et musicales un peu de trop.
Non, l'immense défaut de Bataille à Seattle, c'est l'écriture des personnages. Tant pis si c'est un terme un peu fourre-tout, mais Townsend (également scénariste) livre un film choral autour de cet évènement qui fait un peu penser, du moins au départ, à l'argument de Bloody sunday (des manifs pacifistes tournent au vinaigre). Le problème, c'est que l'évolution et la psychologie des personnages sont si sommaires et stéréotypées que l'on n'y croit jamais vraiment, malgré la sincérité évidente d'un film qui ne demande qu'à être aimé. Ainsi donc, la journaliste cynique va soudainement découvrir qu'elle a un coeur, le gentil CRS va péter un plomb, la femme enceinte va ... (complétez vous-même : que se passe-t-il pour 90% des femmes enceintes, dans les drames à tendance sordide ?)
Ces trajectoires prévisibles, ainsi qu'un ton parfois trop candide, font clairement passer Bataille à Seattle à côté de sa cible. C'est d'autant plus regrettable que, s'il semble à l'aise derrière la caméra, Townsend est également un très bon directeur d'acteurs, tirant le meilleur d'un casting de comédiens potentiellement bons mais pas toujours bien exploités (de Michelle Rodriguez à Ray Liotta). Même s'ils ne peuvent pas faire grand chose pour faire disparaître les clichés qui règnent en maître sur le film, il lui donnent un caractère irrémédiablement attachant, qui donne envie de suivre de très près la suite de la carrière d'un metteur en scène qui gagnerait à se trouver des coscénaristes.
4/10