Nelson Mandela, l’apôtre de la réconciliation et du pardon

Publié le 05 décembre 2013 par Sylvainrakotoarison

Il y a peu de personnes au monde qui puissent rassembler un tel consensus autour de son action en faveur de la paix et de la liberté pour tous. « La mort est un désastre effroyable, quels qu’en soit la cause ou l’âge du défunt. » (3 août 1969).

C’est un vieillard qui s’amusait à dire, le 27 janvier 2011 à Johannesburg : « Je ne suis pas malade, je suis vieux ! ». Dans la soirée de ce jeudi 5 décembre 2013, le Président sud-africain Jacob Zuma a annoncé sa disparition.

Étonnante destinée que celle de Nelson Mandela, Président de la République d’Afrique du Sud du 10 mai 1994 au 17 juin 1999, après avoir passé près de vingt-sept ans en prison. Au-delà de ses brillantes qualités intellectuelles et de son talent pour mobiliser tout un peuple, Nelson Mandela a eu la clairvoyance de comprendre que dans tous les cas, il faudrait que toutes les communautés pussent vivre ensemble, libres et en paix, en Afrique du Sud, y compris les oppresseurs.

Vétéran des acteurs majeurs du XXe siècle, il fut également un sage, ne s’accrochant pas au pouvoir, préférant utiliser son aura de Prix Nobel de la Paix pour faire avancer des causes justes. Il le disait d’ailleurs clairement le 10 mai 1999 : « Je ne veux pas atteindre l’âge de 100 ans et devoir encore chercher une solution à un problème international complexe. ».

Tout au long de sa longue existence, Nelson Mandela a fait preuve d’une ténacité phénoménale ainsi que d’un courage physique et moral très fort pour mener sa lutte contre l’apartheid.

De la lutte armée…

Il n’était pas question de négocier une solution personnelle qui lui aurait assuré une vie tranquille et protégée mais d’être inflexible sur l’aspect collectif de son combat, au point d’accepter le principe de la lutte armée : « Au début du mois d’avril 1961, après une longue et angoissante évaluation de la situation en Afrique du Sud, avec d’autres collègues, nous en sommes venus à la conclusion que, puisque la violence était inévitable, il était irréaliste et vain de continuer à prêcher la paix et la non-violence alors que le gouvernement répondait par la force à nos demandes pacifiques. » (20 avril 1964).

…à la réconciliation

Pourtant, après un procès où il était persuadé qu’il serait condamné à mort, il a réussi à dépasser les sentiments de vengeance et de haine en se faisant le défenseur inlassable de la réconciliation nationale.


Dans son discours d’investiture présidentielle, il l’a expliqué très simplement : « L’heure est venue de refermer les plaies. L’heure est venue de créer des ponts au-dessus du fossé qui nous séparait. L’heure est venue de construire. » (10 mai 1994). Il précisait le 23 juillet 1994 : « C’est une façon concrète d’oublier le passé et de construire le pays. » en insistant le 18 septembre 1994 sur son aspect moral : « En fin de compte, la réconciliation est un processus spirituel qui requiert autre chose qu’un simple cadre légal. Il faut qu’elle ait lieu dans le cœur et dans l’esprit des individus. ».

Conflit israélo-palestinien

La réconciliation, c’est aussi une nécessité pour résoudre les autres conflits dans le monde. Nelson Mandela n’a pas hésité à mettre tout son crédit international pour œuvrer pour la paix dans le conflit entre les Israéliens et les Palestiniens, et parfois avant même d’avoir été élu.


Le 21 août 1993, il dressait une symétrie dans son positionnement : « Notre mouvement reconnaît la légitimité du nationalisme palestinien, de même que nous reconnaissons la légitimité du sionisme en tant que nationalisme juif. Nous insistons sur le droit qu’a l’État d’Israël d’exister avec des frontières sûres et soutenons avec la même vigueur le droit des Palestiniens à l’autodétermination. ».

En novembre 2003, il s’est adressé à tous les peuples de la région en les interpellant : « Vous, peuples d’Israël et de Palestine, devez maintenant donner l’exemple à vos dirigeants en faisant en sorte que vos sociétés dépassent la haine et la peur ; il est de votre responsabilité de reconnaître la coexistence pacifique d’un État palestinien souverain et d’un État israélien à l’abri des menaces terroristes. ».

Paix

Défenseur de la paix et de la concorde entre les êtres humains, Nelson Mandela ne voulait cependant pas concevoir la paix comme une simple "non guerre" : « La paix n’est pas seulement l’absence de conflit ; la paix consiste à créer un environnement où les hommes peuvent s’épanouir, sans distinction de race, de couleur, de croyance, de religion, de sexe, de caste ou de tout autre marqueur de différence sociale. » (New Delhi, 31 janvier 2004). Il avait rappelé aussi une évidence, dans un voyage en Tanzanie : « Il n’y a pas meilleure arme que la paix pour le développement. » (17 novembre 1998).


Pardon

Au-delà de la réconciliation, Nelson Mandela a prôné toute sa vie le pardon, ce qui est sans doute l’acte le plus compliqué pour les victimes. Le 9 mars 1993, il racontait ceci : « Je travaille aujourd’hui avec les gens qui m’ont jeté en prison, qui ont persécuté ma femme, chassé mes enfants d’une école à l’autre… Et je fais partie de ceux qui disent : "Oublions le passé, et pensons au présent". ».

Il avait d’ailleurs donné le 10 février 2000 un argument imparable pour pardonner : « Chez les gens qui se sont retrouvés en prison, alors qu’ils essayaient de transformer la société, le pardon est naturel. Ils n’ont pas de temps à perdre à se venger. ».


Ce n’était d’ailleurs pas sans rapport avec une inquiétude à propos de la situation en Europe : « La montée apparente de l’extrême droite intolérante et xénophobe en Europe occidentale n’envoie pas de signaux encourageants. Il semblerait que nous n’ayons pas réussi à débarrasser le monde de la peur. » (8 juin 2002).
Dernier héros du XXe siècle

Nelson Mandela a été l’un des derniers grands héros de la fin du XXe siècle. Sans entrer dans la polémique, il est loin des Che Guevara, Hugo Chavez et même (dans une moindre mesure parce que l’homme était un grand humaniste) Stéphane Hessel qui, eux, n’ont pas fait avancer le monde.

Nelson Mandela, lui, si, il a fait avancer le monde, à l’instar de Gandhi ou de Jean-Paul II, par cette extraordinaire force intérieure, qu’il avait et qu’il avait su transmettre, qui lui a permis de tenir aussi longtemps en prison et par ce principe essentiel du pardon, qui lui a permis d’instaurer une paix (durable) en Afrique du Sud.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (5 décembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Pardonner, ce n’est pas facile.
L’Afrique du Sud de Nelson Mandela.
L’Afrique du Sud de Thabo Mbeki.
L’Afrique du Sud de Jacob Zuma.