Imposture

Publié le 09 décembre 2013 par Mentalo @lafillementalo

J’ai envoyé une carte à la famille de Lucette, et, très émus, ils me disent que je devrais écrire, abandonner mon métier. Je reste vague, je dis que j’écris, parfois, des textes, j’aligne des mots quand ma tête explose, mais que je serais bien incapable d’en faire un récit.

J’ai fait des crêpes et les enfants étaient contents; je me suis aussi fâchée parce qu’ils ont inondé la salle de bains et oublié de ranger la salle de jeux. De mon côté, trop occupée, je n’ai pas pris le temps de jouer avec eux, ni de les emmener au marché de Noël comme prévu. Je me demande quelle mère ça fait, ça, dans leur tête, quand on fait l’addition.

Je suis venue au travail et j’avais dix minutes de retard, comme d’habitude en somme. Dans le journal j’ai préféré lire la page des faits divers plutôt que celle des statistiques économiques. Je fais mon boulot sans bavure, comme une technicienne, mais pas comme une spécialiste que je ne suis pas, arrivée là par hasard et sans doute pour de mauvaises raisons. La jeune génération bardée de diplômes de matheux nous pousse dans le dos, et j’en conviendrais aisément si la hiérarchie me le faisait remarquer.

Je crois que l’amitié sauvera le Monde et le mien, et je laisse tous les mauvais prétextes m’envahir et m’empêcher d’être là ou d’avoir les bons mots quand il le faut. Je n’ai pas appris les gestes tendres et hormis ceux qui n’ont pas besoin d’être enseignés mon cerveau a toujours un temps d’avance sur mon coeur et freine ma main.

Aussi jolies que soient mes chaussures je me demande parfois si je ne marche pas parfois à côté d’elles. Cette impression de n’être jamais là où je devrais, où on m’attend, de ne pas correspondre à la carte de visite que je présente ne me quitte plus. Schyzophrénie douce-amère où l’écart entre celle que je voudrais être, celle que l’on veut que je sois et celle que je suis par la force des choses se creuse chaque nuit un peu plus.

Il va falloir prendre le temps de remettre un peu d’ordre là-dedans.

(Merci Louise)