Jacques Brel et moi

Publié le 12 décembre 2013 par Triton95

J’ai tout de suite été hanté par les chansons de Brel, lorsque je les ai découvertes sur le petit écran, au début des années 70. Amsterdam ou Jef c’était moi, sa voix qui arrache les mots m’est rentrée dans la peau, et résonne dans mes souvenirs. Quand il est parti aux marquises, je suis parti avec lui, dans ce pays loin de nos villes épuisantes, et de grisaille. Je ne rêvais que de grands espaces, où l’humain n’aurait pas disparu, où la vie aurait été différente.

Je l’ai suivi dans sa maladie, telle que la relatait les journaux, et je suis mort un peu avec lui, l’oeil serein, la sagesse derrière la barbiche, un doigt posé sur la bouche, imposant le silence et la fin des bavardages.

Il est parti et certains de ses enregistrements sont uniques, avec une seule version, et nous l’écoutons sur "nos magnétophones qui se souviennent de ces voix qui se sont tues" (Léo Ferré). Je recherche les interprètes qui peuvent venir le réhabiter, ou alors je les chante moi-même, et il me semble parfois que je suis devenu quelque chose de Brel vivant en le chantant, alors que nos enregistrements sont figés.

j’ai dépassé son âge et aujourd’hui, Brel c’est moi. Je partage avec beaucoup d’autres son héritage, ses passions, sa vision si profondément humaine, et si l’on critique son côté réac, nous sommes nombreux à le ressentir comme une compréhension vraie du monde, une sensibilité à fleur de peau, d’écorché vif.

Nous avons partagé les mêmes rêves, les mêmes pensées, je me retrouvais en lui, on le retrouve quelque part en moi, qui ne me quitte pas.