Chômage : l’inversion de la courbe ?

Publié le 21 décembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Actualité

Chômage : l’inversion de la courbe ?

Publié Par Guillaume Nicoulaud, le 21 décembre 2013 dans Travail & emploi

Malgré les derniers chiffres annoncés par l’Insee, François Hollande persiste à vouloir nous faire croire qu’une inversion de la courbe du chômage est imminente.

Par Guillaume Nicoulaud.

Voilà la situation : dans sa dernière note de conjoncture, l’Insee estime – avec toutes les précautions d’usage1 – que le taux de chômage, en hausse de 0,1% à 10,9% au troisième trimestre 2013 devrait s’établir à environ 11% d’ici la mi-2004. En d’autres termes, l’organisme public auquel l’État confie l’élaboration de ce type de statistiques, ne voit aucune inversion de la fameuse courbe du chômage dans un horizon prévisible à moins, bien sûr, de procéder par symétrie horizontale.

Seulement voilà, pris d’un réflexe sarkozien, le Président de la République s’est empressé d’apporter un démenti poli aux statisticiens de l’Insee en confirmant que, malgré ce que raconte l’Institut national, « tout est fait pour que l’inversion de la courbe du chômage puisse être réalisée », que les contrats de génération, les emplois d’avenir et la politique volontariste du gouvernement justifient pleinement la confiance présidentielle2. D’ailleurs, note – non sans humour – le président normal, « la note de l’Insee s’intitule reprise poussive, donc il faut la pousser. »

Comment ce diable d’homme peut-il être si sûr de lui ?

Serait-ce le fameux modèle Mésange, ce modèle théorique traditionnel – c’est-à-dire néo-keynésien3 – développé (entre autres) par l’extraordinairement influente Karine Berger, qui serait à l’origine des certitudes du président ? Se pourrait-il qu’après un énième « Karine, ma sœur Karine, ne vois-tu rien venir ? » cette dernière ait finalement perçu le début du frémissement du retournement de cycle tant attendu dans sa grosse boule de 500 équations ?

Non. Soyons sérieux voulez-vous ? Celles et ceux d’entre nous qui se sont déjà risqués à modéliser des phénomènes économiques – aussi humbles soient-ils – le savent mieux que quiconque : c’est un art d’une extraordinaire complexité qui requiert de ceux qui s’y adonnent la plus grande des prudences et la plus totale des humilités4. Un modèle comme Mésange, ça sert à mettre des chiffres à la place des points d’interrogation dans des rapports strictement internes mais, pour peu qu’on ait ne serait-ce qu’une once de lucidité, on ne se risque pas à utiliser ses prédictions en public.

Non, ce n’est pas l’oiseau néo-keynésien (et donc tout à fait neutre) de sœur Karine qui pousse notre président et ses ministres à contredire les équipes de l’Insee en public.

C’est une forme de pensée magique.

Ces oiseaux-là sont sincèrement convaincus qu’en répétant dix fois par jour que la courbe va plier et que la réalité va s’inverser, la courbe va effectivement plier et la réalité effectivement s’inverser parce que vous allez y croire.

Ce n’est pas comme si vous étiez des êtres doués de raison et capables d’analyser votre environnement ; ce n’est pas comme si vous étiez des professionnels formés et expérimentés chacun dans vos spécialités. Ce qu’on vous applique ici, c’est une méthode Coué ; un bourrage de crâne grâce auquel, espèrent-ils, ils finiront par vous convaincre que tout va bien, que votre trésorerie n’est pas dans le rouge, que la dette publique se remboursera par l’opération du Saint Esprit, que vos clients ne mettent pas la clé sous le paillasson et que l’avalanche réglementaire et fiscale ne met pas du tout votre survie en péril.

Ça n’est vraiment que ça. Il n’y a pas de chiffres, pas de modèles, pas de stratégie : toutes ces rodomontades ne sont que des tentatives désespérées destinées à nous faire croire que notre bon gouvernement maîtrise la situation. Pendant que le navire coule, le capitaine fait jouer l’orchestre un peu plus fort.


Sur le web.

  1. En application de l’effet Dunning-Kruger.
  2. Voir note 1 mais dans l’autre sens.
  3. Je n’invente rien, voir le résumé page 3.
  4. Amis entrepreneurs, rendez-vous page 10 du document lié ci-dessus et découvrez le programme d’optimisation sous contrainte que vous êtes supposés résoudre au quotidien – ça vaut le détour !
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