Hartza et monseigneur homo sapiens sapiens

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

par Laurent Ayerdi-Caudine

L'ours d'Urbaza


Ça fait drôle, n'est-ce pas, tout à coup, de voir ce blog (NDLB : le sien) transformé en zone à l'ours ? Je suis certain que ça a un côté monomaniaque pour certains n'est-ce pas ? Tant de luttes à mener, tant d'enfants qui crèvent de faim, me dira-t-on ! Et moi, je me préoccupe de l'ours ! J'en vois quelques-uns que ça agace ! Il y a pire pourtant ! Regardez donc le monde des blogs ? Il n'y en a pas beaucoup qui se préoccupent spécifiquement des enfants qui crèvent de faim si je ne m'abuse ! Enfin bon !
A cet instant je pense à un truc. Depuis des milliers d'années, un animal appelé ours brun vaque (vaquait) en toute liberté dans nos campagnes. Sa liberté même est pour nous un affront. La liberté de l'ours est une liberté vraiment révolutionnaire et contestataire. Par sa seule présence il est un symbole de la nature libre et sauvage qui défie l'homme de manière pacifique. Un symbole, un peu comme certaines tribus d'Amazonie qui vivent encore - jusqu'à quand ? - à l'extérieur du monde moderne, ce monde unidimensionnel, uniculturel que l'on a construit spécialement pour notre égocentrisme surdimensionné d'humain avec un "h" minuscule. En défendant Hartza, je me sens réellement contestataire, révolutionnaire et résistant. Hartza est un combattant anti-capitaliste, j'en suis certain. Il milite au quotidien, silencieusement, par sa seule présence contre la consommation à outrance, l'homogénéisation, le productivisme, la pensée unique.
L'ours est un symbole de toute cette nature sauvage, humaine, animale, végétale qui recule tous les jours un peu plus pour faire place à l'humain avec un petit "h" minuscule. Cette nature sauvage que l'on s'est évertué à faire disparaître mais qui aujourd'hui résiste par sa beauté, son altérité et dont on jaloux peut-être en secret et dans les tréfonds de notre inconscient par l'esprit de liberté qui l'anime. Nous qui avons été colonisés, socialisés et apprivoisés comme des animaux de compagnie jusqu’au fond de nos cellules pour être des soldats bien obéissants, on s’agace de voir un être divaguer en paix et en toute liberté.
En me mettant du côté du batracien, de l'arbre, du gypaète, de l'ours, je me sens vraiment contestataire, révolutionnaire et résistant.
Devant nos ordinateurs dernier cris, devant nos splendeurs échevelées de modernisme, devant nos routes superbes d'asphalte et de bagnoles, devant nos musées, nos fusées, nos zoos, nos certitudes, devant nos fleurs entourées de jolis petits cailloux badigeonnés au round’up Monsanto, nos pavillons sans papillons, on aurait l'air malins, on aurait l'air mignons. Devant nos moutons dociles, nos porcs prêts à tomber dans nos assiettes, nos vaches bien obéissantes tant qu'elles vont tranquillement à l'abattoir, on serait mignons, on serait malins, si l'ours, disparaissait dans nos Pyrénées!
Cette logique-là - incapable de voir les limites du supportable, incapable de pleurer, incapable de nous repentir de ces décennies de destructions qui ont vu la nature libre et sauvage reculer - est en train de se retourner contre nous. Et c'est peut-être, hic et nunc, le moment de réagir et de se dire que rien n'est perdu et qu'il y a encore une place dans nos coeurs pour la liberté, toute la liberté sans exclusive.
Je voudrais dire un mot à mes ami(e)s abertzale en particulier. Ne vous leurrez pas. Les basques, les bretons, les corses comme tant d'autres peuples dans le monde, tant d'autres cultures comme tant d'autres natures, tant d'autres minorités ont fait les frais de cette même mécanique néfaste et sordide qui broie tout et qui n'a qu'un seul objectif : réduire la diversité à l'unicité, faire de la planète un monde à la mesure de l'homme, c'est-à-dire à la démesure de son orgueil gigantesque qui le laisse penser qu'il serait le propriétaire exclusif de la terre et pourquoi pas de l'univers. Ils n'ont pas été gênés ceux qui ont planté un drapeau américain sur la lune ! La lune et la terre n'appartiennent pas aux hommes surtout pas aux américains ! Et Euskal Herri appartient aux basques, aux ours et aux humains de demain, à nos enfants qui dans 2000 ans j'espère, occuperont pleinement et joliment cette terre et parleront ici en euskara au milieu des renards, des ours, des loups, des lynx.
Cher(e)s ami(e)s basques, pour moi, la lutte des ours, des petits paysans, la lutte pour l'euskara, celle des corses et des occitans, la lutte du républicain espagnol qui a fuit l'Espagne en 39, le cri de la mère que l'on sépare de son enfant, celui de l'ouvrier qui lutte pour faire respecter ses droits, le paysan qui lutte pour vivre de sa terre ; tout cela, c'est la même lutte pour la vie, la liberté, la dignité. La lutte pour la vie, la liberté et la dignité n'est pas l'apanage de monseigneur homo sapiens sapiens et même un arbre a dans sa sève autant d'amour de la vie, de la liberté et de la dignité que monseigneur Sébastien Uthurriague, ou monseigneur Jean Lassalle.
Chers ami(e)s abertzale, je serais déçu si vous réduisiez votre combat de cette manière et que vous n’alliez pas au bout du combat qui est le votre, qui est le mien.
Ce blog est consacré à l'ours pour une durée indéterminée car la liberté est une et l'ours comme le gypaète, l'Adonis d'été ou le renard sont mes frères et mes soeurs et que face à la haine de cette nature libre et sauvage qui trouve son lit chez certains éleveurs de Larrau et de Saint Engrâce, chez un certain Jean Lassalle, fossoyeur de la vallée d'Aspe, chez un certain Lacube d'où incube la haine et l'horreur de la liberté, face à M. Sébastien Uthurriague maire de Larrau et les membres de l'ADEB, Madame maddé Maylin triste passionaria anti-ours, je veux montrer ma différence. Car là, à ce moment précis, je me sens plus proche d'un chêne, d'une grenouille, d’une branche d’arbre, d’une épine de rosier et de mon frère Hartza que de ces hommes qui se prennent pour le centre de l'univers et des dieux incarnés.
Je suis Hartza aujourd'hui et demain.
Il est temps d'aller au bout de notre révolution copernicienne. L'homme qui a cru être au centre de l'univers se croit encore au centre de la terre. Allez un petit effort monseigneur homo sapiens sapiens, il est encore de temps de descendre du trône en toc sur lequel tu prends tes aises depuis bien trop longtemps.
Hartza laisse moi t'écrire avec un H majuscule. Quant à toi, cher frère (soeur) humain(e), je te laisse avec ce que tu mérites, un petit « h » à peine perceptible. Humain, quelle belle idée, quel bel objectif ! Qu'il sera beau le jour de l'Humain, lorsque nous aurons digéré l'esclavage, les bombes, les génocides, les ethnocides, les écocides, les répressions, les tortures, les évangélisations, les viols, les guerres, les invasions… Qu'il sera beau l'âge du grand H… quand nos étrons auront été digérés par toutes les petites bêtes du monde.
Maintenant, je vais vous dire, je n'écrirai plus rien à ce sujet car j'ai l'impression de me répéter et de dire toujours les mêmes choses depuis pas mal de temps.

Laurent Caudine

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