Art technologique : du tableau à la Toile

Publié le 02 janvier 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

L'art total ?

L'art total est un vieux rêve des artistes. Du  cabaret Voltaire des Dadaïstes  aux
Futuristes, des performances de Fluxus aux Lettristes, combien ont eu le désir d'embrasser toutes les formes d'expression pour atteindre cet idéal ? Le recours aux technologies de pointe serait-il une réponse nouvelle à cette ambition ?  Le livre de Dominique Moulon "Art contemporain et nouveaux médias" aborde tous les aspects de cette nouvelle donne.
Déjà  en 1948, Nicolas Schöffer  inventait le Spatiodynamisme, « l'intégration constructive et dynamique de l'espace dans l'œuvre plastique. ». L'architecture et l'urbanisme vont constituer le cadre de ses recherches et donner naissance dès 1955 à l' « œuvre d'art total », la ville cybernétique. Mais le grand rêve de la  Tour Lumière Cybernétique qui devait voir le jour en 1970 n'aboutira pas et Nicolas Schöffer, qui allait devenir le nouvel Eiffel, sera bien oublié.
C'est avec cette mise en perspective que l'on doit prendre en compte les propositions actuelles de l'art technologique. L'informatique a, aujourd'hui, bouleversé cette donne technologique et l'auteur réalise un panoramique sur tous ces possibles.
Nouveaux médias, robots, monde virtuel, réseaux, internet : l'artiste contemporain à la fois est immergé dans cet univers et dispose, lui aussi,  de ces outils nouveaux.

Un art relationnel

Au tout début de ce nouveau siècle, Nicolas Bourriaud , dans "Esthétique relationnelle", entendait mettre en évidence " la possibilité d'un art relationnel (un art prenant pour horizon théorique la sphère des interactions humaines et son contexte social plus que l'affirmation d'un espace symbolique autonome et privé) ".
Les outils technologiques nouveaux établissement ces conditions dans lesquelles la relation d'interactivité devient essentielle. Le développement effréné des jeux vidéo fournit même immédiatement aux artistes les outils tout faits de la 3D. Le pas est vite franchi entre espace réel et monde virtuel. Pour autant, la technologie ne se suffit pas à elle même. Ce sont les artistes qui vont investir ces nouveaux territoires.

En 2012, Miguel Chevalier installe aux Halles de Paris un environnement de réalité virtuelle générative et interactive composé de barres et écrans de Leds, trois ordinateurs, et trente deux  inducteurs, panneaux de polycarbonate. Avec ce travail, l'artiste souhaite insérer le visiteur dans un univers globalisé. Déjà, la vague de l'art cinétique triomphant des années soixante promouvait ce rêve d'un art ingérant tout l' environnement humain.

Un art global

Avec l 'informatique, internet, les réseaux de toutes natures, on assiste à la naissance d'un art global voire mondialisé. Comme le souligne Dominique Moulon : "Au-delà de l'espace physique des musées et surtout des festivals où les installations connectées à l'internet se sont multipliées, l' espace virtuel du World Wide Web a attiré nombre d'artistes ou de collectifs dès les années qui ont suivi sa création en 1989. Des mouvements ou tendances comme Net.art ou Neen ont vu le jour dans les années 1990 puis 2000."
D'une certaine façon, le recours aux algorithmes des artistes de l'internet rejoint Dada qui "prônait l'usage du hasard et de l' aléatoire comme moyen d'expression : ses membres étaient connus pour leurs poèmes fondés sur l'exécution d'une série d instructions et sur la variation aléatoire des mots".
A la différence d'un Art total ambitionné par Dada, c'est un art global qui se dessine avec l'art technologique. Global par l'implication interactive des spectateurs dans la création de l'artiste (et ceci bien au-delà des expériences de l'art cinétique des années soixante et notamment celles du Groupe de Recherche d'Art Visuel), global également par sa vocation mondialisée sur l'espace sans frontières de l'internet. Pour autant, la technologie ne fait pas l'art. Un de ses promoteurs, Maurice Benayoun tempère cet impact de la technologie:
" La question du futur de l'art pourrait se trouver contaminée par ce qui n' est pour beaucoup qu'un épiphénomène auquel les invariants artistiques resteraient insensibles : la technologie(...) L'art après la technologie ne refuse pas l'image, ne refuse pas l'objet, ne refuse pas le plaisir et encore moins sa déception".
Le vingt-et-unième siècle, avec le World Wide Web  fait passer le peintre du tableau à la Toile. Cette histoire ne fait que commencer.

Photo: Site de Miguel Chevalier

 "Art contemporain et nouveaux médias"
  Dominique Moulon

Nouvelles éditions Scala 2013