Les Larmes Rouges de Georgia Caldera

Publié le 04 janvier 2014 par Biancat @biancatsroom

« Le temps n’est rien, il est des histoires qui traversent les siècles… »

Après une tentative désespérée pour en finir avec la vie, Cornélia, 19 ans, est assaillie de visions et de cauchemars de plus en plus prenants et angoissants. Elle se retrouve alors plongée dans un univers sombre et déroutant, où le songe se confond à s y méprendre avec la réalité.

En préambule, il faut savoir que j’aime passionnément les vampires (enfin je m’entends, à une distance raisonnable…). J’aime leur démesure et leur sensualité, leur romantisme sombre et gothique, les interrogations métaphysiques que suscite leur immortalité, les rapports complexes qu’ils entretiennent avec leur humanité moribonde et leurs instincts monstrueux.

Mais voilà : pourtant très fan de la Chronique des Vampires d’Anne Rice – Lestat reste à mes yeux le vampire de fiction le plus fascinant jamais imaginé -, j’avais été quelque peu déçue par le 5ème tome Memnoch le démon. Et je ne parle même pas de mon traumatisme à la lecture du premier tome de Twilight et de l’interprétation du mythe par Stephenie Meyer.  J’avais donc pris depuis quelques distances avec les prédateurs aux dents longues.

Néanmoins, j’ai récemment découvert Les Larmes Rouges de Georgia Caldera, dont les critiques quasi-unanimes m’ont surprise et interpellée. En plus d’être un écrivain de langue française, Georgia est aussi une illustratrice de talent. Elle déclare également s’inspirer d’Edgar Allan Poe, Bram Stoker ou encore Anne Rice et le livre bénéficie d’une très belle vidéo de présentation, illustrée par ses soins. Ajoutez à cela un résumé accrocheur, et j’avais toutes les raisons de me laisser tenter.

Au final, la lecture fut plaisante, mais loin d’atteindre les sommets que j’en attendais.

L’histoire tout d’abord : la plongée cauchemardesque de Cornélia et sa découverte d’un univers qui l’entraîne peu à peu hors de son existence normale a un côté envoûtant et assez prenant. Les réminiscences nocturnes de sa vie passée, venant éclairer par petites touches les événements terribles qu’elle affronte dans le présent, rythment l’avancée de l’intrigue et aiguisent juste ce qu’il faut l’intérêt du lecteur.

L’ambiance se veut gothique et sombre, à travers les codes somme toute classiques du genre : le château mystérieux, le prince ténébreux, les costumes d’époque, la chapelle dans les bois, l’évocation de Dieu. Mais elle se veut également élégante et romantique : certains moments de grâce marquent l’esprit, comme cette scène magnifique où Cornélia et Henri se laissent emporter dans une danse folle, merveilleuse et fantomatique, défiant les lois de l’attraction terrestre.

Enfin, une des qualités majeures de l’ouvrage est de rendre – enfin – aux vampires leurs lettres de noblesse et leur identité de monstres torturés par leur nature. Je dois avouer qu’après le Robert des Bois de Twilight, ça fait un bien fou. Le personnage de Henri est étrange et énigmatique, effrayant et séduisant à la fois. Son regard clair et mélancolique hypnotise le lecteur (la lectrice ?) pour le rendre au final très attachant. Cependant, Georgia Caldera met un point d’honneur à couper avec l’image du vampire inoffensif, et se fait régulièrement un devoir de rappeler que oui, les créatures de la nuit font peur : ainsi, à plusieurs reprises, elle n’hésite pas à donner dans la scène sanglante et horrifique, jusqu’à un excès un peu surfait parfois.

Pourtant, malgré ces aspects plutôt réussis, je suis restée un peu sur ma faim (vampirique). Même si on rentre assez rapidement au coeur de l’intrigue, l’unité de lieu rend l’ensemble très monotone dans les deux premiers tiers du livre. L’essentiel du tome – passé et présent – se déroule dans la petite ville de Rougemont entre la maison de Cornélia et le château de Henri : Cornélia y fait un va-et-vient quotidien pas toujours très passionnant, les informations sont distillées au compte-gouttes sous un prétexte un peu léger (la règle ‘un repas, une question’ m’a au moins autant agacée que l’héroïne…). Heureusement, les allers / retours entre le passé et le présent donnent un peu de rythme à un ensemble qui aurait été bien pesant sinon.

D’autre part, hormis les personnages de Cornélia et Henri qui occupent tout l’espace du livre, les autres personnages sont peu travaillés, que ce soit les humains normaux, totalement inintéressants, n’ayons pas peur des mots, ou les autres vampires, très manichéens et caricaturaux, à des lieues de la complexité de la galerie des vampires d’Anne Rice.

Tout autant que l’intrigue et les personnages, le style d’écriture est le coeur vivant d’une histoire. Ici, il n’est pas mauvais mais, même si ça n’a l’air de rien, j’ai fini par être très irritée de lire les mêmes mots toutes les deux pages : les verbes ‘marmonner/marmotter’, les expressions ‘pour autant’ et ‘répondre d’une voix blanche’ apparaissent un nombre de fois ahurissant et m’ont donné l’impression tenace que l’auteure manquait cruellement de vocabulaire.

Par ailleurs, les premiers dialogues entre Cornélia et Henri, certaines réactions des personnages, ainsi que les passages de réflexion intime de Cornélia, m’ont paru sonner particulièrement faux et m’ont à plusieurs reprises sortie de l’histoire.

En conclusion, Les Larmes Rouges promettaient une grande et belle histoire mais finalement, l’auteur n’arrive pas à l’exploiter totalement, ne se donnant pas toujours les moyens de son ambition. Ce qui en fait une lecture pas foncièrement désagréable, mais qui ne m’a pas suffisamment alléchée pour entamer le 2ème tome, prévu pour 2014. En revanche, elle m’a redonné le goût du sang, si je puis dire, et l’envie de reprendre la Chronique des Vampires là où je l’avais laissée, à la rencontre du séduisant Armand.